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Pour l'avènement d'un «siècle des lumières» en Algérie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 09 - 07 - 2014


Par Saïd Dahmani
«Quand le khalîfa al Ma'mûn régna, il avait quelqu'instruction et le désir d'apprendre.
Il envoya une mission auprès des empereurs de Byzance. Ses envoyés étaient chargés de
trouver les traités scientifiques grecs (...)»,
Ibn Khaldûn.
«Lorsque le vent de la civilisation eut cessé de souffler sur le Maghrib... les sciences y déclinèrent et toute activité scientifique y disparut, à l'exception de rares traces individuelles soumises à la surveillance des doctrines sunnites.», Ibn Khaldûn «Je viens d'apprendre que les sciences philosophiques sont en grande faveur au pays de Rome et sur la rive voisine du pays des Francs.», Ibn Khaldûn.
Sans remonter très loin jusqu'aux XIIIe et XIVe siècles où des mutations profondes affectèrent le monde européen, signalées par Ibn Khaldûn, il suffit de constater que la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle marquèrent l'émergence de cette Europe philosophiquement, scientifiquement, économiquement et politiquement. Le XIXe siècle consacre cette suprématie qui se traduisit, entre autres, par la domination de vastes territoires sous toutes les latitudes. Cette domination impérialiste et colonialiste, bien que remise en cause au XXe siècle et vaincue par les mouvements d'émancipation, continue à exercer sa suprématie.
Le triomphe des mouvements de libération n'a réglé qu'un aspect, celui du recouvrement de la souveraineté. Tout le reste est à faire ou à refaire.
En 1962, l'état civilisationnel de l'Algérie était peu différent de celui de 1830, qui lui-même était celui de la stagnation de la civilisation dans le monde musulman. Certes, il fallait parer au plus urgent : relever un pays exsangue, construire une charpente d'Etat, démarrer une économie, etc. Mais l'essentiel manque : reconstruire la pensée civilisationnelle, poser les fondements philosophiques de l'édification de la société algérienne. Pourtant le FLN/ALN, engageant un processus révolutionnaire liant la libération du joug colonial à la propulsion de la nation dans le progrès, en traçait les grandes lignes dans l'appel du 1er Novembre 1954, puis les développait dans le programme de la Soummam en 1956, posant de la sorte les prémices des fondements philosophiques du projet socio-politique du futur algérien.
Une deuxième approche, prolongeant les précédentes, vint ensuite en 1976 avec l'adoption de la Charte nationale, texte qui se voulait fondateur d'une Algérie de son siècle. Cette Charte était perfectible ; mais on avait assisté à sa manipulation dans un sens conservateur en 1986 par les «Barbéfélènes», puis elle fut enterrée par les réactionnaires qui s'imposèrent dans la gestion du pays depuis 1979 en détruisant tout le contenu progressiste des textes de 1954 à 1976. Depuis c'est le triomphe du conservatisme rétrograde et fossile qui se renforce continuellement encore plus depuis 1988. La responsabilité de cette situation n'incombe pas seulement au pouvoir et aux cercles qui gravitent autour de lui. Elle est le fait également des «ulama». L'Université algérienne — si tant est qu'elle en soit une — a sa part dans cette situation. En sont également responsables les associations culturelles et politiques de sensibilité progressiste. Point n'est besoin de s'étendre sur le conservatisme sur lequel se fonde le pouvoir. Notons cependant que l'Ecole, gérée par le pouvoir, est la machine essentielle dans la diffusion et l'imposition de la pensée conservatrice. L'Ecole, dans tous ses paliers, bourre les cerveaux des élèves, et ne fait pas de place aux disciplines d'éveil et de raisonnement. Ces élèves, arrivés en classes terminales, ne disposent pas d'un enseignement de la philosophie digne de ce nom, une discipline fondamentale de développement des facultés d'analyse et de l'exercice du raisonnement. D'autre part les sermons et «durus» (leçons-sermons), prononcés en forme de harangues martiales, déversés tous les vendredis, et la gestion bureaucratique des affaires religieuses où l'imam, supposé initiateur à la spiritualité, est «fonctionnaire-syndiqué» ! La responsabilité la plus lourde est celle des «ulama» (savants en religion) sur l'enseignement desquels s'appuie le pouvoir et l'applique. Ces «ulama» ne sont en réalité que des transmetteurs d'une pensée et d'une exégèse figées depuis des siècles ; transmetteurs qui se refusent à toute liberté de réflexion, et l'interdisent aux autres, en s'abritant derrière l'autorité des anciens «chaykh» (maîtres). Ces «ulama» perpétuent notamment la vision conservatrice vis-à-vis de la philosophie qu'ils réfutent, car ils considèrent qu'elle a une «pernicieuse influence» et constitue un danger pour l'orthodoxie conservatrice. Leur enseignement «en boucle» s'étale à travers les émissions télévisées et radiophoniques, à travers les colonnes des journaux aussi bien arabophones que francophones. Cette caste de transmetteurs impose à la société algérienne une chape qui interdit toute liberté de réflexion novatrice. Elle finit par produire au niveau du culte soit une expression mécaniste de la foi sans spiritualité, soit l'hypocrisie, soit la condamnation à l'abandon total d'un minimum de libre-arbitre. Cette caste nourrit et le salafisme et toutes les déviations sociales et politiques. Au niveau de la production scientifique, cette caste génère la stérilisation de la civilisation musulmane.
L'Université porte une lourde responsabilité dans cette stagnation civilisationnelle. D'une part, l'université des sciences islamiques Emir-Abdelkader, qui ne forme que des ulama-transmetteurs, gardiens du conservatisme dans toutes ses formes ; de l'autre, les universités conventionnelles qui brillent par le taux effarant de travaux plagiés.
N'ayant pas la capacité de produire les connaissances, elles ne peuvent qu'être stériles en matière de construction d'une pensée philosophique qui fasse évoluer la société algérienne en y revivifiant la civilisation. Le «parti philosophique» n'existe pas dans l'université algérienne. La responsabilité de cette régression et de cette inertie incombe également à la société, à travers ses associations à caractère socio-culturel ou à caractère politique. Alors que les associations fondées sur le conservatisme le renforcent et le diffusent, les associations qui se présentent comme progressistes affichent une attitude neutre, en tout cas inefficace, face à cette question de la civilisation musulmane figée et décadente à cause du diktat du conservatisme. Il faudrait rappeler qu'on ne peut évacuer quatorze siècles d'Islam-civilisation en Algérie. Laisser aux tenants du conservatisme disposer du devenir de notre nation et de l'exclusivité de la prise en charge de l'Islam-civilisation dans tous les domaines est une faute grave, si ce n'est plus. En ne s'investissant pas assez ou pas du tout dans le renouveau de l'Islam-civilisation, une des conditions de l'avènement de la modernité et du progrès, les associations se réclamant progressistes, déjà minoritaires et marginales, finiront par être balayées. L'avènement «d'un siècle des lumières» ne peut jaillir qu'à partir d'une reconstruction de la pensée de l'Islam-civilisation en Algérie, et grâce, entre autres, à ce pôle progressiste des associations.
Et il est vital et primordial de cesser d'attendre une quelconque «lumière» de l'Est : l'institution azharienne, celle de Qom ou celle de Riyadh sont les antithèses de la reconstruction de la pensée de l'Islam-civilisation. Elles sont trop prises par leurs actions de destruction des nations moyen-orientales au nom d'un sectarisme destructeur que ne cessent de cultiver, entre autres, les ulama. Cette reconstruction doit être algérienne ; elle est liée à l'émergence dans l'université algérienne de penseurs et de philosophes qui provoquent la rupture avec cette stagnation en remettant en question le conservatisme du pôle des ulama-transmetteurs et en lui trouvant une alternative qui permette de le neutraliser et de faire évoluer notre société. Car l'Europe qui inspire, chez nous, les revendications relatives aux droits de l'homme, la liberté de conscience, la démocratie, etc. n'est pas parvenue ex nihilo à la réalisation de ces valeurs et à les pratiquer, mais au prix d'une révolution intellectuelle au sein de sa civilisation chrétienne. Cette révolution intellectuelle ne s'est pas encore déclarée en Algérie. Car sur quelle philosophie s'appuie, aujourd'hui, la revendication en Algérie des droits de l'homme, de la liberté de conscience, de la démocratie et des valeurs y afférentes ? On me dira que ce sont des valeurs devenues universelles, ouvertes à tous. Certes, mais encore faut-il participer avec sa propre pensée philosophique à l'enrichissement de ces valeurs universelles et se les approprier.


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