Les avocats ne décolèrent pas ! Le conflit ouvert avec les instances judiciaires se durcit au contraire, puisque les membres du barreau d'Alger ont reçu, hier lundi, le soutien de l'Union nationale des avocats qui a décidé, à son tour, d'observer une grève de trois jours. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Cette grève aura lieu notamment le 30 septembre et le 1er octobre, période durant laquelle toutes les audiences programmées à l'échelle nationale seront systématiquement boycottées. L'Union nationale des avocats a annoncé s'être réunie lundi matin, hier donc, pour examiner la situation induite par l'incident survenu jeudi dernier. Il s'est déroulé durant la seconde journée du procès en appel de l'homme d'affaires Mourad Eulmi. Me Sellini, bâtonnier d'Alger, a introduit une demande de report des audiences qui allaient s'ouvrir en début de soirée, il avait évoqué la fatigue et le besoin d'étudier de nouveaux documents que la défense venait d'obtenir. Le président du tribunal a refusé la demande et s'est, selon les avocats, impatienté face à la persistance de Me Sellini qui a fait, à son tour, montre d'une certaine nervosité. Dans cette atmosphère électrique, le magistrat demande l'assistance de la force publique. Très énervé, Me Sellini fait un malaise, les secours l'évacuent. Dans le communiqué qui a sanctionné leur réunion, l'Union nationale des avocats estime que « rien de cela ne serait arrivé si le président avait accepté cette demande. Le droit de la défense est sacré, poursuit le texte, et personne ne peut le remettre en cause même si l'accusé a commis le pire des crimes, celui-ci a toujours droit à un procès équitable ». Elle dénonce également le « systématique recours à des procès organisés à distance, par visioconférence, une pratique qui doit être, disent les avocats, exceptionnelle car sa généralisation donne à la justice un caractère formel et arbitraire, ce qui porte atteinte au principe du procès équitable et aux droits de la défense ». Le communiqué dénonce, en dernier lieu, l'amendement du code de procédure pénale sans association des avocats. De cette façon, l'Union nationale des avocats se dit en adéquation totale avec les membres du barreau d'Alger qui ont suivi et soutenu le mouvement de protestation enclenché par la défense de Mourad Eulmi. Pour beaucoup, l'incident qui s'est produit durant ce jugement a conduit à un clash qui était presque prévisible, puisqu'il ne se passe plus un procès lié à la corruption qui se déroule sans voir la colère des avocats se déverser. Depuis l'ouverture de ces procès sensibles, beaucoup d'avocats ont estimé que certains de leurs clients ont été placés en détention sur la base de faits qui ne nécessitaient pas la détention provisoire. Durant les nombreuses audiences qui se sont déroulées, les collectifs de défense se sont aussi insurgés contre la remise tardive des ordonnances de renvoi et le peu de temps qu'on leur laissait pour prendre connaissance de tous les documents, ils se sont également plaints de la grande fatigue qu'ils éprouvaient en raison de la cadence à laquelle se déroulaient les audiences. Les incidents tels que ceux survenus jeudi durant le procès de Mourad Eulmi ne sont pas isolés. Ces derniers jours, plusieurs avocats nous ont fait part de la grosse altercation qui s'est produite entre le bâtonnier d'Alger et le président du tribunal avant l'ouverture du procès de Mahieddine Tahkout, qui devait être interrogé à distance. Me Sellini et le magistrat ont eu de vifs échanges avant que ce dernier n'accepte finalement le report du procès. L'organisation des auditions par visioconférence semble avoir cependant décuplé cette colère, puisqu'on a, tour à tour, entendu les avocats de Ali Haddad, de Ahmed Ouyahia et de Mahieddine Tahkout se plaindre de cette situation, exigeant la présence des prévenus. Or, les trois mis en cause se trouvent désormais dans des pénitenciers très éloignés de la capitale. Comme tous les prévenus, les personnes poursuivies pour corruption avaient la latitude de refuser d'être jugées par visioconférence, mais la loi leur permettant le choix a été amendée en août dernier. L'Union des avocats a décidé pour cela de faire grève durant trois jours, mais les membres du barreau d'Alger ont gelé leurs activités depuis dimanche et ils ne reprendront eux aussi leur travail que le 1er octobre. Depuis jeudi, aucune réaction en provenance de la cour d'Alger où s'est déroulé l'incident n'a été enregistrée. Le même silence est observé au niveau du ministère de la Justice, et aucun avocat n'était hier en mesure de se prononcer sur l'issue possible que pourrait avoir ce conflit. A. C.