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Anthropologie et violence
Publié dans Le Soir d'Algérie le 29 - 11 - 2011

La question de la violence nous oblige � voyager dans un pass� lointain pour saisir notre pr�sent (�Vous avez fait un long voyage pour arriver � vous-m�mes� La conf�rence des oiseaux de l�Iranien Farid al Din Attar*). Le pr�sent que nous vivons en Alg�rie, devenu insupportable par bien des aspects, n�est pas n� ex nihilo.
Il y a bien s�r la gestion politique du pays depuis l�ind�pendance sur laquelle il est inutile d�insister puisqu�elle a �t� diss�qu�e et analys�e amplement, inlassablement. Il nous faut plut�t nous pencher sur des param�tres qui se nichent dans les arcanes de notre histoire pour cerner notre rapport � la violence. La majorit� des Alg�riens ont �t� r�vuls�s par le lynchage de Kadhafi car ils ont en m�moire ce genre d�actes monstrueux commis durant la p�riode de la terreur des ann�es 90. D�aucuns, par paresse intellectuelle, peuvent se satisfaire au sujet de ce lynchage d�explications simplistes du genre ce sont des jeunes qui ont tant souffert, ce sont des choses qui arrivent dans une guerre, ce sont... Il est difficile �videmment de ma�triser ses nerfs, de canaliser sa haine, d�avoir une conduite rationnelle quand on a �t� victime de s�vices, de m�pris et d�injustice de la part d�un r�gime ayant � sa t�te un dictateur doubl� d�un bouffon comme Kadhafi. Mais comme ce genre de sc�nes tout aussi obsc�nes a exist� ailleurs, il ne faut pas se voiler la face. Chez nous, des habitants de villages entiers ont �t� d�cim�s par des hommes sans foi ni loi. Les victimes �taient de simples gens et leurs bourreaux se sont conduits comme ceux qui ont liquid� et charcut� Kadhafi. Demandons-nous pourquoi ces abominations ? Il nous reste � percer les secrets de ces conduites en utilisant des outils conceptuels comme l�anthropologie pour diss�quer ce que cachent nos rites, nos comportements et m�me notre langage. Les expressions langagi�res comme �je boirai ton sang, je mangerai ton c�ur ou ton foi, je t��gorgerai comme un mouton� sont l�gion et ne sont nullement des m�taphores �po�tiques�. Ces expressions nous renseignent sur la violence comme mode unique de r�solution d�un probl�me, ce qui sous-entend l�absence d�une autorit� l�gitime dont la fonction est de r�soudre les conflits. Livr� � lui-m�me, l�individu a recours � n�importe quelle arme qu�il peut se procurer pour r�gler un contentieux tout en assouvissant son d�sir de vengeance. Cette situation a un nom en philosophie politique : la d�l�gitimation de l�Etat par ses sujets qui ne se reconnaissent pas dans les lois du pays. Les expressions langagi�res nous informent aussi sur la pauvret� et le d�ficit de vocabulaire des locuteurs. Car l�homme qui a les qualit�s d�un Cic�ron subjugue forc�ment par sa rh�torique son interlocuteur et n�a point besoin de recourir � des actes usit�s dans la jungle. Quant aux rites, outre leur r�le de coh�sion sociale et de nourriture de l�imaginaire, ils peuvent �tre des murailles qui emp�chent de saisir le r�el en transformation perp�tuelle. Des peuples ont assez souffert des colonisateurs qui se prenaient pour le nombril du monde en voulant imposer leurs rites et valeurs en niant ou en violant la r�alit� des soci�t�s domin�es. En se r�f�rant � l�arrogance des colonisateurs, nous devrions rejeter les comportements imb�ciles et accepter d�exposer nos rites et croyances en plein soleil pour qu�ils soient en symbiose avec leur temps au lieu de les contenir dans l�immobilisme des t�n�bres. Un rapport intelligent avec le r�el nous aide � respecter les rites et croyances de l�autre et ne plus consid�rer le voisin comme un danger sous pr�texte qu�il ne partage pas la m�me fa�on de voir les choses ou bien n�a pas le m�me mode de vie. Toute soci�t� qui s�emmure pour �viter le contact avec l�ext�rieur et qui se refuse � admettre une dynamique qui se d�veloppe en son sein est vou�e � des d�chirements chroniques. L�exemple de l�Alg�rie est significatif � cet �gard. Ceux qui d�tiennent les r�nes du pouvoir en s�appuyant sur les cat�gories sociales conservatrices se sont obstin�ment refus� de voir que ce pays a chang� sur le plan d�mographique, urbain, culturel et social. R�sultat des courses, le pays est devenu prisonnier dans un labyrinthe, car ceux qui le dirigent continuent de croire que leurs propres enfants ressemblent � leurs propres parents. Ce d�ni de r�alit� et ce refus de s�adapter � la dynamique de la soci�t� et du monde se nourrissent de racines devenues indigestes. Et parce que le conservatisme a emp�ch� ceux qui voulaient arroser ces racines pour leur redonner de la saveur, nous r�coltons ann�e apr�s ann�e, jour apr�s jour, les fruits amers de cet aveuglement. Et ces fruits m�rissent particuli�rement lors de grandes fractures politiques engendrant des cort�ges de violence. Les exemples de violence exacerb�e ne manquent pas : la confrontation de l��t� 62, le coup d�Etat de juin 65, le Printemps berb�re de 81, les �meutes nationales d�octobre 88 et enfin la terrible p�riode du terrorisme. Chacun de ces �pisodes s�est traduit par l�exclusion de groupes et d�individus qui se sont retir�s dans un exil int�rieur ou bien sont all�s grossir les rangs de l��migration. Pourquoi sommes-nous arriv�s � exclure ou faire fuir une partie de nous-m�mes ? Pourquoi restons-nous recroquevill�s dans certaines traditions surann�es ? Pourquoi emp�cher sa propre prog�niture d��pouser son temps ? Pour comprendre ces ph�nom�nes, outre les valeurs et traditions anachroniques, il faut aussi regarder du c�t� de la colonisation dont les m�faits sont, h�las, devenus un �l�ment constitutif suppl�mentaire de l�anthropologie de notre soci�t�. La blessure coloniale caus�e par les enfumages et autres famines organis�es par les sbires de Bugeaud, la nuit dont laquelle a �t� plong�e la soci�t� ont creus� des f�lures dans la personnalit� alg�rienne. La mis�re et l�humiliation endur�es, l�absence de libert� sur notre propre sol ont provoqu� chez nous une violence refoul�e. Dans le combat titanesque et in�gal pour pr�server son identit�, il ne restait � l�Alg�rien pas grand-chose pour affronter et s�ouvrir sur les autres aspects du r�el. Aujourd�hui, devenu un pays ind�pendant, nous devons utiliser les logiciels appropri�s pour saisir le r�el dans toute sa complexit�. Les traces des colonisateurs font partie de cette complexit�, donc de notre histoire. L�architecture, la gastronomie, la langue, la religion, les rites, etc., autant d��l�ments que nous avons int�gr�s et adapt�s � notre �sauce� pour tirer une �fiert� de nos particularit�s dans un environnement � la fois arabe, africain et m�diterran�en. Tous les �l�ments constitutifs de l�anthropologie de notre soci�t� depuis la nuit des temps jusqu�� la cohorte des envahisseurs ne doivent pas nous entra�ner sur la pente glissante de la recherche insens�e et illusoire de ce qu�on appelle la �puret�. Cette m�re de toutes les intol�rances n�est plus ou moins qu�une forme d�ali�nation sociale qui se transforme parfois en v�ritable folie chez des �tres fragiles. Ces pr�tendants � la puret� devraient plut�t s�inspirer de La conf�rence des oiseaux-d�j� cit� o� �l�homme cherche � se lib�rer, mais rencontre partout l'hostilit�. Heureusement, la huppe, ce merveilleux oiseau, existe pour enseigner : �Cent choses p�nibles t'assailliront sans cesse. C'est seulement au prix de modifications profondes et lentes du comportement que des progr�s sont possibles.� Et elle ajoute : �Il te faudra passer plusieurs ann�es dans cette vall�e � faire de p�nibles efforts et y changer d'�tat, car pour progresser, un engagement v�ritable et endurant est n�cessaire.� La peur du changement, de l�autre, voil� l�ennemi. Et c�est pourquoi on a vu chez nous certains illumin�s ordonner de revenir � �nos� habitudes alimentaires ou vestimentaires. Et comme le ridicule ne tue pas, d�autres encore veulent interdire l�introduction de mots �trangers dans la langue arabe tout en clamant leur fiert� de voir les langues turque et perse et m�me les langues europ�ennes s�enrichir de la belle langue arabe. Il ne faut pas oublier que c�est au nom de cette �puret� que l�on a massacr� les Indiens des Am�riques, que l�on chasse encore aujourd�hui les Palestiniens de leur pays pour que l�on se retrouve entre juifs dans un Etat juif. Enfin, gardons dans notre esprit qu�un fou furieux, un certain Hitler, au nom de la puret� de la race, a entra�n� le monde � la ruine. Pour �viter de sombrer au pied du mur de l�intol�rance et ses cort�ges de violence, il est temps que l�on commence d�s l��cole primaire � initier les enfants � la beaut� du monde et de ne plus leur faire peur avec les feux de l�enfer. Pour ceux qui croient que la violence et la peur de l�autre sont r�serv�es aux pays et cat�gories sociales pauvres, qu�ils se rassurent ! L�Allemagne, patrie de Hegel, le racisme et la violence des USA, Isra�l avec ses cort�ges de morts et son d�ni de l�autre, tous ces pays donc � combien d�velopp�s n�ont pas de le�ons � donner. C�est � leurs habitants d��tudier l�anthropologie de leurs soci�t�s. C�est ce qu�ils font du reste et c�est pourquoi une partie non n�gligeable de leurs populations se solidarisent avec les luttes sociales et contre le racisme qui frappent les classes dites �dangereuses� et les �trangers.
A. A.
* Farid al Din Attar, po�te iranien (1142/1220)


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