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132 ans de colonisation, 191 années de mépris
Le Monde : l'obsession de l'impasse
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 06 - 2021


Par Yazid Ben Hounet(*)
L'Algérie serait-elle dans l'impasse (éditorial du Monde du 5 juin 2021) ? La formule est fort mal appropriée. Un pays, un groupe social, voire même un individu, peuvent être en crise, confrontés à des difficultés, à des menaces, etc. Ils évoluent, s'adaptent, font face... L'Algérie, en vérité, n'est pas une ruelle et, in fine, la formule indique d'emblée le caractère simplet de l'analyse, mais aussi cette superbe arrogance, un brin «moralisatrice» et «méprisante», de ces quelques éditorialistes spécialistes en rien et donneurs de leçons sur tout.
L'éditorial constituerait, selon Le Monde même, l'expression d'un point de vue collectif (d'où son prétendu anonymat). Or, cette assertion est contredite par une phrase se trouvant quelques lignes plus loin : «Le texte est rédigé par l'un des éditorialistes du Monde (actuellement Philippe Bernard, Françoise Fressoz, Sylvie Kauffmann et Stéphane Lauer), à deux cas de figure près». Il est possible que ce soit Philippe Bernard qui ait rédigé ce texte car c'est le premier des quatre (et le seul à ma connaissance) à l'avoir relayé dès sa publication.
Il n'y a pas grand-chose à dire sur cet éditorial si ce n'est que le parti pris s'appuie sur un ensemble de clichés et sur une lecture unilatérale de la situation en Algérie. Réduire le désir de démocratie – qui soit dit en passant peut aussi s'exprimer par les urnes, comme semble l'oublier l'éditorialiste – aux seules récentes manifestations se prévalant du Hirak, est pour le moins problématique ; penser que les mobilisations actuelles sont les prolongements naturels et purs du mouvement initié en février 2019 est d'un simplisme confondant. Asséner, sans même devoir le prouver, l'assertion réductrice (et complotiste, en vérité) du chef de l'Etat comme étant «l'homme lige des militaires», témoigne d'une vision obsessionnelle et caricaturale de l'Etat algérien. Parler de «répressions massives» sans expliquer le contexte, le cadre légal prévalant en Algérie, les développements et les radicalisations de certaines mobilisations, les enjeux de maintien de la paix publique, participe davantage de la propagande que du journalisme.
Quand on est le journal de référence (de révérence, selon certains) de la 7e puissance militaire, en opération dans plusieurs pays du Monde, parfois en appui à des régimes dictatoriaux (comme au Tchad) ou génocidaire (comme au Rwanda - cf. le rapport Duclert), on devrait, me semble-t-il, user de l'argutie du «régime militaire» avec un peu plus de précaution. Quand on ne publie que des articles élogieux (ou passe-plat) s'agissant de ses principaux actionnaires (comme Xavier Niel), il est préférable d'éviter de se présenter en «donneurs de leçon» et en journal indépendant. Quand les éditorialistes du Monde (pas les journalistes de terrain) ont de la peine à parler de «répression» s'agissant des Gilets jaunes, mais se lâchent en évoquant les «répressions massives» en Algérie (alors que ces dernières sont, de loin, bien moins importantes qu'en France), on reste un peu pantois devant tant d'hypocrisie et de mépris.
Pour Le Monde, l'Algérie était déjà «dans l'impasse» en juillet 2019, en février 2021 et, elle est maintenant, «dans l'impasse autoritaire». On apprécie la constance de ce raisonnement autiste. Libre au Monde de continuer dans cette posture monomaniaque. Sinon, le quotidien peut également enrichir ses points de vue de la situation algérienne en s'appuyant sur des analyses de chercheurs spécialistes de l'Algérie, en poste dans des institutions de recherche publique françaises notamment – je veux dire les vrais, ceux qui connaissent le terrain, pas les Jean-Pierre Filiu.
Pour ma part, j'ai publié des articles critiques dans Le Soir d'Algérie – dont plusieurs avec comme sous-intitulé «132 ans de colonisation, 191 années de mépris» . Je rappellerai que la majorité d'entre eux a été transmise initialement au Monde et à Libération, peu enclin, en vérité, à publier des avis divergents, critiques mais aussi et surtout dûment référencés.
J'ai réussi tout de même à faire paraître dans Le Monde une tribune collective en soutien aux journalistes marocains incarcérés (21 avril 2021) . Pour l'anecdote, la tribune s'inspire assez librement de celle en soutien à Khaled Drareni (20 septembre 2020). J'avais pensé naïvement que certains journalistes du Monde et les lecteurs allaient repérer la chose et commencer à se poser quelques questions pertinentes – du style : comment se fait-il qu'un seul journaliste (algérien) ait mobilisé autant de journalistes (dont les stars des journaux télévisés) et hommes politiques en France, alors que cinq journalistes marocains (toujours en prison, et depuis fort longtemps), n'ont pas eu, à eux cinq, le dixième du soutien de Drareni de la part des autorités politiques, médiatiques et journalistiques françaises ? Peut-être que l'éditorialiste du Monde pourrait se poser cette question, comme préliminaire ? Cela pourrait l'aider à avoir une vision moins caricaturale de la réalité algérienne.
Pour prolonger l'anecdote, quelques jours après la publication de la tribune en soutien aux journalistes marocains, je recevais un mail d'une «lectrice» (à l'identité trouble) via un journaliste du Monde. J'y ai adoré cet aveu : «Vous autres journalistes du Monde, l'on vous croise bien souvent sous le soleil marocain, à Marrakech ou ailleurs, dans les plus grands palaces, vous délectant de l'hospitalité marocaine. Cela ne vous dérange pas à ce moment-là... la politique marocaine.»
Du coup, d'autres questions peuvent être posées à l'éditorialiste du Monde (Philippe Bernard ?) : si l'Algérie «achète» les journalistes du Monde – comme cela semble être le cas au Maroc – ou devient actionnaire important de sa société mère (comme Xavier Niel) aura-t-elle droit à des articles plus cléments ? Sera-t-elle considérée comme moins autoritaire ? Est-ce que les élections passées (présidentielle et référendum) et à venir (législatives), le travail de l'Anie (Autorité nationale indépendante des élections), dans un contexte certes compliqué, ne sont pas là des pas vers la «démocratie» ? Ou faut-il que la Sonatrach devienne une filiale de Total et que l'électricité et l'eau soient gérées par Veolia et Suez pour que Le Monde daigne accorder aux autorités et institutions algériennes quelques vertus démocratiques ? Une dernière question puisque le Monde s'arroge le droit de pourfendre la légitimité du Président algérien : quel Président français n'a pas été au préalable ministre, président de région ou dirigeant des deux grands partis politiques français ? En somme, quel Président français n'est pas issu du «système» — terme amplement employé par l'éditorialiste ?
Y. B. H.
(*) Chargé de recherche au CNRS.
Membre du Laboratoire d'anthropologie sociale, (CNRS-Collège de France-EHESS), Paris.


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