Dr Zerouala Mohamed-Tahar, explique dans cet entretien le protocole à suivre pour une hospitalisation à domicile. Il esquisse aussi la relation qu'entretient le personnel médical avec le patient et sa famille. Il est plus juste de dire visites médicales à domicile. Une visite à domicile n'implique pas nécessairement un examen clinique fait par un médecin. L'on se rend chez un patient à domicile pour plusieurs raisons évidemment liées à des problèmes de santé. Cette visite est motivée par l'état du malade qui sollicite un médecin ou son médecin de famille, car il est dans l'impossibilité de consulter en cabinet privé ou dans une structure de santé publique vu son état physique qui ne lui permet pas de se déplacer. Le médecin urgentiste ou généraliste qui se rend à son chevet fait un bilan clinique (c'est-à-dire au lit du patient) pour décider de soins à domicile ou le transfert dans une clinique privée ou dans un hôpital public selon le souhait et le degré de gravité du patient. En réalité la consultation à domicile ne doit pas relever de l'exception. Elle doit être routinière. Le secteur public déplace sa structure d'urgence dans les cas qui relèvent de l'urgence et normalement il est équipé pour cela pour donner des soins sur place. Ces soins peuvent être curatifs et sur le moment, le patient est soulagé, voire hors de danger avec la latitude de consulter son médecin plus tard. Si le Samu, nous l'appelons ainsi, juge que l'état du patient nécessite une exploration complémentaire d'urgence, son transfert est alors décidé vers une structure spécialisée. Le médecin privé est appelé aussi au chevet d'un malade dont la famille n'est pas rassurée par l'état de son parent. Ce patient était-il malade et sous traitement dont l'état s'est subitement aggravé ? Souffre-t-il d'une maladie épidémique qui le «cloue» au lit telle qu'une grippe maligne ? Présente-t-il un comportement inhabituel qui inquiète fortement la famille ? Des parents toujours inquiets veulent-ils s'informer sur l'origine d'une crise douloureuse brutale dont seul le médecin consulté peut juger de la gravité? Parfois il s'agit d'une fausse alerte, une simple hystérie, une petite crise «nerveuse», une déprime... et le médecin consciencieux ne se dira jamais qu'il s'est déplacé pour rien. Il aura quand même rassuré l'entourage. Quant à la population qui est touchée par la consultation à domicile, elle est multiple, de tous les âges et des deux sexes. Mais il est plus fréquent que les médecins soient sollicités par des patients âgés ou ceux qui présentent un certain handicap physique. La consultation à domicile reste sacralisée par la population, même dans les pays très avancés. Le médecin est entouré d'une aura particulière car il s'agit d'une visite strictement privée d'un médecin qui se déplace pour un seul malade qui a un nom et non un numéro. Sans tomber dans la paranoïa, cette visite à domicile est fructueuse pour l'état psychologique du patient. En général, le médecin avant de se déplacer au domicile du malade a besoin d'un certain nombre de renseignements sur l'état de celui qu'il va consulter. Son âge, son sexe, son éventuelle maladie chronique pour laquelle il est pris habituellement en charge, les médicaments qui lui ont été prescrits. En se rendant au domicile du malade, souvent au premier regard le médecin jugera de la gravité de son cas et le premier réflexe sera de gagner du temps pour un éventuel transfert rapide afin d'éviter des complications qui peuvent être irréversibles. Un médecin expérimenté a des gestes codifiés et saura calmer l'entourage paniqué et dispersé. Tout médecin a le devoir de se déplacer s'il est sollicité C'est inscrit dans le serment d'Hippocrate que tout médecin est censé respecter. Ce serment est universellement adopté. Hippocrate est le plus grand médecin de l'Antiquité et tous les médecins du monde prêtent serment sur son éthique. Il s'agit beaucoup plus d'un engagement moral. Dans notre pays à l'instar d'autres, il y a un code de déontologie qui fixe les devoirs du médecin dans l'exercice de sa profession. Là, il ne s'agit plus d'un engagement moral mais d'un devoir. Le médecin a droit à des honoraires inhérents à sa consultation et à son déplacement. Certains confrères ont opté pour la consultation uniquement à domicile. Dotés d'un véhicule et d'équipements pour assurer des consultations et des soins de première nécessité, ils auraient abandonné pour des raisons financières. Une prise en charge par la Caisse de sécurité sociale et pour le patient et pour le médecin pour la réussite de cette initiative est souhaitable afin de fixer certains malades dits «lourds» dans leurs domiciles au milieu de leur entourage. L'hospitalisation non encore humanisée dans nos hôpitaux nous a suggéré dans les années 70 l'hospitalisation du jour qui a été menée avec succès dans les services d'hématologie d'Alger et de Constantine (notre expérience). Actuellement elle est pratiquée dans certains hôpitaux. La visite à domicile est élargie à d'autres personnels de santé l Les infirmiers pour les soins de base Injections, changement de pansements chirurgicaux, contrôle de l'hygiène du malade, contrôle de l'observance des médicaments et de leurs dosages, prélèvements pour des analyses en laboratoire... l Le kinésithérapeute Pour une rééducation à domicile qui n'exige pas des équipements spécialisés. L'aide-soignante et la puéricultrice pour accompagner la nouvelle maman dans ses soins et l'élevage de son enfant. Ceci est l'idéal pour assurer à notre population un environnement comparable sur le plan des soins et de la protection sanitaire à celui des pays avancés. Pour un meilleur confort, particulièrement à l'endroit de personnes âgées qui pourraient être accueillies dans des maisons de retraite dignes. Ce n'est pas encore dans notre culture, mais cela viendra inéluctablement. Evidemment ces maisons de retraite ne doivent pas être des endroits d'exclusion. Bien au contraire, elles doivent être des espaces de convivialité et de chaleur, soumises à des cahiers des charges stricts pour répondre aux besoins d'épanouissement des personnes âgées.