Il faut remonter à juillet 2019 pour trouver trace d'un match durant lequel les Verts n'avaient pas été si dominateurs dans la possession du ballon. Face à la Côte d'Ivoire, le Nigeria puis au Sénégal, soit durant les tours décisifs, les camarades de Bennacer ont subi mais n'ont pas craqué. Avec, au bout, une consécration heureuse mais ô combien significative du degré de maturité atteint par les troupes de Belmadi. Deux ans plus tôt, lors de la CAN d'Egypte, l'EN algérienne était dans le doute, elle qui a sombré depuis son Mondial brésilien, en 2014, qui devait sceller définitivement son grand retour dans le concert du football international avec un mémorable huitième de finale perdu face à l'Allemagne, le vainqueur de cette exotique Coupe du monde. L'histoire a fini par être contée en «mode désillusion». Quart de finaliste de la CAN-2015, éliminé par la Côte d'Ivoire, le team algérien manquera à nouveau son rendez-vous africain en 2017, au Gabon, avec une sortie de route dès le premier virage. Et le plus logiquement du monde, une nouvelle qualification à la fête du football en Russie, dix-huit mois plus tard. Des résultats en dents de scie et une instabilité qui aura raison et des staffs techniques et des effectifs de la sélection. De l'épisode Milan Rajevac à celui de Rabah Madjer quatre années ont été consommées. Perdues. Et le collectif construit par le coach Vahid a lui aussi fini par s'effriter, se disloquer. L'arrivée de Djamel Belmadi à l'automne 2018 était accueillie avec optimisme même si certaines mauvaises langues prédisaient la perpétuation de l'échec. Cinquième roue de la charrette, l'ancien marseillais n'avait pas le temps pour recoller les lambeaux et cicatriser les blessures, les malheurs. C'est à Lomé que tout a vraiment commencé après cette gifle de Cotonou contre les Ecureuils du Bénin, un mois plus tôt. Et depuis, c'est la fête au village ! Peines et joies Une série de 26 matchs sans défaite qui ne doit rien au hasard. Bien au contraire. L'EN version Belmadi a vécu toutes les situations, a donné la réplique à toute forme de football et des nations différemment «rankées» par la Fifa mais la vérité est là : les Verts sont invincibles. Même s'il est vrai que cette dynamique a failli s'estomper lorsque Mahrez et consorts étaient invités à croiser des équipes de haut rang. En Afrique, qui est son terrain de passage pour les manifestations mondiales, la sélection algérienne a rarement croisé les équipes du top 10 sauf dans les épreuves officielles, en phase finale de la Coupe d'Afrique des nations notamment. A chaque fois, le Sénégal (par deux fois en égypte), la Côte d'Ivoire, le Nigeria étaient les favoris mais ont fini parmi les épaves victimes de l'ouragan vert. En matchs amicaux, la supériorité des Verts est édifiante avec 7 victoires et 3 nuls. Depuis décembre 2018, et ce test contre le Qatar (0-1 en faveur de l'EN) jusqu'à ce rendez-vous contre le Mali, les Algériens ont affronté de grosses cylindrées (Colombie, Mexique, Nigeria et Tunisie) et d'autres de moindre taille (Burundi, RDC Congo, Bénin et Mauritanie). Tous ses adversaires ont voulu mettre à mal le Club Algérie en s'employant, par tous les moyens, à le faire chuter. Mais tous ont connu le même sort, les Aigles du Mali ayant pensé avoir fait le plus important, le plus dur, en accaparant le milieu de terrain notamment, ont cédé sur une majestueuse manœuvre offensive orchestrée par le trident Slimani-Belaïli-Mahrez transformée par le numéro 26 de Man City. Un chiffre (26) magique, écrivions-nous dans notre édition de dimanche. L'Algérie a, en effet, égalé le record de matchs sans défaite détenu par la Côte d'Ivoire. Sans régaler, comme nous le pronostiquions. Une difficulté de maîtriser qui était dans les plans de Belmadi. Le sélectionneur national en perpétuelle quête d'adversaires à même de bousculer son équipe est sorti satisfait. Du résultat mais pas seulement. Pas spécialement. «Il faut savoir évoluer tactiquement. Aujourd'hui, on l'a fait pendant la mi-temps. Il fallait changer les choses, il faut avoir une flexibilité selon la problématique qu'on nous pose», expliquera d'emblée Belmadi durant sa nouvelle (longue) conférence de presse d'après-match. Plus explicite, il notera que «La pression adverse était très forte. C'était difficile pour Ramiz et Boudaoui de se retourner. On a dû passer à un milieu à 2 pour mettre plus d'impact, et trouver un jeu plus direct. Zerrouki, sur une opposition comme celle du Mali, a mis beaucoup de pression au milieu. En deuxième mi-temps, il s'est senti plus à l'aise grâce au changement tactique notamment. Je ne suis pas surpris de son bon match». Plus besoin de comprendre mieux et autrement le pourquoi des difficultés du milieu algérien notamment durant le premier acte. La Tunisie «c'est comme l'Atlético», dit Mahrez Belmadi qui ne s'attendait pas à une telle réplique de la part d'Aliou Dieng et compagnie a mal contenu sa satisfaction d'avoir choisi l'adversaire malien qu'il pensait incarner le Burkina Faso, que l'EN affrontera dans les qualifications de Qatar-2022 à partir de septembre prochain. «Sans vouloir offenser le Burkina, le Mali a une meilleure qualité de possession de balle, mais le match contre le Burkina Faso sera une opposition difficile aussi», fait-il savoir. Une bonne pioche, donc, qu'il valorisera en avançant qu'avec d'autres armes, Feghouli et Bennacer, les difficultés ce dimanche pouvaient être moindres. «Le Mali a mis beaucoup d'impact, ça a sûrement été travaillé et recherché. On voit aussi l'importance que Feghouli et Bennacer ont dans ce milieu de terrain. Quoi qu'il en soit, sur l'ensemble du match, le Mali a eu une seule vraie occasion. Notre victoire n'est pas volée», convient Belmadi qui estime, par ailleurs, que le duel maghrébin de vendredi prochain à Radès contre les Aigles de Carthage sera un autre test intéressant pour son équipe. «Je connais cette équipe de Tunisie et ils savent qu'on la connaît. C'est une équipe qui a beaucoup d'expérience, avec beaucoup de joueurs habitués à l'Afrique et qui savent gérer les matchs», confie l'entraîneur des Verts convaincu que son équipe «jouera pour s'imposer». Son capitaine, Riyad Mahrez, est de cet avis même s'il préfère ironiser en indiquant que face à une équipe joueuse mais vicieuse, la mission sera autrement plus ardue. «Le match contre la Tunisie sera un match différent. C'est une équipe difficile à jouer. Peut-être une équipe un peu moins joueuse, mais on connaît la Tunisie. C'est comme l'Atlético Madrid, tu domines et à la fin tu te fais avoir», conclu celui qui a signé le but victorieux face au Mali, celui de l'égalisation du record détenu par les Eléphants. M. B. Djamel Belmadi : «On a réussi à résoudre les problèmes posés par l'adversaire» «Notre victoire n'est pas volée. Le Mali a mis beaucoup d'impact, ça a sûrement été travaillé et recherché. Sur l'ensemble du match, le Mali a eu une seule occasion. La pression adverse était très forte. C'était difficile pour Zerrouki et Boudaoui de se retourner. On a dû passer à un milieu à 2 pour mettre plus d'impact, et trouver un jeu plus direct. Il faut savoir évoluer tactiquement. Aujourd'hui, on l'a fait pendant la mi-temps. Il fallait changer les choses, il faut avoir une flexibilité selon la problématique qu'on nous pose. En seconde période, on a changé notre dispositif tactique, on a mis plus d'impact. Slimani a agrandi sa palette de jeu cette année. Il a souvent pris les intervalles et a gardé cet état d'esprit de battant. On a rectifié le tir par rapport à la première mi-temps. Je suis satisfait parce que les 26 matchs (sans défaite, ndlr) montrent une constance. Chaque match a son travail, sa préparation et sa vérité, mais j'apprécie cette constance. Tant qu'on garde cet état d'esprit, de grandes choses nous attendent Inch'Allah. Je cherche toujours la victoire. Sur le premier match (face à la Mauritanie 4-1, ndlr), il y a eu des nouveaux qui m'ont montré que je peux compter sur eux. Quant à ce deuxième match face au Mali, on a réussi à résoudre les problèmes que l'adversaire nous a posés. C'est un motif de satisfaction. Je suis satisfait de l'opposition ce soir. Cette équipe peut faire mal si elle continue à bosser comme ça. Plus de peur que de mal pour Ounas (touché à la tête, ndlr). On a tous eu un peu peur. A l'entraînement, il est concentré, il a rarement été comme ça. J'espère qu'il se rétablisse rapidement pour qu'il puisse nous rejoindre très vite. Pour ce qui est d'Atal (ménagé face au Mali, ndlr), il a eu un petit souci face à la Mauritanie, il a eu du mal le lendemain du match. Il s'est bien entraîné aujourd'hui. Il devrait être disponible face à la Tunisie. Concernant notre dernier match amical face à la Tunisie (vendredi 11 juin à Tunis, ndlr), je connais cette équipe et ils savent qu'on la connaît. C'est une équipe qui a beaucoup d'expérience, avec beaucoup de joueurs habitués à l'Afrique et qui savent gérer les matchs. Ces matchs amicaux sont loin d'être sans enjeu pour moi, puisqu'ils seront déterminants pour le prochain classement de la Fédération internationale (Fifa). Notre objectif est de préserver notre position dans le Top 5 continental, pour pouvoir disputer un éventuel match (retour) des barrages du Mondial-2022 chez nous.» Riyad Mahrez : «Belmadi a apporté de la régularité» «C'était un match compliqué. Le Mali n'est pas une équipe facile à jouer. On a eu du mal en première période, mais après la pause, nous étions meilleurs. Le Mali a été bon, on n'arrivait pas bien à ressortir les ballons. C'était une bonne équipe et le coach a su régler les problèmes à la mi-temps. On ne va pas gagner toujours par 3-0 ou 4-0. Ça fait partie des matchs difficiles en Afrique. Le Mali est une équipe avec beaucoup de personnalité, très bien organisée au milieu. Il leur manquait, cependant, un peu de présence devant pour concrétiser leurs occasions. Bennacer et Feghouli sont importants pour nous. Ils ne sont pas là aujourd'hui mais Zerrouki a été pas mal, Guedioura aussi et Boudaoui, aussi même si c'était un peu compliqué. On a été mis en difficulté mais les matchs amicaux sont faits pour ça. Même si on est champions d'Afrique, ce genre de rencontre nous montre qu'il ne faut pas se reposer sur nos acquis. Concernant la série de 26 matchs sans défaite, Belmadi a apporté de la régularité et c'est un grand coach pour nous. On retient la régularité, ça montre qu'il y a du travail derrière. Ce n'est pas une fin, il faut continuer. Le match contre la Tunisie sera différent. C'est une équipe difficile à jouer. Peut-être une équipe un peu moins joueuse, mais on connaît la Tunisie. C'est comme l'Atlético Madrid, tu domines et à la fin tu te fais avoir. Pour la Palestine, on a voulu leur rendre hommage via notre petite image. Ce sont des choses difficiles à vivre et qu'Allah les aide. Il n'y a rien concernant mon avenir. Je suis bien à Manchester City, je vais rester Inch'Allah.» Haris Belkebla : «On fera tout pour rester sur cette dynamique» «On va retenir la victoire. On préserve notre série d'invincibilité. Nous avons joué face à une équipe du Mali très intéressante, qui nous a causé beaucoup de problèmes, c'était un bon match de la part des deux équipes. Dieu merci, nous avons gagné, c'est le principal. Face à la Tunisie, ce sera un derby maghrébin, on fera tout pour reste dans la dynamique.» Mohamed Magassouba, sélectionneur du Mali : «Nous avons manqué de maturité» «Ça a été un match très intéressant. On a joué contre le champion d'Afrique en titre. Nous savions que ça n'allait pas être facile. Nous aurions pu marquer si nous étions un peu plus matures. L'Algérie est une équipe avec de belles individualités et un bon entraîneur. Je félicite Djamel Belmadi pour cette victoire. Nous avons mis un dispositif en place pour bien animer le jeu mais nos erreurs de concentration et de jeunesse nous ont empêchés de concrétiser nos occasions. Lorsque vous avez la capacité de faire douter la meilleure équipe africaine sur ses terres, il ne faut plus douter de nos capacités. Nous sommes une jeune équipe humble qui doit encore travailler. Depuis que nous sommes à la tête de la sélection, nous n'avons pas pleuré les absents, une équipe nationale se fait avec les présents, ceux qui étaient là ont bien fait leur travail. L'ambition de notre équipe est la même que toutes les grandes nations de football, nous souhaitons qualifier le Mali pour la première fois de son histoire au Mondial.»
