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Ici mieux que la-bas
Abû `Abd Allâh avait-il raison de capituler ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 09 - 2013


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Des lecteurs(1) vigilants guetteurs, sans doute ô combien plus cultivés que votre présomptueux serviteur, ont dégoupillé leur savoir illico presto, avec une mansuétude qui les honore à une faute que je n'aurais naturellement pas dû commettre. Dans la chronique de la semaine dernière consacrée à Grenade, j'ai distraitement attribué – sacrilège ! – «Le dernier Abencérage» de Chateaubriand à ce valeureux Lamartine. Ce n'est pas d'escamoter ce morceau de choix de la prestigieuse bibliographie du vicomte François-René de Châteaubriand, père ampoulé du romantisme français, modèle pour le jeune Victor Hugo(2), source d'inspiration projectiviste pour de Gaulle(3) et de raillerie jalouse pour cette teigne de Talleyrand(4) qui est impardonnable mais de le porter au crédit de celle d'Alphonse de Lamartine.
Ah Lamartine ! Presque un pote de cour de récré, celui-là ! Castagne et réconciliation. Des circonstances familiales ont fait qu'à 7-8 ans, à peine scolarisé, contraint et forcé, je régurgitais des pans entiers de ses «Méditations poétiques» que mon paternel me faisait ingurgiter ad nauseam, au point que, des années durant, j'ai cru que ce n'était guère ce vaporeux Lamartine, voguant dans les limbes d'improbables siècles passés et portant un nom aux consonances indigènes(5( qui était l'auteur de ces alexandrins qui me boursouflaient les neurones mais bien mon indulgent tyran et néanmoins concret Vava V'Laïd qui tenait à ce que j'articule à la perfection les stances du «Vallon» : «Mon cœur, lassé de tout même de l'espérance, /N'ira plus de ses vœux importuner le sort ; /Prêtez-moi seulement, vallons de mon enfance,/Un asile d'un jour pour attendre la mort» Gloire à la Culture !
Je vois d'ici l'humeur massacrante de certains lecteurs, cultivés politiquement, conscients, qui pourront à juste titre être outrés de cette bataille d'experts cruciverbistes à l'heure où résonnent les bruits des bottes de l'Otan qui fabrique une nouvelle fiction pour s'en prendre à la Syrie. Pourtant, on pourrait en dégager un lien, comme une sorte de pont jeté entre jadis et aujourd'hui, car il s'agit bien ici des relations de domination entre le Nord et le Sud, entre l'Ouest et l'Est, entre l'Occident et l'Orient.
Donc, non pas Lamartine mais bel et bien Chateaubriand ! Faute. À croire que l'évocation de Grenade ou de l'Al-Andalus pousse à la faute, pas de celle qui exclut, ferme, mais de celle qui crée. L'originelle.
En 1963, Louis Aragon avouait que, de l'ode à Grenade qu'il chanta dans Le fou d'Elsa, «tout a commencé par une faute de français». Un jour de 1960, désemparé, le poète se surprit à feuilleter un de «ces gros volumes encombrants» d'un journal de musique nommé Le Ménestrel. Son parcours distrait s'arrêta devant le premier vers d'une romance : «La veille où Grenade fut prise.» Il répéta le titre plusieurs fois, fasciné par l'élégance de la faute qui s'insérait à la perfection, dissonance lancinante, dans «une obsession longue» de sa vie, celle de Grenade assiégée par les rois catholiques. Il prit conscience du parcours emprunté par elle. Elle cheminait dans sa songerie depuis l'enfance, plus exactement depuis le jour où il avait reçu pour prix, lors de sa première communion à l'école Saint-Pierre de Neuilly, une anthologie où était mentionné ce qui était présenté comme la lâcheté de Abû `Abd Allâh (Boabdil). Avant de tomber sur cette faute qu'il lui fallut corriger en rétablissant, dans une syntaxe correcte, la phrase «La veille du jour où Grenade fut prise», ce qui déclencha ce plain-chant à la gloire de Grenade et de l'amour, Aragon raconte s'être opposé, bien des années plus tôt, à Maurice Barrès qui considérait «la chute de Grenade aussi fameuse que la chute de Troie». Barrès avait un avis tranché et sans pitié sur «le petit roi Boabdil, lâche, traître et assassin...» «On dit que ce roi méprisable, poursuivait Barrès, pour tenir tant à l'existence, avait dû connaître d'incomparables voluptés.» Le procès est donc un lieu commun. D'ailleurs, des années auparavant, Aragon fit remarquer à Barrès que, quand les vainqueurs écrivent l'histoire, un roi vaincu est forcément lâche et traître. L'auteur de Sous l'œil des barbares répondit que «c'était bien la première fois que je rencontre un défenseur de Boabdil».
Le fou d'Elsa est, de l'avis de la critique, le chef-d'œuvre de Louis Aragon. Lui-même confessait que c'est ce qu'il avait écrit de mieux.
Si Maurice Barrès avait raison, c'était sur une chose, une seule : l'importance de la chute de Grenade dans l'imaginaire occidental. Elle figure la fin d'un cycle historique où la barbarie allait changer de camp. Depuis quasiment 1492, Grenade brille de la lumière sombre d'un décor calciné qui fascine poètes et historiens. En 1842, Théophile Gautier, poète et romancier, admirateur de Victor Hugo, revenait d'Espagne avec un poème, Les trois grâces de Grenade, dans lequel il associait la ville à l'amour «Les nymphes du Jénil, les perles de Grenade, / A vous ces vers écrits en langage inconnu/ Par l'étranger de France à l'Alhambra venu». Victor Hugo lui-même a consacré, dans son recueil Les orientales (1829) un beau poème à «Grenade la jolie». Il finit malheureusement dans la tonalité de l'époque à laquelle le Vieux lui-même n'échappait pas : «Mais Grenade est catholique», nous prévient Hugo. C'est à croire que la chute de Grenade est un perpétuel recommencement. Ce qui est frappant aujourd'hui, c'est ce désir de refoulement de tout l'héritage maure dans l'histoire de l'Andalousie. Un proverbe grenadin dit, pour escamoter la nécessité d'assumer toute l'histoire, «Grattez l'écorce chrétienne et réapparaît la pulpe du fruit maure». Federico Garcia Lorca, enfant de Grenade, a écrit une œuvre poétique qui, selon Emmanuel Roblès(6), ne «fait aucune allusion au passé maure de Grenade». Cependant, Lorca disait «avoir du sang maure dans les veines».
Mais peut-être qu'au fond, plutôt que le songe d'Aragon, Al Andalus ne fut qu'un poème à l'exemple des épigraphes gravés sur les murs de l'Alhambra ou de ces vers du Palestinien, coutumier de l'exil et de l'errance comme les vaincus d'Andalousie, Mahmoud Darwish se demandant : «L'Andalousie fut-elle/Là ou là-bas/Sur la terre... ou dans le poème.»(7)
Ah oui, il est temps pour la chronique de prendre un peu de congé... L'année aura été éprouvante. Rendez-vous à la dernière semaine de septembre.
A. M.
1) Ce qui me surprend et ne manquerait pas d'étonner un sociologue de l'information, c'est l'importance du courriel que j'ai reçu pour cette chronique. Jamais en bientôt dix ans d'«Ici mieux que là-bas», je n'en ai reçu autant, pas même en réaction à certaines chroniques plus ou moins polémiques. Ça prouve, en tout cas, que l'intérêt des lecteurs est aussi impénétrable que les desseins divins et que, sans le matériel statistique et les enquêtes d'opinions idoines, c'est de la pure fanfaronnade rase-motte que de prétendre savoir ce que les lecteurs aiment lire. Un sujet aussi décalé de l'actualité en plein cagnard, c'était prendre le risque d'être rasoir. Eh bien, non, visiblement ! Certains lecteurs en ont même redemandé. Ne pouvant citer tous les lecteurs (trices) qui ont pris la peine de m'écrire et dans l'incapacité passagère de répondre individuellement à chacun, je tiens à tous les remercier ici autant pour m'avoir écrit que pour démentir cette caricature selon laquelle les sujets d'histoire et de civilisation ne sont pas prisés.
2) «Je veux être Chateaubriand ou rien», proclamait le futur auteur de Les Misérables.
3) En 1947, de Gaulle a relu Mémoires d'outre-tombe. Il trouvait «l'œuvre prodigieuse... il (l'auteur) pose sur l'avenir un regard profond... en fait, il avait presque tout vu, y compris les bolcheviks...»
4) Il persiflait : «Monsieur de Chateaubriand croit qu'il devient sourd car il n'entend plus parler de lui.»
5) Longtemps, j'ai cru que Lamartine était le pseudo que se donnait mon vieux pour faire passer ses poésies. Je pensais que ça se prononçait Amar Tine. Les livres de lui qui traînaient dans l'appartement dans le sillage du vieux, je ne comprenais pas d'où ils venaient. Vers les 11-12 ans, j'ai réalisé l'existence de Lamartine. Je n'aimais pas outre mesure son lyrisme sirupeux mais je continuais, aussi contraint que naguère, à lire sa poésie en adjoignant à ma connaissance des éléments de biographie. Diplomate de profession à l'origine comme plus tard Saint-John Perse et Pablo Neruda, il fut député, ministre et brigua même la présidence de la République contre Louis Bonaparte. Comme quoi, un poète, ça ne se contente pas d'être un contemplatif. Lamartine nourrissait un tel intérêt pour l'Orient qu'outre ses voyages en Palestine et en Turquie, il est l'auteur de La vie de Mahomet, un essai biographique, et revendiquait une ascendance sarrasine. Dans l'islam, il trouvait un peu de ses racines. Il prétendait descendre des «Allamartine espagnols». Sa position par rapport à la colonisation de l'Algérie a été ambiguë.
6) Emmanuel Roblès observait, dans une conférence sur Federico Garcia Lorca prononcée à Paris en 1946, augmentée et publiée aux Editions Domens (Pézenas, France) en 1998, l'absence de symbolique maure dans le Romancero gitan, l'œuvre maîtresse de Lorca. «Cependant, écrit Roblès, il (Lorca) avait une vive admiration pour le passé maure de sa ville, et il a déclaré au sujet de la reconquête de l'Andalousie par les Rois catholiques : «Ce fut une très mauvaise époque, bien qu'on dise le contraire dans les écoles. Il se perdit une civilisation admirable, une poésie, une astronomie, une architecture et une délicatesse unique au monde qui laissa le pas à une ville pauvre et humble.»
7) Onze astres sur l'épilogue andalou in La terre nous est étroite et autres poèmes (Nrf/Gallimard) de Mahmoud Darwish.


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