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Scènes de vie
L'accident
Publié dans Le Soir d'Algérie le 04 - 07 - 2015

Transportée par le téléphone arabe, Galou (ils ont dit...), la nouvelle de la mort d'El Mounchar a vite fait le tour du quartier ; et la question — comment est-ce arrivé ? — revenait sur toutes les lèvres. Des réponses aussi évasives que déconcertantes circulaient de bouche à oreille.
Quand les uns parlaient d'un crime passionnel ou d'un attentat perpétré par un terroriste repenti, les autres insistaient sur la version du règlement de compte entre deux bandes rivales ou d'un assassinat prémédité par un proche du défunt. Personne ne connaissait en fait le mobile ni la cause du décès en dehors, bien entendu, du groupe des passants que j'ai trouvés entourant la victime. Si certains parmi eux avaient vu le pan de mur s'abattre sur El Mounchar, ils ne sauraient dire de quel étage il était tombé. Moi-même je croyais qu'il s'était détaché de la balustrade de la terrasse. Peut-être que l'allusion faite par El Mounchar sur les risques d'effondrement du bâtiment s'était-elle ancrée dans ma tête ? Mais depuis que cet inspecteur a pris l'affaire en mains, j'ai commencé à douter de tout, jusque de mes propres faits et gestes. Et si j'y étais pour quelque chose dans la fin de cet individu que je considérais, du reste, comme un excrément de la terre ?
- On m'a dit que vous étiez le dernier à l'avoir vu, me lança le flic chargé de l'enquête.
Désarçonné par ses propos suspicieux, je gardai le silence, caché derrière le voile de ma mine blafarde et égarée. Me voyant ainsi, il renchérit.
- Ah ! je vous connais. Vous êtes un habitué de... Ah ! j'ai trouvé, s'exclama-t-il en claquant des doigts. C'est Kahouat Essoug (le café du souk), un salon de thé où se rencontrent des apprentis écrivains, de petits chroniqueurs et des poètes en herbe. Bon, j'écouterais plus tard votre version des faits. Pour le moment, ayez l'obligeance de m'accompagner chez les locataires.
J'ai compris alors que je devais le suivre et me taire. Le moindre faux pas m'exposerait à ses soupçons et m'attirerait en plus les foudres de sa colère. J'avais peur qu'il lise dans mes pensées, fouine dans mes affaires et découvre les pages sombres où j'avais griffonné tant de mots. Des mots de haine que j'éprouvais pour El Mounchar et l'atroce fin que je lui prédisais. Rêveur, j'avais même oublié où j'avais mis ces feuilles compromettantes pour les soustraire à la vue de l'inspecteur. Je tremblais déjà à l'idée de le voir fouiller mon appartement, trouver ces preuves et me les foutre à la figure.
Il en était capable puisque dès le premier contact j'ai compris qu'il s'était donné le temps d'enquêter sur moi. Il a dû poser des tas de questions aux clients du salon, au patron et à ses employés.
Dès lors, j'étais presque certain qu'il disposait de pas mal de détails sur ma vie, et qu'il en avait tiré bien des conclusions. Peut-être même qu'il avait élaboré un plan pour me confondre devant un témoin bavard qui lui aurait soufflé plus de bobards que de vérités sur mon compte. Il avait l'air d'un fin limier, de ceux qu'on voyait à la télé, à l'instar d'un détective de Scotland Yard ou d'un Colombo.
Contraint et forcé, je l'ai suivi en me tapant tout l'escalier du bâtiment. À chaque étage, je reprenais mon souffle pendant qu'il s'entretenait en tête-à-tête avec les locataires ; et, quand il terminait avec les deux voisins d'un palier, il laissait échapper la même réflexion : «Hum... Ça se corse, on dirait !» Au début, je croyais qu'il me parlait. Mais, à la longue, j'ai fini par comprendre qu'il jugeait et jaugeait les gens selon ses propres critères. Pour lui, tous les habitants de l'immeuble étaient des coupables potentiels. Ça m'a tout de même réconforté de savoir que je n'étais pas le seul inscrit sur sa liste de suspects. Cependant, quand il termina avec les deux voisins du neuvième, et qu'il entreprit la descente, je me suis insurgé contre son parti-pris.
- Et le dixième ? Vous oubliez les messieurs du dixième !
- Ça ne va pas dans la tête ! C'est moi qui mène l'enquête. Tâchez plutôt de vous rappeler d'où est tombé le pan de mur. Car je suis persuadé que ce n'est ni de la terrasse ni du dixième étage.
Il voyait juste. Je n'avais pas à me mêler de ce qui ne me regardait pas, même si je n'étais pas d'accord qu'il exclût de sa liste les deux potentats de l'immeuble. Il avait ses raisons de les blanchir de la sorte. Apparemment, il obéissait d'instinct à la règle du deux poids, deux mesures ; et, qu'en conséquence, je ne devais pas m'étonner qu'il exerçât plus de poids d'un seul côté de la balance ! Certes, ses deux protégés passaient pour d'honorables personnages au-dessus de tout soupçon.
Les voisins disaient du bien du premier, un militaire à la retraite qui évitait les sorties, le tape-à-l'œil et les réunions mondaines. Il assistait cependant à toutes les fêtes que les locataires organisaient dans la salle du sous-sol du bâtiment. Le second par contre se prenait pour un homme d'esprit, le genre de type qui croyait tout savoir. Depuis qu'il a emménagé au second appartement du dixième, il nous regardait de haut ; et, quand il lui arrivait, rarement d'ailleurs, de nous rendre visite en bas, c'était toujours pour nous gratifier d'un sourire, nous dire des mots doux et nous offrir à l'occasion un grand gâteau au chocolat. Je n'aimais pas ses enfants non plus. Arrogants, ils se drapaient dans la peau de gentils garçons soft à l'accent singulier et à l'ambition démesurée.
Nous arrivâmes enfin au rez-de-chaussée, l'inspecteur épluchant les notes qu'il avait portées sur son carnet, et moi, me tenant penaud derrière. Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne spéculais plus sur les soupçons qui pesaient sur moi. Même si j'avais une triste mine, je jubilais intérieurement. Je pensais à El Mounchar, aux voisins endeuillés qui l'accompagneraient au cimetière, à sa mise en terre en milieu d'après-midi, à l'oraison funèbre que prononcerait son associé du sixième, et enfin à la prière que l'imam dirait pour la paix de son âme.
J'imaginais l'ambiance de la veillée mortuaire, lorsque les amis et les proches du disparu se réuniraient sous la grande tente dressée dans la rue. Je verrai leurs visages murés derrière un silence apparent, et j'étoufferai ma colère quand, le dîner servi, ils se gaveraient de couscous et de viande d'agneau. Repu, quelqu'un de l'assistance, un parent éloigné, risquerait même une bévue du genre de celle-ci.
- A-t-il laissé des enfants ? demanderait-il en bâillant.
- Non ! m'écrierai-je, El Mounchar n'avait qu'une femme et une fille.
Le pauvre, s'il pouvait voir de sa tombe ce que pensent les gens de lui, il regretterait tout l'argent sale qu'il avait amassé.


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