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Un Nobel, c'est une lumière au bout du tunnel
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 12 - 2018


Par Dr Youcef Mentalechta
Membre éminent de la communauté scientifique nationale, le professeur Youcef Mentalechta s'est considéré interpellé par le débat intervenu récemment autour de la place du prix Nobel dans la problématique de l'essor de la recherche scientifique dans un pays donné. Le professeur Youcef Mentalechta se livre, d'abord, à un commentaire factuel sur le débat né de déclarations officielles sur la question. Il propose, ensuite, un exposé d'essence pédagogique sur le prix Nobel lui-même non sans évoquer son fondateur, le physicien Alfred Nobel. Le professeur Youcef Mentalechta précise, avec insistance, que sa contribution est d'essence académique et ne vise, aucunement, à prendre pied dans une polémique qui n'est ni de son rang ni de son âge. Dont acte.
Comme nombre de scientifiques, j'attendais le mois de septembre qui annonce l'attribution des prix Nobel. Pour le chercheur en physique que je fus, ce sont les lauréats des prix en physique et en chimie qui retiennent le plus mon attention. Le prix pour la médecine m'intéresse aussi, bien que mes connaissances dans cette discipline soient trop limitées pour en saisir toute l'importance.
Je reconnais accorder moins d'importance aux prix attribués en littérature, économie et pour la paix. Je reconnais le mérite des lauréats, bien que les jugements me paraissent parfois subjectifs.
Le cas d'Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, devenue Premier ministre, et conseillère du président de la Birmanie, restée insensible aux traitements dont ont été victimes les Rohingyas, ses compatriotes musulmans, soulève, à juste titre, questions et polémiques. En littérature, certains lauréats tel Jean-Paul Sartre refuseront le prix pour des raisons philosophiques. Rien de tel dans les disciplines scientifiques, ce qui en fait des prix très attendus et surtout appréciés.
Il faut reconnaître que l'histoire de la création du prix Nobel est loin d'être banale. J'en dis l'essentiel en quelques mots. L'aventure d'Alfred Nobel, ce scientifique suédois, se situe dans la seconde partie du XIXe siècle. Chimiste de formation, il devient ingénieur, travaille sur la nitrocellulose et dépose brevet sur brevet. Voilà qu'un chercheur italien, Sobrero, découvre la nitroglycérine, explosif remarquable mais extrêmement sensible et surtout de manipulation très dangereuse. Difficile de remplacer la poudre à canon. C'est là qu'Alfred Nobel, l'ingénieur, intervient et entame des recherches pour stabiliser autant que faire se peut la nitroglycérine.
Pas facile et dramatique. De nombreuses explosions accidentelles dont l'une a causé la mort de son propre frère. Ce dramatique événement n'est probablement pas étranger au testament d'Alfred Nobel. Le succès est au bout de l'effort. Alfred Nobel arrive à ses fins et trouve le moyen de stabiliser la nitroglycérine en la mélangeant à un solide neutre et absorbant. Ses concurrents et envieux laissent entendre que cette découverte fut le fait du hasard, Alfred Nobel ayant renversé, par inadvertance, un peu de nitroglycérine sur... un tapis. Quoi qu'il en soit, la dynamite est née et avec elle la fortune de la famille Nobel. Que d'applications utiles, ouverture de routes, creusement de canaux, ouvertures de tunnels, mais hélas que de morts dans les guerres et conflits sanglants, et accidents.
C'est en France, du côté de Sevran, que se poursuivront les travaux. On a compté plus de 350 brevets déposés. Une immense fortune, de la fierté, du chagrin, des remords. On ne saura jamais .
Alfred Nobel, par testament, léguera toute sa fortune présente et à venir à des bienfaiteurs de l'humanité dans les domaines des sciences biologiques et la médecine, la physique, la chimie, la littérature et la paix.
Les sciences économiques ont été ajoutées plus tard à l'initiative d'une institution financière de Suède. On peut être surpris que les mathématiques ne figurent pas parmi les disciplines scientifiques nobélisables. Des raisons plus ou moins farfelues ont été avancées. On peut supposer qu'à l'époque elles ne présentaient pas l'importance qui leur est reconnue maintenant.
La médaille Fields et le prix Abel qui récompensent des chercheurs en mathématiques sont considérés comme équivalents au prix Nobel. Dans son testament, Alfred Nobel a fixé les modalités d'attribution, sans aucune distinction de quelque nature qu'elle soit, personne ne peut se porter candidat, on est proposé par des académies et des personnes hautement qualifiées, le prix ne peut être attribué à titre posthume. C'est à l'Académie royale de Suède que fut confiée l'organisation. S'y sont joints avec le temps le Comité Nobel de Norvège, l'Institut Karolinska.
Au cours de la cérémonie de remise, les lauréats, par discipline, reçoivent une médaille d'or et argent et se partagent une somme de l'ordre de 1 million de dollars. Voilà, résumée, l'odyssée du prix Nobel, le minimum qu'un responsable doit savoir pour apprécier, à sa juste valeur, non le prix Nobel par lui-même, mais ce qu'il représente pour la communauté des chercheurs dans les différentes disciplines concernées, pour l'université ou l'institution dont sont issus les lauréats, et pour leur pays qui peut s'enorgueillir, à juste titre, de la considération qu'il accorde à la recherche et aux chercheurs et des moyens qu'il met à leur disposition. A travers ce prix, c'est l'audace du chercheur, son acharnement au travail, la solidarité d'une équipe, les échanges, critiques et conseils reçus suite aux communications, congrès, séminaires, c'est tout cet ensemble en mouvement, qui trouve sa consécration, la reconnaissance par ses pairs. Ce sont des scientifiques qui proposent, des scientifiques qui choisissent, des scientifiques qui récompensent. Pour un chercheur, le prix Nobel n'est ni un objectif ni une fin en soi. Il y a une vie de chercheur avant et il y en aura une après.
Comment ne pas imaginer l'impact de l'attribution d'un prix Nobel au sein d'une université. Des vocations naissent, des forces et énergies se décuplent. Les horizons s'éclaircissent. Combien de jeunes étudiantes se sont orientées vers la physique et la chimie après l'attribution des deux prix Nobel à Marie Curie ? Combien de jeunes écrivains égyptiens se sont sentis libres d'écrire et de publier après le Nobel de Mahfouz Naguib ? Combien de Pakistanais ont osé se lancer dans la recherche atomique et théorique suivant l'exemple de Muhammed Abdou Salam et de jeunes Iraniens et Iraniennes après l'obtention de la médaille Fields par leur compatriote, Maryam Mirzakhani qui fut la première femme à obtenir cet illustre prix de mathématiques ? Un prix Nobel, c'est une lumière au bout du tunnel, qui nous dit, allez, encore et toujours, cherchez, il y a quelque chose au bout.
C'est l'espoir d'arriver à cette lumière qui guide et motive le chercheur. Ce ne sont ni les honneurs ni les récompenses, encore moins l'argent. Aucun lauréat du prix Nobel n'a fini sa carrière et sa vie dans l'opulence. La somme d'argent qui accompagne la médaille va, la plupart du temps, au laboratoire, au bénéfice de toute l'équipe pour améliorer les équipements. Pas plus Flemming pour la découverte de la pénicilline que Banting ou Macleod pour l'insuline n'ont fait fortune. En sciences plus que dans d'autres disciplines, le chercheur, même lauréat du prix Nobel, reste chercheur. Chercheur un jour, chercheur toujours.
Quand le résultat d'une recherche est exploitable, ce sont les industriels aidés par des ingénieurs et inventeurs éclairés qui en assurent la production et en tirent les bénéfices. Ce qui est tout à fait normal au vu des risques financiers qu'ils prennent. C'est la chaîne continue du progrès avec, à l'origine, le chercheur, l'inventeur, l'industriel, parfois le bricoleur de génie. Chacun y a sa place et son mérite. Seuls doivent être bannis les imposteurs et charlatans. Parmi les lauréats du prix Nobel, le savant dont le nom est resté le plus populaire est Albert Einstein.
Paradoxalement, Einstein n'a pas été «nobélisé» pour ses travaux sur la relativité et l'équivalence entre la matière et l'énergie d'un système et la bien connue équation E=mc².
Il le fut pour l'étude de la structure de la lumière, la mise en évidence du photon et l'effet photovoltaïque. Assez atypique le parcours, semé d'embûches, d'Albert Einstein, petits boulots pour vivre, voyages, tri-nationalité. Facétieux par moments. Nous avons tous vu sa photo, langue tirée. Louis Pasteur aurait très probablement reçu le prix Nobel mais le prix n'existait pas de son vivant.
Cependant, l'Institut Pasteur de Paris a été honoré à dix reprises, la dernière fois, en 2008, le Prix fut attribué à Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier pour leurs travaux sur le virus du sida. Suite à des différends et contestations, l'Américain Jean-Claude Chermann a été associé moralement à l'attribution du prix.
Certains inventeurs sont, à juste titre, considérés comme les prix Nobel, des bienfaiteurs de l'humanité. Leurs noms sont restés dans l'histoire des découvertes et de l'industrialisation des Etats- Unis vers la fin du XIXe siècle. Les frères Lumière ont fait fortune avec leurs inventions dans les domaines de la photographie et ce qui est devenu le cinéma. Il en fut de même pour Thomas Edison à qui nous devons les lampes à incandescence entre autres découvertes. Défenseur du courant continu, il eût à affronter Tesla, inventeur et défenseur du courant alternatif, pour l'électrification des Etats-Unis d'Amérique. On sait ce qu'il en est advenu.
Les petits inventeurs et bricoleurs, de génie ou du dimanche ont apporté leur contribution pour rendre la vie plus facile. Le Concours Lépine, organisé chaque année à l'occasion de la Foire de Paris, récompense les meilleurs inventeurs qui trouvent souvent des investisseurs pour l'industrialisation de leurs découvertes.
Qui, parmi les moins jeunes d'entre nous, homme ou femme, n'a eu un jour au moins à utiliser un moulin à légumes, devenu moulinex comme le réfrigérateur est devenu frigidaire. Encore une découverte d'un bricoleur de génie, Jean Mantelet. Il a non seulement créé sa société pour la fabrication de moulins manuels, mais a eu l'intelligence de recruter des ingénieurs pour l'évolution du produit. Ainsi sont arrivés sur le marché les moulins électriques, pour les légumes mais aussi pour le café. Et l'aventure continue toujours avec le groupe SEB, nouveau propriétaire.
La recherche, l'invention, la découverte, l'innovation représentent un tout au service de l'Humanité. Tous ceux qui en sont acteurs méritent respect et considération, encore davantage lorsque ils peuvent servir d'exemples aux jeunes et leur ouvrir voies et perspectives.
Je disais au début que le mois d'octobre était celui de l'attribution des prix Nobel. Comme tous les physiciens, j'ai attendu la révélation du prix Nobel de physique.
Grande fut ma satisfaction dans la mesure où les travaux récompensés ne m'étaient pas totalement inconnus. Les 3 lauréats ont travaillé sur les lasers, soit pour générer des rayons de nouvelles qualités et performances pour la chirurgie optique par exemple, soit pour l'affinement des pinces optiques pour les déplacements des particules. Arthur Ashkin Donna Strickland et Gérard Mourou ont été honorés conjointement pour le prix de physique.
Gérard Mourou est chercheur à l'Ecole polytechnique de Paris. Son travail et celui de son équipe sont d'une importance capitale pour le futur. Il sera possible de déplacer les particules les plus élémentaires et les déposer là où on veut.
Des matériaux encore plus intelligents, avec encore plus de mémoires, sont entrevus, un vaste domaine de recherche s'ouvre devant nous.
Les jeunes chercheurs algériens seront des acteurs de ce monde en construction, pour peu que les moyens leur soient donnés pour être parmi les meilleurs.
Les chercheurs algériens ont donné preuve de leur compétence et engagement par le passé. Notre université était tout à fait comparable aux universités européennes, françaises en particulier. Des enseignants de renom venaient apporter leurs concours à l'enseignement et à la recherche. Des étrangers préparaient et soutenaient mémoires et doctorats en Algérie, et cela n'avait rien d'étonnant. Les titres et diplômes délivrés par notre université étaient reconnus comme équivalents à ceux des autres universités.
Désormais, sous d'autres cieux, des universitaires algériens reçoivent titres et honneurs et occupent des postes en rapport avec leur savoir. Tout ceci pour dire que tout est possible, toute ambition est légitime, dès lors que l'on accepte les efforts requis. En s'engageant dans la voie de la recherche, et en tant que chercheurs, nous le savons. La recherche n'est pas un métier, je dirais une vocation, un sacerdoce. Que l'Etat apporte sa contribution pour que l'université algérienne retrouve sa place qui d'autan.
Je terminerai comme j'ai commencé, par l'évocation de quelques Nobel que j'ai connus. Dans ma carrière d'universitaire, tout comme mes collègues physiciens, j'ai eu le bonheur de croiser d'éminents chercheurs étrangers et parmi eux des prix Nobel. J'ai toujours été impressionné par leur modestie, voire humilité. Rien, ni de leur savoir ni de leurs titres, n'est mis en avant. Respect mutuel, sagesse, main tendue. J'ai eu à approcher deux Nobel de physique qui m'ont marqué et dont le souvenir m'est inoubliable. Tout d'abord, le professeur et académicien Alfred Kastler, considéré comme à l'origine du laser. Je le rencontrait à l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm à Paris. Il faut dire que je préparais ma thèse à l'Institut d'études nucléaires d'Alger et parallèlement à l'ENS de Paris pour bénéficier des équipements et moyens qui faisaient défaut à Alger (hélium liquide en particulier).
Je profitais des vacances pour aller à l'ENS où j'ai toujours trouvé accueil chaleureux et disponibilité. Comme il se doit, lorsque je rencontrais le professeur Kastler, pas encore prix Nobel, respect et déférence de ma part pour mon aîné en âge et mon maître en sciences. Après quelques rencontres, voici, à peu près textuellement, ce que me dit le professeur Kastler : «Il faut laisser le vouvoiement à l'extérieur du laboratoire, ici point de hiérarchie, ni d'âge ni de niveau, nous sommes tous au service de la science.»
J'avoue que je n'ai jamais pu m'y faire, je le vouvoyais toujours, ce qui le faisait sourire. En tant qu'adémicien, Alfred Kastler était le correspondant du laboratoire de physique du solide de l'IEN. A ce titre, il présentait à l'Académie des sciences en France nos communications qui étaient par la suite publiées sur les Comptes rendus de l'Académie. Lauréat du prix Nobel en 1966, un de ses premiers voyages à l'étranger fut pour nous rendre visite au laboratoire de physique du solide de l'IEN d'Alger. Visite de travail, ponctuée par le pot de l'amitié au laboratoire. Me trouvant en Italie pour une réunion sur l'informatique, je me suis rendu à Trieste, siège du Centre de physique théorique. C'est l'éminent professeur Muhammed Abdou Salam du Pakistan qui en était le directeur. Nous nous rencontrions souvent à Vienne alors que j'étais au titre de l'Algérie membre du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Ayant appris que le professeur Abdou Salam venait d'obtenir le prix Nobel de physique, il était de mon devoir d'aller lui rendre visite et le féliciter. Cette rencontre à Trieste avait un charme différent, c'était un prix Nobel que je rencontrais. Je me suis permis de le lui dire et lui faire part de mes félicitations et de ma fierté d'être avec le premier scientifique musulman, lauréat du fameux prix Nobel. Par un geste amical, fraternel, il mit sa main sur mon épaule, et me dit : «C'est moi qui suis heureux de connaître un homme de science de la grande Algérie.»
Nous étions aussi émus l'un que l'autre. Voilà pourquoi, je pense que la présence d'une autorité morale d 'un lauréat du prix Nobel a une grande importance pour le prestige de l'université, enseignants, étudiants, administrateurs et personnels réunis. Oui, Monsieur le ministre, je le crois.
Commentaire factuel sur la recherche scientifique
Chers amis,
Comme de nombreux algériens, universitaires ou non, j'ai déploré les réponses... à l'emporte-pièce du ministre chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, à des questions sur l'impact d'un prix Nobel algérien sur l'université.
Je vous avais fait part de mon étonnement. Qu'un ministre trouve sans effet sur l'université l'attribution du prix Nobel à un chercheur algérien, c'est regrettable, sans plus. Il n'a pas idée des valeurs et qualités humaines associées aux compétences scientifiques qui font du lauréat, un bienfaiteur de l'humanité, suivant la volonté d'Alfred Nobel. Mais que le recteur que fut le ministre, et par conséquent, enseignant et chercheur, puisse avoir une telle opinion est plus que regrettable, dangereux pour la réputation même de l'université. Je reste persuadé que tel n'est pas le fond de sa pensée. Peut-être voulait-il dire que cela n'aurait pas d'impact sur le quotidien des inscriptions et de l'organisation pédagogique ?
Il n'en demeure pas moins que notre enseignement supérieur et la recherche scientifique qui l'accompagne connaissent des difficultés qui s'amoncellent d'année en année. Plus de 30 000 étudiants algériens sont inscrits dans les universités françaises, des milliers de médecins exercent à l'étranger, des ingénieurs algériens font le bonheur des multinationales et d'éminents chercheurs trouvent à l'étranger, postes, honneurs et considération. Pour leur grande majorité, toutes et tous sont issus des universités algériennes. Cela atteste du bon niveau de l'enseignement et des compétences de nos enseignants. Former, c'est bien. Savoir garder et garantir à tout un chacun emploi et perspectives d'épanouissement, c'est mieux et c'est fondamental. C'est là que notre système est défaillant. Puérile donc est cette polémique à propos d'une... boutade. A mon avis, mal et priorité sont ailleurs.
C'est la grande, importante et indispensable réforme de notre système d'éducation, formation et recherche qui doit retenir l'atténuation. J'avais naïvement pensé que l'académie mise en place allait apporter son précieux concours pour, au moins, proposer les grandes lignes et les axes de réflexion. Les universités qui sont citées comme étant les plus importantes et productives, quantitativement et qualitativement, respectent ce qui seraient les fondamentaux qui ont toujours caractérisé l'espace universitaire, un espace de SAVOIR et de LIBERTE. C'est ce qui est entendu dans les Franchises universitaires qui s'imposent à tous. Mais, LIBERTE implique également et surtout liberté de gestion, de choix pédagogiques, entre autres. Il faut comprendre par là que l'université appartient aux universitaires. C'est pourquoi recteurs, doyens, voire chefs de département, sont élus par les conseils d'universités et de facultés.
N'est-il pas paradoxal que toutes les communes du pays élisent ceux et celles qui seront responsables de la gestion de la commune et que des universités ayant taille de communes soient... sous tutelle ? Sous tutelle de qui, et pourquoi ?
En général, la mise sous tutelle concerne les mineurs et les personnes ou institutions n'étant pas ou plus en mesure de se gérer.
Là n'est pas le cas des universités, il n'est pas le cas ailleurs et il n'y a pas de raison qu'il y en ait en Algérie. Est-ce à dire qu'il ne faut pas de ministère ? Loin de là, mais les relations entre les universités et le ministère changent de nature. C'est ce qui est entendu par autonomie de l'université. Un chef de laboratoire n'a plus à solliciter la bienveillance d'un responsable du ministère pour recevoir un collègue étranger ou envoyer un chercheur de son laboratoire assister à un séminaire ou faire un stage dans un autre laboratoire. L'accord de son doyen, certainement mieux au courant des faits, suffira. Il est urgent que la confiance et le respect des autres se substituent à une certaine forme d'autorité qui frise parfois la bureaucratie. C'est ainsi que cela se passe ailleurs . Essayons donc.
Les missions de l'université ont évolué avec le temps mais souvent sa délimitation est restée figée. A la vocation d'enseignement s'est ajoutée celle de formation. L'intitulé du ministère ne reflète pas cette nouvelle réalité.
Cela devrait être le ministère des Enseignements et des Formations supérieures
De même, la recherche n'est plus seulement scientifique. La technologie est aussi partie prenante. D'où la nécessité d'un ministère de la Recherche et de l'Innovation.
Si on observe ce qui se passe dans les pays développés ou en voie de développement, la formation et l'innovation se font surtout dans des écoles, grandes écoles et instituts spécialisés. La répartition des tâches et missions entre l'université intra-muros traditionnelle et le réseau d'écoles est déterminante. En schématisant on pourrait dire, enseignements et recherches théoriques à l'université, formations et innovations dans les écoles et grandes écoles. Il est important que les localisations des écoles et grandes écoles se fassent autant que faire se peut en tenant compte de l'économie de la région et de son potentiel industriel afin de promouvoir l'emploi.
Tout ceci est à étudier par les spécialistes.
Pour sûr, d'autres schémas sont possibles.
L'essentiel est d'agir avant qu'il ne soit trop tard. Il faut faire vite si on veut limiter l'hémorragie qui vide l'Algérie de ses ressources humaines les plus qualifiées.
Y. M.
Biographie express :
Le professeur Youcef Mentalechta est docteur d'Etat en physique des solides (1967). Militant de l'Ugema et de la Fédération de France du FLN, il a été l'un des premiers recteurs de l'université d'Alger (1966), il a été l'un des promoteurs de l'Institut national de l'informatique (INI). Il a été également directeur de la recherche scientifique et technique au Commissariat national à l'informatique et un de ses promoteurs.
Ayant rejoint à partir de 1983 l'Unesco, il y a assumé de nombreuses responsabilités notamment secrétaire du programme intergouvernemental informatique (1990). Actuellement, il est établi à Paris mais séjourne régulièrement en Algérie apportant assistance chaque fois qu'il est sollicité par la communauté des chercheurs.


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