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LE MENSONGE DE DIEU DE MOHAMED BENCHICOU
La fresque �pique d'une Alg�rie qui se cherche
Publié dans Le Soir d'Algérie le 18 - 06 - 2011

Le dernier roman de Mohamed Benchicou, Le mensonge de Dieu , (mai 2011, Michalon), sort cette semaine � Alger (Editions Koukou et Inas). Lecture d�un livre qui pourrait ne pas laisser indiff�rent.
On avait laiss� Mohamed Benchicou, dramaturge avec son livre Le dernier soir du dictateur, on le retrouve romancier avec Le mensonge de Dieu. Haletant et �pique, ce roman brosse un si�cle et demi d�histoire d�une famille alg�rienne. Avec Le mensonge de Dieu, l�auteur plonge dans le pass� de notre pays comme aucun auteur ne l�avait fait jusqu�� pr�sent. Il y a quelque chose de neuf, de subtil, de profond dans la construction de cet �pais roman. Le style est dense, enlev�, le lyrisme f�roce et le r�cit bourr� de rebondissements et de faits historiques. Tout part du cimeti�re d�El Kettar o� Yousef, un mendiant, a trouv� refuge parmi les morts. Tout un symbole. Puis l�auteur d�roule la saga d�une famille qui remonte jusqu�au XIXe si�cle. �L�histoire d�une vieille folie de sang, une folie de l�honneur�, confie le mendiant qui a tout consign� dans un cahier blanc, �dernier pied-de-nez aux proph�tes contrefacteurs, intronis�s par le mensonge qu�ils ont fait dire � l�histoire et � Dieu�. L�amour, la s�paration, l�orgueil, les r�volutions, la mort, la trahison, on y retrouve tous les ingr�dients d�une �norme fresque �crite avec une plume tant�t tendre, sensible et tant�t f�roce et irr�v�rencieuse. Au commencement, il y a Bela�d, l�anc�tre, �l�irr�ductible tombeur de femmes�, le digne fils de Tizi n�Djema� jet� dans les conflits de son si�cle. Ici, la chronique se joue du temps et des hommes. Par flash-back, le romancier nous prend la main pour nous emmener sur plusieurs th��tres de guerres qui avaient ensanglant� le monde. D�abord Colmar, o� Bela�d s�est engag� aux c�t�s des Allemands de Bismarck contre les troupes de Napol�on III, par amour pour Jos�phine, une Alsacienne qui enseignait � Akbou. La guerre finie, Bela�d l�apatride, l�amoureux �conduit, reprend le chemin de sa qu�te et par l� m�me ouvre les portes de l�errance � sa descendance. La recherche d�une �patrie fugitive� consuma vainement toute sa vie. D�cid� � se battre pour lui-m�me, on retrouve, au printemps 1871, l�a�eul � Tizi n�Djema�. Bela�d est devenu soldat de Dieu et rejoint les r�sistants kabyles qui se battaient contre les troupes du mar�chal Mac Mahon. Ici encore, le romancier se fait historien et nous apprend que les h�ros ne sont pas ceux que l�histoire officielle nous a appris. Puis il y a Gabril dans l�enfer de Verdun. Aux c�t�s d�Abdelkrim, le Rebelle, dans la guerre du Rif, des Brigades internationales contre les �ombres noires� de Franco, pendant la Seconde Guerre mondiale, on retrouve Yousef, l�autre apatride et petit-fils de Bela�d. Yousef, toujours en qu�te d�un pays introuvable, c�est aussi le mendiant d�El Kettar qui l�gue le cahier blanc dans lequel l�histoire de la lign�e de Bela�d est consign�e. C�est dire que cette famille et sans doute l�Alg�rien s�est retrouv�e depuis plus d�un si�cle au carrefour de toutes les guerres. Celles des autres peuples d�abord, puis les siennes. �Le fond historique de ce roman est r�el. Les personnages, eux, ont d� exister�, �crit le romancier en guise d�avertissement. Le mensonge de Dieu est ce chant �l�giaque d�un homme, le mendiant d�El Kettar, et par extension de l�auteur, pour son peuple. �Les morts ont tort Yousef si apr�s leur mort, il n�y a personne pour les d�fendre�, cette phrase nous fait penser � cette autre rest�e pour la post�rit�, prononc�e par Didouche Mourad : �Si nous venons � mourir d�fendez notre m�moire.� Que d�amour, d��treintes furtives, de retrouvailles et de s�parations au milieu de la mitraille et de l�acier ! Par une construction romanesque ing�nieuse, Mohamed Benchicou nous emm�ne sur plusieurs lieux tout aussi marquants les uns que les autres. Dense, Le mensonge de Dieu d�roule le fil d�une lign�e de combattants oubli�s. Et � travers eux, c�est sans doute l�apport de l�Alg�rien � la grande histoire du si�cle dernier qui est ici r�habilit�. Ce serait une gageure que de tenter de r�sumer en quelques lignes ces 650 pages pav�es de sensibilit� � fleur de peau, de col�re, de coups de gueule et de po�sie. Le mensonge de Dieu est un grand moment de litt�rature. Comme jamais, Mohamed Benchicou a mis les mots du romancier qu�il est sur les sanglots de notre histoire. Il nous r�concilie avec un pan du pass� oubli�, ignor�, manipul�, voire effac�. Plus qu�un roman donc, ce livre est un long po�me polyphonique, pluriel o� l�imagination rejoint certains faits historiques. La bravoure, la l�chet� sont �crites d�une m�me encre, ravageuse et sans concession. A propos du livre, l�auteur d�clarait sur France Inter que ce roman �est une chronique d�un vieux r�ve d�un peuple parti � la recherche de la lumi�re� �. Et dire que la censure triviale, oblique du pouvoir a failli avoir raison de son �dition en Alg�rie. Sous des pr�textes inconsistants, les lecteurs alg�riens ont failli �tre priv�s de ce roman par des procureurs de la conscience tapis dans les �tages sombres du r�gime.
Hamid Arab
EXTRAIT
Barcelone, �t� 1936
� Tu sais nager ?
� Oui.
J�ignore pourquoi j�ai r�pondu oui. L�orgueil du m�le, sans doute. Oui, je crois bien que c�est �a. Qu�aurait pens� Noah ? Je n�avais jamais appris � nager, et je crois bien n�en avoir jamais �prouv� l�envie.
� C�est parfait. Nous avons ainsi, toi et moi, �chapp� � l�insoutenable frustration allemande. � leur nostalgie aussi, h�las. L�inconsolable absence de la mer ! Tu ne comprends pas ? Je sais, c�est encore une de mes lubies philosophiques. Mais parfois, je me dis qu��tant aussi de sang allemand, nous sommes suppos�s, toi et moi, ressentir une tendre inhibition, une belle nostalgie, que cache le peuple allemand sous une apparente duret�. Leur po�sie magnifiquement bless�e la trahit souvent. Leur musique aussi. Tu ne crois pas ? Ou alors tu ne veux plus te souvenir de Dresde. De Dresde et de son orphelinat. Je ne savais pas de quoi elle parlait. Je n��coutais pas. Je ne regardais que ses l�vres remuer. Elle parlait, et moi je regardais ses l�vres.
� Je vois. Tu n�as rien remarqu� de la nostalgie allemande. Dommage ! Moi j�y pense toujours ! Pour moi, l�explication est dans l�absence de la mer. La mer, chim�re �ternelle, suggestive, promesse d�aventures, de libert�, de jeunesse ! L�Allemand en est amput�, et il s�en plaint par ses po�tes. Pour un M�diterran�en, accoutum� au voisinage de la mer, cette nostalgie n�agit pas, ou alors, elle n�est jamais aussi absolue, douloureuse, comment dire ? d�senchant�e ! C�est �a, d�sesp�r�e. Tu ne crois pas ? Non, tu ne veux plus te souvenir de Dresde ! Peut-�tre as-tu raison. Nous deux, il nous suffit de l�absence de la m�re ! Je ne sais pas pourquoi elle a dit �a. Je m�en foutais, de la nostalgie allemande.
J�admirais son corps.
Elle caressait un g�ranium. [�]
Je ne disais rien.
Nous �tions seuls dans le jardin d�Est�ban, j�admirais son corps si bien proportionn� pendant que me parvenait, du patio, la voix de Samuel qui m�angoissait. �Mais sais-tu ce qu�est une guerre civile, Maria ?�
Noah me dit d�une voix douce :
� Alors, puisque tu sais nager, on ira se baigner. C�est presque l��t� ! Il promet d��tre beau !
� Je ne sais pas�
� Pourquoi dis-tu �je ne sais pas� ?
Tu es triste, on dirait�
Maria avait r�p�t� dans son sanglot : �Tu vois une autre solution ?�
Noah me jeta un regard r�probateur, d�signant la tabl�e du menton.
� Tu es triste � cause de ce que disent Maria et Samuel ? Samuel avait lev� les bras au ciel : �Alors le fr�re va tuer le fr�re !� Je pris Noah par la main.
� Oui, � cause de ce qu�ils disent.
C�est presque l��t�, h�las !
� Pourquoi dis-tu �h�las� ?
� Parce que, cet �t� qui vient, on va regretter qu�il soit venu ! [�]
Ton �t� ne vint pas, Noah. Nous l�aurions pass� � rire de nos angoisses d�orphelins. Ce fut l�autre qui s�empara de nous, l�autre �t� que nous avons pass� � pleurer nos chairs calcin�es, � pleurer Lorca fusill�, � pleurer notre jeunesse confisqu�e, oui, � pleurer et � nous battre. Ce fut cet autre �t�, puis un autre, puis un autre, trois �t�s et trois hivers dans l�Espagne coup�e en deux, l�Espagne de l�imberbe r�publique face � l�Espagne des t�n�breuses casernes, l�Espagne face aux sacristies de la trahison, un demimillion de morts, Madrid seule et solennelle, Madrid sauv�e par les amours miliciennes, la pasionaria jurant No pasar�n ! Madrid de nouveau seule et solennelle, le chico �puis�, une honorable goutte de sang sur son sourire, et le po�te qui lui disait : �Sois seul et en �veil entre tous les morts, et que le sang tombe sur toi comme la pluie.� Et moi au milieu de toute cette tourmente. (�) Je t�avais �crit de la caserne de Pedralbes � Barcelone, lors de cet autre �t� qu�on n�attendait pas, une dizaine de jours apr�s le putsch. J��tais combattant dans la milice du syndicat anarchiste la Confederaci�n Nacional de Trabajadores. J�avais joint une photo, debout avec mon arme, ma deuxi�me arme, un mauser. Il te portera chance, m�avait dit le lieutenant, il est fabriqu� chez nous, � Oviedo. On venait de conqu�rir la caserne de Pedralbes. C�est toute une histoire, la caserne de Pedralbes. L�histoire d�un miracle. Celui, inimaginable, que peuvent cr�er des mains d�hommes et de femmes bataillant pour cette chose �trange et sacr�e qu�on appelle la libert�. L�histoire de ma premi�re bataille. C��tait une belle nuit �toil�e dans Barcelone. Je voulais m�engager dans le camp r�publicain et je m��tais retrouv� dans Barcelone, sur la rambla de Santa M�nica. Pourquoi Barcelone ? Peut-�tre parce que, ne sachant quel train prendre, j�avais pris celui de mon enfance, le train bringuebalant, inconfortable, que nous prenions, Gabri�l et moi, pour aller voir Jos�phine � l�hospice de Strasbourg. Sur la rambla de Santa M�nica, sous une grande enseigne, �Syndicat des transports�, un homme haranguait la foule :
� Le gouvernement refuse d�armer le peuple et l�affrontement est pour cette nuit. Que chacun se procure une arme ! L� o� il peut ! En attaquant des armureries s�il le faut ! Que faire ? J�ai remont� l�esplanade de la rambla de Santa M�nica en direction de la place de Catalogne. � hauteur de la rue Fernando, un groupe de jeunes gens sortaient de l�armurerie Berintany avec des fusils de chasse et quelques revolvers. C��taient les premiers ouvriers que je voyais arm�s. Je voyais le sort devenir irr�versible, je voyais un peuple d�cid� mais tourment�, qui se pr�parait � la mort, la mort pour la R�publique, un peuple mal arm�, seul face au temps, seul face aux militaires, � quelques heures d�une Saint- Barth�lemy. C��tait une belle nuit �toil�e. La lune regardait les hommes et une brise �tait venue rafra�chir cette bouleversante nuit de juillet. Le miracle se produisit � cinq heures du matin. Le speaker de la radio venait d�annoncer d�une voix tremblante : �Citoyens de Barcelone, � l�heure o� je vous parle, les troupes d�infanterie marchent vers vous ! Ils sont dans l�avenue Diagonal ! Le combat est pour bient�t ! Chacun � son poste ! � Puis mugirent les sir�nes des navires. C��tait le signal de l�arriv�e prochaine des troupes insurg�es. C��tait aussi le signal de la mort. Le miracle se produisit � cinq heures du matin lorsque le gendarme, mousqueton � l��paule, me lan�a un regard �mu. C��tait comme un regard de compassion, le regard qu�on jette au condamn� � mort � l�heure du supplice. Je lui souris et lui, visiblement attrist�, me rendit un sourire g�n�.
� Espa�ol ? Franc�s ?
� Argelino !
� Argelino ?
� S� !
� Qu� pa�s ?
� Argelia !
� Argelia�
Son regard bienveillant m�avait d�cid�. De la t�te, je d�signai sa seconde arme. Son regard glissa alors jusqu�� la cartouchi�re � laquelle �tait fix� son revolver. Un �clair de tendresse alluma ses yeux. Il me regarda de nouveau, me sourit d�un air confus, r�alisant qu�il avait une arme de trop et, bravant la discipline, d�gaina son revolver et me le tendit d�un geste r�solu. Les autres gendarmes, surpris et soulag�s, l�imit�rent aussit�t. En un clin d��il
� l��il attendri de mon gendarme
� trois cents personnes �taient arm�es ! La r�volution pouvait commencer.
Ma premi�re bataille fut une bataille de barricades. (�)
Non, ton �t� ne vint pas, Noah. Ce fut l�autre qui s�empara de nous.


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