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Education : des pratiques mafieuses
Publié dans Le Soir d'Algérie le 28 - 01 - 2020


Par Ahmed Tessa
Depuis le lancement de «l'infitah économique à la sauce algérienne » et davantage encore ces deux dernières décennies, il est coutume d'entendre le simple Algérien qualifier l'honnête travailleur(se) ou le responsable intègre de naïf, de peureux (en arabe algérien : «djayeh», «khouwef»). Impactant jusqu'au réflexe des plus démunis, les pratiques mafieuses ont dilapidé – en plus des ressources du pays – le capital moral du peuple algérien. Au point d'inverser l'échelle de toutes les valeurs cardinales qui assurent cohésion sociale, solidarité nationale et l'identification à une nation. «Tout s'achète – y compris les hommes.»
Ce dicton populaire dépeint de façon crue la descente aux abysses du moral d'un peuple traumatisé. Traumatisé aussi par le fait que la gangrène a fini par toucher une des institutions les plus nobles, la plus sensible et la plus importante à ses yeux : le secteur de l'éducation.
Et oui ! Le titre de l'article peut paraître outrancier, et pourtant la vérité est bien là. Certes, la presse a de tout temps relaté des faits de corruption, de passe-droit, de scandales au sein de certaines administrations scolaires et universitaires. Mais il n'en demeure pas moins que les pratiques mafieuses ne sauraient se confiner dans genre de faits tels que : marchés de gré à gré douteux, des inscriptions frelatées, des admissions aux concours, des diplômes achetés, postes d'affectation/mutation, des recrutements, notation de complaisance, etc. Et que la justice a, à plusieurs occasions, sanctionnées. La mafia à col blanc se retrouve aussi dans une partie (minoritaire) du corps enseignant, et par extension auprès de certaines catégories sociales qui lorgnent les élèves comme un crocodile affamé face à une proie. Il s'agit, vous l'avez compris, de cette pratique immorale de «vente de cours (payants)».
Voilà un phénomène qui a pris une ampleur telle que nous rejoignons l'Egypte dans le niveau de déliquescence morale. Oui ! La pratique des cours payants «est hautement mafieuse». La preuve par neuf ! Avec un bémol toutefois : «Séparer le bon grain de l'ivraie.» Cet adage populaire résume l'esprit dans lequel s'inscrivent les critiques parfois dures contenues dans cette modeste contribution. Oui, l'écrasante majorité des personnels du secteur de l'éducation sont intègres et dévoués à leurs élèves. Quant au pseudo-éducateur, adepte de ces pratiques indécentes dénoncées dans ces colonnes, sa conscience finira par se réveiller un jour. Et ce jour-là, cet(te) éducateur (rice) se rendra à l'évidence amère. Celle du regard foudroyant de son élève devenu adulte. Quelle honte pour lui (ou elle) quand, une fois terminé son cycle scolaire, cet élève lui lancera : «Vous m'avez trompé et escroqué mes parents.» Et des scènes de ce genre nous ont été relatées.
Témoignages accablants. Nous sommes un vendredi de septembre 2019, cinq jours après la rentrée scolaire. Dans cette rue marchande d'un nouveau quartier de la capitale, un immeuble flambant neuf, des adolescents s'impatientent devant le portail en fer forgé. Il est 7h30. Questionnée sur cette présence matinale, une des filles répond : «Nous attendons nos professeurs pour des cours de soutien. Nous passons notre bac en juin.»
Son père, sortant de sa voiture, nous interpelle : «Oui, vous voyez où en est l'école algérienne? Ses professeurs de mathématiques et de physique ont annoncé, dès la fin de l'année scolaire écoulée (en juin), que les inscriptions aux cours de soutien payants seront arrêtées le 15 août. Et ce fut la course pour les parents. Je doute qu'ils soient de bons éducateurs, mais pour être commerçants, ils le sont. Regardez ce bâtiment, ils l'ont construit (ou acheté) avec notre argent, celui des parents. Aux yeux et au nez des autorités. Ils bafouent en toute impunité les lois de la République – ou ce qu'il en reste.» Mais ce parent est-il conscient des conséquences que peut générer l'inscription de son enfant dans un «commerce » non protégé par l'assurance ? Un accident peut arriver dans (ou en dehors) de la bâtisse et les services d'assurance refuseront de répondre à la demande des parents. Même si le commerçant/enseignant insiste, jamais son commerce clandestin ne pourra être couvert par les assurances.
Avec l'impunité qui frappe ce genre d'activité clandestine et par manque de locaux appropriés, certains «vendeurs de cours» poussent le comble jusqu'à squatter des édifices publics relevant de l'Etat, avec la complicité de leurs responsables : maisons de jeunes, centres culturels et bibliothèques des communes, établissements scolaires. Flairant le bon filon, des associations de bienfaisance ou culturelles versent, elles aussi, dans ce commerce. Comment peut-on qualifier ce laxisme face à ce fléau qui dope l'informel/marché parallèle et qui est souvent l'œuvre de fonctionnaires de l'Etat ?
Racket
L'historique ! Ce fléau des cours payants a pris racine dans la capitale, fin 1980/début 1990. De nos jours, il a dispatché ses métastases dans tous les quartiers des villes, sans exception (moyennes et petites), y compris dans les villages. Chaque jour que Dieu fait (hormis les vacances d'été), des sommes colossales circulent en informel au nez et à la barbe du fisc : une saignée pour le Trésor public. A titre d'exemple comparatif, pour la seule année 2006, le Parlement égyptien a déclaré la somme faramineuse de 7 milliards de livres en circulation frauduleuse dans le secteur de l'éducation (cours payants).
Les autorités de l'époque avaient avoué leur incapacité à juguler ce qu'ils ont qualifié de «mafia des cours payants». Depuis cette date, cette mafia qui agit dans le secteur égyptien de l'éducation a accru sa puissance «de feu». Aux dires des spécialistes égyptiens, elle (cette mafia) a appauvri l'enseignement dans ce pays par son refus de voir des changements de fond. Refus de voir remaniée la stratégie pédagogique (programmes, méthodes, évaluation…) qui leur garantit la pérennité de la «poule aux œufs d'or» – comprendre la poche des parents. Pour maintenir l'immobilisme pédagogique, ils soudoient les responsables politiques et syndicaux. Leurs collègues algériens n'ont pas tardé à leur emboîter le pas. Les imiter jusque dans les stratagèmes de rabattage des «clients» et de blocage des réformes radicales — dans la sphère pédagogique notamment, là où se joue leur destin de «racketteurs d'élèves». Les 7 milliards de livres égyptiennes volés au Trésor public ne doivent pas peser lourd devant le pactole de nos clandos des cours payants.
Dans une contribution sur ce thème, il y a de cela quelques années, j'ai été pris à partie par un enseignant/commerçant en ces mots, à la virgule près : «Vous ne dites rien au sujet des parkingueurs qui vous volent à chaque stationnement, et vous venez nous critiquer parce que nous aidons vos enfants.» No comment !
Faites le calcul de la fraude/évasion fiscale qui pénalise le Trésor public algérien, et ce, sur un seul cas, à multiplier par des centaines (au strict minimum). Dans une petite ville du pays, cet enseignant de mathématiques «bachote» des épreuves-type à corriger dans un garage d'une trentaine de mètres de longueur sur dix de largeur. Pour se faire entendre du fond de cette salle monumentale, il dispose... d'un micro et d'une sono. Plus de 100 élèves entassés pour deux heures de cours à raison de 2000 DA l'heure. Il fait des rotations à la chaîne en soirée, les week-end, les jours de grève (qu'il affectionne) et pendant les vacances.
Il sollicite de temps à autre des collègues moins outillés que lui, pour leur permettre de se faire du «beurre». Dans un passé récent, une télévision privée a publié un reportage montrant des élèves entassés dans un garage insalubre. A raison de plusieurs centaines pour ne pas dire de milliers de «clandos frauduleux», à l'image de cet «enseignant à la sono», notre fisc est déplumé. Pas en euro certes, mais ces millions de dinars prennent vite la couleur d'une devise forte, par le change informel «Port-Saidisé».
Cet eldorado clandestin que constituent les élèves et leurs parents a fini par attirer une faune «d'aventuriers» qui ne sont pas fonctionnaires du secteur de l'éducation. L'odeur de l'argent alléché… Une pratique que réprouve la plus élémentaire des morales. Il est vrai que nous ne devons pas inclure parmi ces «mafiosi» de l'éducation, certains retraités qui dispensent des cours particuliers à domicile – des leçons et non du bachotage — à des groupes de trois à quatre élèves.
S'indigner devant l'éthique éducative bafouée ? Peut-on parler de morale à ces gens en ces temps troubles où les repères/valeurs sont brouillés et où l'honnêteté est qualifiée d'anormale ? Que peut-on dire de ce phénomène ? D'abord, il est scandaleux de voir la passivité des autorités en charge de réprimer le commerce informel ou la fraude fiscale. Comment est-il admissible que d'un garage, d'une villa ou d'un bâtiment sortent quotidiennement des dizaines d'enfants et d'adolescents à des heures tardives de la nuit ou tôt le matin les jours de repos sans qu'aucune autorité s'en inquiète ? Parfois le local est situé à proximité des services des impôts ou d'une autre administration censée traquer les fraudes. Des responsables qui restent indifférents devant une enseigne «Ecole de langues et cours de soutien».
Cette dernière activité n'est pas répertoriée dans la nomenclature du registre du commerce algérien. Chez nous, une boîte clandestine, sans autorisation d'exercer (registre du commerce), a pignon sur rue sans aucun souci pour ses patrons. Normal ! comme disent nos jeunes.
Payer l'impôt est un acte de civisme et de citoyenneté. S'en détourner relève du délit. Et pire que du délit quand c'est dans l'informel. L'impôt a été conçu en tant que moyen de redistribution de la richesse nationale. L'impôt sert à faire fonctionner la solidarité nationale, les services publics (santé, écoles…) et à payer les salaires des fonctionnaires. La fraude et l'évasion fiscale desservent la solidarité nationale. Elles affaiblissent l'économie nationale et participent à la création de filières mafieuses.
Un Etat de droit se doit d'actionner les services habilités à combattre l'argent sale. Qu'importe sa provenance, de la corruption ou d'activités clandestines, deux fléaux qui alimentent la fraude et l'évasion fiscale. Il est bizarre de constater l'immobilisme des pouvoirs publics devant des signes de richesse douteuse exhibés avec ostentation par de simples salariés. Il est vrai que l'argent sale ne touche pas uniquement une catégorie de fonctionnaires mais presque tous les secteurs. Des sommes colossales sont quotidiennement brassées par les fraudeurs du fisc dont cette minorité d'«en... saignants»/commerçants fait partie.
Leur marchandise consiste en un savoir frelaté vendu aux élèves. Pour vanter leurs prestations, et ce, par le relais de leurs rabatteurs, ces «en... saignants/commerçants » énumèrent leurs réussites. Evidemment pas celle de tous leurs clients mais juste le nom de certains : les élèves excellents. Ceux qui sont assurés du succès, avec ou sans cours payants. Toutefois, ils se font un point «d'honneur» (sic !) à ne pas imiter leurs collègues d'Egypte.
Ces dernier se drapent de surnoms honorifiques devant les parents («je suis le Platon de la philosophie» ; «je suis le Newton de la physique», etc.). Aveuglés par leur acharnement à s'enrichir, ils en oublient jusqu'à ce droit constitutionnel qu'est la gratuité de l'enseignement ainsi que le double principe intangible d'égalité des chances et des possibilités à offrir à tous les élèves. Sans parler du respect de l'éthique éducative dont ils se contrefichent malheureusement.
Cautionner ce commerce illicite – tant est qu'ils est rentable sur le plan pédagogique, ce qui est loin d'être le cas — revient à s'engouffrer dans le dangereux virage de l'école à deux vitesses.
Un prélude à un apartheid scolaire de sinistre mémoire. Les cours payants s'inscrivent dans la logique d'une école productrice d'inégalités scolaires émanant des inégalités sociales : le fils du pauvre risque de garder le même statut que celui de son géniteur.
A. T.
La semaine prochaines : «Les dérives des cours payants».


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