A l�instar du chef-lieu de la da�ra d�Azazga � laquelle elle est administrativement rattach�e, Fr�ha est un des centres n�vralgiques de ce qui constitue le grand a�rch des Ath Djennadh. Elle s�appr�te � vivre aujourd�hui un des moments les plus importants de son histoire : des milliers de personnes devraient s�y retrouver pour une manifestation qui n�aura d��gale ampleur que les tristes �v�nements ayant secou� ces derniers jours toute cette r�gion de la Kabylie profonde. Les enl�vements dans cette localit�, on en a connus. Tout le monde, ici, garde dans un coin de sa m�moire le souvenir encore frais de ce qu�a endur� I. Loun�s entre les 3 et 11 juillet dernier et, surtout, de cette incroyable mobilisation populaire ayant contraint les kidnappeurs � rel�cher cet entrepreneur du petit village d�Azrou. La r��dition du sc�nario qui fait la triste actualit� dans la wilaya de Tizi-Ouzou, depuis maintenant quatre longues ann�es, avec la tentative d�enl�vement de Hand Slimana, qui a succomb� � ses blessures vendredi dernier, et du rapt de son cousin Omar au niveau du faux barrage dress� sur la route des Aghribs, il y a huit jours, ont sonn� la mobilisation de tous sans que personne soit pri�. �D�s que la nouvelle de l�enl�vement de Omar nous est parvenue, une �norme tension s�est abattue sur toute la r�gion�, raconte un chauffeur de taxi clandestin avant de s��taler dans un long r�quisitoire contre Doula (l�Etat) et son incapacit� d�assurer la s�curit� des citoyens et de se poser la m�me lancinante interrogation qui taraude les esprits, partout en Kabylie : �Pourquoi nous ?� lance-t-il juste avant la fin de sa �course� � l�entr�e du centre de Fr�ha et de nous indiquer quelques lieux o� s�adresser pour les besoins du reportage. La col�re � fleur de peau Fr�ha, dans la matin�e d�hier, o� la nouvelle de la lib�ration d�Omar Slimana a vite fait le tour, on s�interrogeait sur les suites � donner au mouvement qui a pris une toute autre tournure depuis que Hand � Hidouche comme on aime affectueusement � l�appeler ici � a succomb� � ses blessures. Sans que cela surprenne, dans cette petite ville de Fr�ha qui ne cesse de s�agrandir, on ne saurait converser d�autre chose que du drame ayant touch� la famille Slimana. �Ce sont de braves gens qui ont r�ussi dans leur vie. Le regrett� Hidouche, par exemple, a sorti de la pr�carit� des dizaines de jeunes de la r�gion, comme moi, qu�il employait dans son entreprise de travaux publics�, raconte ce jeune homme d�une trentaine d�ann�es environ, N. S. M. A., avant d��tre brutalement interrompu par un gars, d�apparence � peine plus �g� pour s�en prendre vertement �� quelques titres de la presse nationale arabophone. �Ecrivez-le dans votre journal Certains de vos confr�res devraient avoir sur la conscience les malheurs que nous vivons, c�est la raison pour laquelle on ne croit en plus personne d�autre que nous-m�mes��. Pas facile de lui expliquer quoi que ce soit, surtout pas sur la presse, ses lignes �ditoriales, ses penchants et ce, m�me s�il finit par admettre �des journaux ont tout notre respect. Mais depuis l��t� dernier et ce que nous avons v�cu � Aghribs puis l�enl�vement de Loun�s, si vous vous en rappelez, on sait tr�s bien faire la diff�rence entre un journal et un torchon�. Pour un coup de col�re, c�en �tait un ! Et cela s�explique, si l�on doit se fier � N. S. M. A. : �Il ne faut pas en vouloir � notre ami. Il est originaire des Aghribs et � ce jour, il est marqu� par tout ce qui a �t� dit dans certains journaux arabophones lors du conflit entre les villageois et des salafistes � propos de la mosqu�e qu�ils voulaient �riger. � Dans le raisonnement de ces personnes, �tout est li� et l�, on ne se prive pas de livrer le fond de sa pens�e, la plus brute qui soit. �Omar a �t� lib�r�, mais on manifestera !� La difficile conjoncture impos�e � la Kabylie avec cette s�rie sans fin de kidnappings et l�incapacit� des pouvoirs publics � assumer leurs responsabilit�s sont autant de sujets sur lesquels on est les plus prolixes dans ces contr�es qui subissent mais qui �ne c�deront pas !�, assure le gars � la col�re � fleur de peau de tout � l�heure. �Omar Slimana a �t� lib�r� quelques heures apr�s l�enterrement de Ddadas (son cousin), c�est une victoire sur ces illumin�s qui veulent instaurer un climat de terreur chez nous, alors j�esp�re que ceux qui d�cideront si l�on va manifester demain (ce lundi, ndlr) ne reviendront pas sur ce qui a �t� pr�vu�, estime l�ami qui ne porte pas la presse, du moins une partie, dans son c�ur. A en croire plusieurs personnes sur place, la manifestation d�aujourd�hui aura bel et bien lieu, sauf que, comme le souhaitaient beaucoup, il sera mis l�accent sur les mots d�ordre interpellant les autorit�s �parce que �a ne peut plus continuer ainsi !� argue un de nos deux interlocuteurs qui, dans leur diatribe contre l�Etat, n��pargnent pas, comme cela a cours depuis quelque temps, le Premier ministre. �Je vous prie de croire que je ne suis pas partisan. Mon seul parti, c�est la Kabylie !� gronde notre in�narrable interlocuteur originaire d�Aghribs, fier comme tous ceux qui ne veulent pas croire que la terrible �preuve que traverse la r�gion est une fatalit�. M. Azedine Imakhlaf : deuil, col�re et interrogations Petit hameau surgi de nulle part sur les hauteurs escarp�es des Aghribs, � quelque 50 km au nord-est de Tizi-Ouzou, Imakhlaf a v�cu plusieurs jours au rythme d�une actualit� qui m�le deuil, col�re et surtout beaucoup d�interrogations. Ici, les citoyens comme les �lus de l�APC d�Aghribs, avec � leur t�te le maire, Rabah Yerm�che, que nous avons rencontr� sur place, tout le monde porte le deuil de Hand Slimana, l�entrepreneur qui a �t� assassin� � un faux barrage d�un groupe arm� qui projetait de le kidnapper. Hand, l�entrepreneur bienfaiteur Au lendemain de son enterrement, le village porte le deuil et vit encore sous le choc de la disparition de celui que tout le monde ici consid�re comme le symbole de la Kabylie qui travaille et qui cr�e des richesses, un self made man qui a r�ussi �� partir de rien�, nous diton, � b�tir une entreprise de travaux publics qui cr�e de l�emploi au profit d�une main-d��uvre issue de nombreux villages de la commune. Le maire et son adjoint ne tarissent pas d��loges sur celui que tout le monde appellent, ici, Hidouche, diminutif familier de Hand. On n�a pas h�sit� � parler de Hidouche le bienfaiteur qui vient au secours du pauvre qui peine � construire sa petite demeure et, surtout, de Hidouche qui apporte un appoint important sous forme de contribution fiscale aux caisses de l�APC. �Hidouche qui se sait menac� comme tous les entrepreneurs de la r�gion a toujours refus� de d�localiser son entreprise qui a pris de l�ampleur�, affirmera le vice-P/APC qui t�moigne de la volont� affich�e par le d�funt � aider au d�collage socio-�conomique de sa commune et de toute la wilaya de Tizi-Ouzou o� il compte des chantiers. �Je me sentirais mal si je m�installe ailleurs�, rapporte-t-on de lui. Face � la cam�ra de notre confr�re H. R�djala, journalise et r�alisateur ind�pendant, Makhlouf, le fils a�n� de l�entrepreneur assassin�, a du mal � cacher sa tristesse mais t�moigne avec courage des derni�res volont�s de son p�re qui lui demandait de poursuivre son �uvre � la t�te de l�entreprise et de ne pas d�laisser les actions de charit� qu�il a toujours dispens�es au profit de ceux qui en ont besoin. Omar, le rescap� Fatigu� mais heureux d��tre vivant, Omar le compagnon d�infortune de Hand, mais qui a eu un meilleur sort que ce dernier puisqu�il sera kidnapp� � la place de son cousin, promenait sa silhouette sur la place du village. C�est le maire qui nous relatera les p�rip�ties de sa lib�ration, hier dimanche, � l�aube, vers 2h 15 mn. Ses ravisseurs le rel�cheront sur un chemin de campagne un peu � l��cart du village d�A�t Zellal, dans la commune de Souamma, da�ra de Mekla. Apr�s s��tre d�fait des liens et des bandages que ses ravisseurs lui ont mis, Omar r�ussira � se mettre sur le bord de la chauss�e. Il racontera sa m�saventure � un usager de la route qui venait de passer � bord de sa voiture. C�est � partir du portable de ce dernier qu�il r�ussira � joindre ses parents qui viendront le r�cup�rer. Pour toute r�ponse � nos questions sur les conditions de son rapt et de son s�jour durant son enl�vement, Omar a pr�f�r� appeler � la vigilance et � la solidarit� de tous pour �viter que des �v�nements comme ceux que son cousin et lui viennent de vivre se r�p�tent. Un m�me message qui sera repris par tous nos interlocuteurs qui ne cachent pas une col�re nimb�e de tristesse et d�interrogations sur la r�currence des enl�vements qui ciblent la Kabylie. �Basta les kidnappings !� Une col�re qui s�accompagne pour l�heure de beaucoup de retenue. Pour R. Yerm�che, ces actes de kidnappings n�ont qu�un sens. �On veut d�vitaliser la Kabylie, emp�cher son d�collage �conomique�, dira l��dile communal des Aghribs qui se demande �s�il n�y a pas une volont� de provoquer la Kabylie, r��diter le sc�nario des �v�nements tragiques de 2001. Il y a une volont� de pousser la Kabylie dans ses derniers retranchements, � se radicaliser �, dira-t-il, convoquant sa voix d��lu et de premier magistrat de la commune pour interpeller les pouvoirs publics � prendre leurs responsabilit�s pour mettre un terme � la s�rie noire des enl�vements. �Basta les enl�vements !�, un cri de col�re que le maire a ressass�.