[email protected] L'Alg�rie a donc vot� le 10 mai : des islamistes peu convaincants, mais accr�dit�s, ont perdu. Des islamistes convaincus et subrog�s (le barbu et le barbant) ont gagn�. L'Alliance verte, install�e � demeure, a vaincu la temp�te verte souffl�e par le �printemps arabe�. Il n'y a pas � dire, l'Alg�rie n'est pas un pays comme les autres, et encore moins un pays arabe comme les autres. Ce qui n'est pas fait pour rassurer, loin de l�, et qui renvoie sine die le d�bat autour de l'urgence d'�difier un mus�e pour contenir le FLN et ses turpitudes. Quant au choix de soci�t�, il suffit de lire quelques titres de la presse arabophone pour s'en convaincre. Comme tout ce qui rassemble et divise, le football est un excellent indicateur des tendances du moment. Il se joue devant des millions de t�l�spectateurs, et ceux qui le pratiquent sont des mod�les, � d�faut d'�tre des idoles. Prenons deux journaux arabophones au hasard, celui qui fait bien les choses : le joueur alg�rien Ghillas a f�t� samedi dernier l'accession de son club, Reims, en Ligue 1, la premi�re division fran�aise. L'occasion �tait propice aussi pour �trenner son titre de meilleur joueur et meilleur buteur de la Ligue 2, et saluer sa s�lection chez les Verts. Normalement, un tel �v�nement aurait d� susciter la satisfaction, faute de fiert�, mais pas au pays o� le parti du FLN a d�cr�t� l'amn�sie autour de ses fondamentaux, comme la proclamation du 1er Novembre et la plateforme de la Soummam(1). Au lieu de cela, il a eu droit � un tacle violent et dangereux qui vise sans doute � remettre en cause sa s�lection en �quipe nationale. Ghillas devra donc jouer les prolongations pour se qualifier puisqu'il a �t� montr�, avec photos � l'appui, comme le joueur indigne qui a f�t� l'accession de son club avec une bouteille de vin. Il est heureux que l'autre journal ait gard� quelques r�miniscences vinicoles puisqu'il pr�cise que la bouteille que Ghillas tenait contenait du champagne. Mais il rappelle tout de m�me que le vin est l'impuret� des impuret�s et la malveillance des malveillances. Il aurait pu ajouter que le choix �tait tout � fait normal puisque la ville de Reims est situ�e en Champagne, la r�gion qui a donn� son nom � la boisson pr�f�r�e des riches Levantins(2). Si j'�tais un ap�tre tardif de la temp�rance agressive, j'aurais ajout� qu'� force de marquer des buts dans la lucarne adverse, l� o� habite le diable para�t-il, il �tait fatal qu'il en subisse la riposte. Comme la formule a march� avec M'bolhi, et deux ou trois jours de l'EN, la tentation �tait facile de r�cidiver avec les nouveaux cap�s. Les voil� avertis : ils pourront courir la gueuse apr�s les matchs, mais � l'abri des photographes. Comme tout Alg�rien, Ghillas est autoris� � prendre de la bouteille, mais jamais en la tenant par le goulot, ce qui renvoie � une relation illicite et compromettante. Boire et forniquer en cachette, ou se faire attraper et traiter de m�cr�ant, il faut choisir ! Ghillas jouera certainement en �quipe nationale, mais gare � lui s'il rate un but tout fait, comme on dit dans le jargon sportif(3). Voil� pourquoi il me para�t avoir le profil id�al pour �tre la premi�re victime collat�rale des �lections du 10 mai 2012, et sans l'avoir cherch�, du brumeux et �quivoque printemps arabe. Celui qui semble avoir �t� une autre victime collat�rale du fatidique printemps, c'est le fameux Cheikh Al- Ob��kane, th�ologien �m�rite du royaume d'Arabie saoudite et �djihadiste� repenti. Il est surtout connu comme l'auteur de la fatwa autorisant les femmes employant ou fr�quentant des adultes m�les � leur donner le sein, afin que s'�tablisse une relation de m�re � enfants. Malgr� l'indignation et la r�probation suscit�e par cette fatwa, Al- Ob��kane n'avait pas �t� inqui�t� ni d�mis de son poste de conseiller th�ologique du cabinet royal. Il est vrai qu'il avait de qui tenir, en tant qu'�l�ve de l'incontest� �Al-Ibn-Albaz�, et qu'il produisait de surcro�t un Hadith, authentifi�, appuyant sa fatwa. Mais, � l'heure o� l'Arabie saoudite s'appr�te � int�grer le Bahre�n, menac� par la contestation chiite, dans son giron, il y a des priorit�s. Al-Ob��kane a simplement reproch� � de hauts responsables saoudiens de s'�loigner de l'orthodoxie wahhabite et de favoriser la mixit� homme femme. Ce qui revenait � accuser les grands du royaume d'avoir des id�es derri�re la t�te au sujet des femmes. Comme il croit f�rocement en l'existence des mondes invisibles et des combats titanesques qui s'y d�roulent, Al-Ob��kane a mis en cause l'action des �djinns� occidentaux. Il y a quelques ann�es, dans une tribune publi�e par un grand journal saoudien de Londres, il avait donn� du corps � cette th�orie en autorisant � utiliser la magie pour vaincre les forces mal�fiques. Ce qui avait autoris� un confr�re � reprendre � son compte le jugement de Bernard Lewis, selon lequel la place du wahhabisme dans l'Islam est semblable � celle qu'occupe le Ku Klux Klan dans la chr�tient�. Cette fois-ci, Al- Ob��kane n'a pas seulement mobilis� les m�dias officiels contre lui, mais il a aussi attis� l'ire des th�ologiens du royaume. Touch� sans doute lui aussi par le virus des ayatollahs, il a appel� les religieux saoudiens � ne plus �tre seulement des th�ologiens au service du pouvoir. Ce qui n'est pas tr�s adroit, au moment o� ses employeurs essaient de mobiliser l'opinion arabe et internationale contre le danger iranien qui est bien plus visible et pressant. A. H. (1) Les contempteurs de la plateforme de la Soummam (tr�s minoritaires) ont rejet� la plateforme issue du congr�s, parce qu'ils n'y �taient pas. Ils ont fait marcher l'Histoire � leurs pas. Que dira l'Histoire de la f�te du 10 mai 2012 � laquelle plus de la moiti� des convives n'a pas particip� ? (2) Un fabricant fran�ais sachant l'engouement pour la boisson qui p�tille et pour les p�tillantes jouvencelles qui vont avec, fabrique du champagne sans alcool, pour permettre aux nantis arabes de jouer les sybarites en toute bonne conscience. (3) Je ne veux pas jouer les trouble-f�te, mais je me dois de rappeler qu'il y a une diff�rence entre le �p�ch� de chair�, plus difficile � commettre qu'il n'y para�t, et le �p�cher de chaire�, que tout opportuniste et imposteur a le loisir de pratiquer en toute s�curit� et impunit�. Il y en a qui souffrent plus dans leur �chaire� perdue, que dans leur chair, prot�g�e celle-l� par une carapace imperm�able.