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De la charte de l'impunité à «la peine de mort» de Kamel Daoud
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 12 - 2014


Par Leïla Aslaoui-Hemmadi
Kamel Daoud n'est plus à présenter. Journaliste de longue date au Quotidien d'Oran, ses chroniques sont une bouffée d'oxygène et un remède efficace contre la somnolence et l'indifférence.
Kamel Daoud est également un écrivain connu et reconnu internationnalement. Un écrivain qui fit rêver bon nombre d'entre nous récemment, lorsque nous apprîmes, ô bonheur, qu'il était parmi les finalistes du Goncourt. Kamel Daoud, notre fierté, notre honneur, lorsque nous apprîmes le 5 novembre 2014 qu'il s'en fallut de peu pour qu'il décrochât le prix. Cela se joua à deux points, deux petits points seulement. L'histoire littéraire de notre pays retiendra qu'un Algérien âgé à peine de quarante-cinq ans fut appelé à concourir au Goncourt grâce à sa belle plume. Côté officiel, ce haut fait d'armes fut considéré comme un non-événement accueilli par le silence.
Ce n'est pas nouveau. Le 16 juin 2005, Assia Djebar écrivaine de renommée internationale, fut élue à l'Académie française. L'information fut donnée par trois quotidiens de la presse indépendante : El-Watan, Liberté, Le Soir d'Algérie. Et silence des autorités publiques comme si «les monts du Chenoua» se trouvaient en Alsace !
Un mutisme regrettable certes, mais sans conséquences fâcheuses comparé à l'appel d'un islamiste pur et dur répondant au nom de Abdelfatah Hamadache Zeraoui. Un appel lancé le 14 décembre 2014 par cet énergumène selon lequel : «Kamel Daoud doit être condamné à mort publiquement parce que apostat, mécréant, sionisé, un criminel qui insulte Dieu.» Evoquer ce petit, tout petit «responsable» d'une association islamiste non reconnue, regroupant à peine vingt à vingt-cinq personnes, me déplaît souverainement. De même que commenter ses débilités ne m'enchante guère. Parce que cela permet à Abdelfatah machin... d'exister, lui qui est sans cesse en quête de célébrité via de rares, bien rares plateaux de télévisions nationales et privées. Cependant garder le silence ou faire comme s'il n'avait pas jeté l'anathème sur Kamel Daoud et ce qu'il représente, signifierait au mieux «c'est l'affaire de Kamel Daoud» au pire : «Abdelfatah machin... a raison.» Ce serait une grave erreur que celle de croire qu'il ne s'agit là que d'un fait anodin et inoffensif. Que les islamistes multiplient d'une manière récurrente leurs invectives contre ceux et celles qui ne leur ressemblent pas n'est pas surprenant.
Rappelons pour mémoire leurs vociférations contre le film L'Oranais primé par ailleurs, ou encore contre une note interne inhérente à la Direction générale des Douanes interdisant aux agentes femmes affectées aux aéroports, ports, de se déguiser en hidjabisées. Cette fois-ci c'est gravissime car un palier supérieur a été franchi : la mise à mort d'un écrivain est demandée par l'extrémisme islamiste. Parce que celui-ci s'appelle Kamel Daoud et non Abou... quelque chose. Parce qu'il est républicain, parce qu'il pense, parce qu'il écrit, parce que surtout au cours d'une émission télévisée «On n'est pas couché» (France 2), il a parlé de choses trop subtiles pour l'unique neurone qui reste à Abdelfatah machin... chez celui-ci tout fonctionne au «haram» et au «hallal» (illicite et licite) :
- Albert Camus «haram puisque kafer» (paix à son âme).
- Meursault, contre-enquête kofr. En conséquence de quoi, l'insipide syllogisme islamiste est : si Camus et Meursault sont kouffar (mécréants), Kamel Daoud est un mécréant. On l'aura compris :
Abdelfatah machin... dans son ignorance crasse ne saura jamais rien de Camus, de L'étranger et de Meursault. Il ne retint des propos de Kamel Daoud que le terme «Dieu» lorsque probablement celui-ci a dit : «Si on ne tranche pas la question de Dieu dans le monde arabe, on ne va pas avancer.» Ah Dieu ! le monopole des islamistes. Ah Dieu ! dont eux seuls ont le droit de parler lorsqu'ils assassinent en son nom et de l'islam, lorsqu'ils demandent la mise à mort d'un poète, d'un écrivain, d'un cinéaste, d'une femme, d'un homme toujours au nom de Dieu, c'est bien ce qu'a fait Abdelfatah machin... lorsqu'il a lancé son cri de haine contre Kamel Daoud sans se forcer d'ailleurs, parce que tout son être n'est que haine, détestation à l'égard de tous ceux qui ne lui ressemblent pas mais surtout qui ne partagent pas son projet de société fait d'incurie et d'obscurantisme. Et en bon islamiste fidèle à ses principes : si on ne se soumet pas à son «diktat» il appelle au meurtre. «Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous. Leur meurtre est licite» inscrivirent les Frères musulmans de Hassan-El-Bana en 1953 dans leur charte.
Il m'est indispensable d'apporter une précision importante avant de poursuivre. Il serait souhaitable qu'à l'avenir, les hurlements barbares semblables à ceux de Abdelafatah machin... ne soient plus appelés «fatwas».
 La fatwa est en droit musulman un avis juridique tant au regard de la loi qu'à celui de la jurisprudence émis par des personnes autorisées pour ce faire. C'est-à-dire d'excellents spécialistes en la matière : juristes-théologiens. Ce noble travail de recherche n'a rien de commun avec le cri de haine de Abdelfatah machin... Ce serait trop d'honneur que de le déclarer auteur d'une fatwa. Son appel est tout bonnement l'incitation à la commission d'un acte terroriste aux fins d'attenter à la vie d'un homme, parce que celui-ci a la chance de penser, d'écrire, de créer. Et il nous faut prendre conscience qu'au-delà de la personne de Kamel Daoud, c'est la créativité et la liberté d'expression qui sont, une fois de plus, gravement menacées.
Demain, si nous nous taisons, viendra le tour des journalistes, des éditeurs, d'autres écrivains, d'artistes-peintres, etc. Ne l'avons-nous pas vécu ?
Cela ne rappelle-t-il donc rien ? A-t-on déjà oublié les horribles années sanglantes où de nombreux amis furent assassinés parce qu'ils pensaient, parce qu'ils écrivaient ? A-t-on oublié déjà qu'en 1990-1991 des concerts de musique furent annulés parce que les barbus menaçaient de se montrer féroces au cas où... ? A-t-on déjà oublié les descentes musclées des mêmes barbus contre des femmes veuves ou divorcées vivant seules ? A-t-on oublié déjà les hauts-parleurs braillards des mosquées de la capitale où des «imams» haineux juraient qu'ils allaient libérer l'Algérie des laïcs effrontés, des chrétiens, des apostats, des mécréants ? A-t-on déjà oublié celui qui a dit un jour de l'année 1993 : «Pourquoi assassine-t-on des policiers ? Ce ne sont pas des communistes» Un islamiste membre du gouvernement Belaïd Abdeslam. A-t-on oublié tout cela ? Tous ne voulaient pas seulement mettre à genoux les Algériennes et les Algériens. Nous aurions surtout fait avec eux un gigantesque bond en arrière. L'Algérie n'est pas tombée grâce à la résistance de celles et ceux comme Kamel Daoud ont bravé la peur, ont continué à écrire comme les journalistes et à refuser de porter le hidjab comme les femmes. Tout cela au péril de leurs vies.
Mais il nous faut être conscients que l'appel au meurtre de Abdelfatah machin est une récidive islamiste qui signifie : «Nous attendrons et vous n'êtes que sursitaires.»
Voilà pourquoi notre vigilance est plus que jamais d'actualité, parce que l'islamiste tantôt assassine ceux qui «sont contre lui» tantôt il vocifère qu'il faut les tuer comme Abdelfatah machin... Le résultat est strictement identique.
Voilà pourquoi nous sommes tous des Kamel Daoud solidaires avec lui et plus que jamais.
Plus que jamais dis-je, car si Abdelfatah machin... et autres islamistes ont recours à l'anathème, à l'appel au meurtre, c'est essentiellement parce que «la charte de l'impunité» (dite «de réconciliation nationale ?») a fait d'eux non pas seulement des criminels de la pire espèce blanchis mais aujourd'hui des infatués récidivistes appelant à l'assassinat des républicains.
A leurs côtés se tiennent leurs idéologues qui jureront qu'ils sont des non-violents, «des islamistes modérés» disent les naïfs ou les niais c'est selon ; mais qui en, leur for intérieur, partagent en tous points le hurlement barbare de Abdelfatah machin...
Ne s'est-il pas trouvé un terroriste islamiste, revendiquant fièrement le fait d'avoir assassiné un jeune appelé, informer récemment la presse que lui et ses semblables avaient organisé une université d'été ?
Si de telles pratiques sont autorisées, tolérées, instrumentalisées par l'Etat, cela signifie, comme l'exprime Mohamed Issami que : «Leur «repentance» a concerné le recours à l'action terroriste et non aux idées qui sont l'intolérance, l'inquisition et finalement la violence. Autrement dit, la religion n'est qu'un retour à la case départ («Le FIS et le terrorisme : Au cœur de l'enfer» Le Matin éditions page 417).
L'amnistie dite «de réconciliation nationale» garantissant l'impunité aux terroristes islamistes fait d'eux mais aussi de leurs soutiens d'hier et d'aujourd'hui des défenseurs acharnés de leur projet de société. C'est ainsi qu'il faut interpréter l'appel au meurtre de Abdelfatah machin... Et notre vigilance ainsi que notre solidarité avec Kamel Daoud ne sauraient s'arrêter à la signature d'une pétition. C'est bien. Ce n'est pas suffisant. Que fera la justice ? Nul ne peut le dire. Dira-t-elle que Abdelfatah machin... a incité à la commission d'un meurtre contre la personne de Kamel Daoud ? Nul ne peut le certifier.
Ce que nous vivons depuis l'amnistie du terrorisme islamiste (2005) doit plus que jamais nous amener à nous rappeler que le prix chèrement payé pendant les années sanglantes par les républicains doit absolument interdire à Abdelfatah machin et autres islamistes comme lui que plus jamais ils ne nous menaceront. Que plus jamais leurs cris haineux et leurs appels au meurtre ne seront entendus. Que l'ère de «Allayha nahia allayha namout» (pour la cité théocratique nous vivons, pour elle nous mourrons) slogan des barbus dans les années 1990-1991, est définitivement révolue.
Que l'amnistie accordée généreusement à leurs criminels ne signifie absolument pas que nous citoyens les avons blanchis. Ils ont plutôt intérêt à se faire petits et à se taire.
C'est bien ce qu'a compris Abdelfatah machin... lorsqu'il déclara qu'il n'avait nullement l'intention de tuer lui-même Kamel Daoud mais de demander au système algérien de le condamner à mort. Quelle magnanimité !
Non, il n'a rien compris. Il persiste et signe. Il avoue seulement préférer le rôle de commanditaire à celui d'exécutant.Dans ce cas ayant eu sa petite parenthèse de notoriété, il a le choix d'aller vivre chez le «calife» de Baghgdad, de rejoindre le Daesh mais surtout de se taire. Se taire à jamais.
Kamel Daoud est algérien vivant dans un Etat républicain. Kamel Daoud est écrivain et il écrira encore et encore. Et il parlera de Dieu et des sociétés arabes encore et encore. Kamel Daoud n'aurait jamais dû croiser sur son chemin Abdelfatah machin... Sa «rencontre» aura eu néanmoins l'intérêt de nous rappeler que, face aux barbes longues islamistes et aux idées courtes de ces derniers, nous ne devons jamais baisser la garde. Alors oui, nous sommes tous des Kamel Daoud. Mille fois oui.


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