Nouvelle surprise dans les bureaux de tabac algérois : une hausse de dix dinars a été opérée mercredi sur les marques déjà taxées par la nouvelle loi de finances 2017. Surprise, pas tant, les prix fluctuent selon le bon vouloir des producteurs et financiers que décrient les simples buralistes soumis à un «diktat» qui asphyxie carrément les ventes. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Mercredi 8 février. Au 1er-Mai, un buraliste grelottant tente de justifier le nouveau prix du paquet de Marlboro à un quinquagénaire décidé à ne pas sortir son argent aussi facilement. Ce matin, le vendeur réclame 260 DA pour sa marchandise, soit dix dinars de plus que la veille. Le client hésite et pose question sur question, s'imaginant avoir affaire à un revendeur malhonnête. Mais ce dernier ne se laisse pas faire. «Ce n'est pas de ma faute, le prix en gros a augmenté. Ne vous étonnez pas si le prix changera encore dans quelques jours puisqu'on nous a informés qu'une nouvelle hausse de dix dinars aura lieu. Allez vous renseigner ailleurs si vous ne me croyez pas.» Le buraliste rectifie ensuite : «Si on vous propose un paquet sur un ancien prix, c'est que le vendeur détient un ancien lot sur lequel cette hausse n'était pas encore intervenue.» Discussion close. Le quinquagénaire emporte son paquet. Ce genre de clients se fait de plus en plus rare. «On en reçoit peut-être deux ou trois par semaine, et même là, cela dépend des lieux où se situe le magasin», affirme un autre buraliste. Il confirme la hausse du prix des cigarettes et évoque à son tour la prochaine hausse qui sera introduite. En début de semaine, dit-il, le paquet de Marlboro sera à 270 DA. Soit 20 DA de plus qu'il ne l'était ces derniers jours. L'augmentation intervenue en début d'année conformément aux changements introduits par la loi de finances 2017 a induit une hausse de 1 040 à 1 240 DA le kilo sur les tabacs bruns. Le paquet de cigarettes a ainsi augmenté de 40 DA. Pour les tabacs blancs, la hausse appliquée est pratiquement de 100% puisque le prix au kilo est passé de 1 260 DA à 2 250 DA. Il faut se souvenir aussi que la loi de finances 2015 avait introduit la taxe intérieure de consommation (TIC) qui s'était déjà traduite par une augmentation de ce produit. Le gouvernement considérait déjà à l'époque que le prix des cigarettes était l'un des plus faibles en comparaison avec les tarifs appliqués ailleurs et qu'il pouvait, par conséquent, se permettre des hausses de ce genre. Dans les faits, l'application des mesures adoptées dans la loi de finances 2017 est très mal vécue dans le pays. Plusieurs buralistes auprès desquels nous nous sommes renseignés hier ont affirmé avoir enregistré des chutes de 50% au niveau des ventes du tabac. «Nous n'en sommes qu'aux premières semaines, je ne sais pas ce qu'il en sera après», dit l'un d'eux en faisant remarquer les prix excessifs des paquets de cigarettes. «270 DA pour les Marlboro, c'est énorme. Je vous l'ai dit, les clients qui prennent un paquet sont devenus vraiment rares. Ils préfèrent acheter leurs cigarettes au détail. Les mieux nantis en prennent dix, les autres, les jeunes surtout, varient de deux à quatre cigarettes par jour. Pour nous, c'est très mauvais. Auparavant, l'essentiel des ventes quotidiennes était lié au tabac, à présent, plus aucun vendeur ne s'aventure à s'approvisionner en grande quantité. On écoule ce qu'on a, puis on voit venir. Tout est devenu très difficile. Avant, le client entrait chaque matin pour prendre son paquet de cigarettes et son journal. A présent, il prend deux cigarettes et peut-être pas de journal, là aussi, les prix ont flambé, les conséquences sont terrible.» A quoi est due la hausse des cigarettes ? Tous les buralistes interrogés fournissent la même réponse : «C'est la faute aux grossistes. Ils sont divisés en quatre grands groupes distincts. Celui du Nord, du Sud, de l'Est et de l'Ouest, ils ont le monopole total sur le marché du tabac et font varier les prix à leur guise.» Les explications de ces vendeurs permettent d'en savoir un peu plus sur les raisons de la dernière hausse enregistrée. «L'usine de Béni Tamou est à l'arrêt depuis près de quinze jours. La production du Marlboro, Winston, Camel et LM ne se fait plus, alors, forcément, ils ont augmenté les prix.» Selon les informations que nous avons pu recueillir, les dernières intempéries qu'a connues le pays à la fin du mois de janvier dernier ont également affecté l'usine de cigarettes de Koléa. La Société des tabacs algéro-émiratis (STAEM), considérée comme l'une des plus grandes unités de fabrication de tabac en Algérie, a été carrément inondée par les pluies provoquant d'importants dégâts matériels. Elle a cessé toute activité depuis plus d'une semaine. «Alors, les fournisseurs en profitent. Nous achetons le tabac à prix fort, pour amortir les frais, certains vendeurs tentent de se rattraper sur les ventes», poursuit un buraliste. Un client présent dans le magasin durant la discussion affirme que le prix du paquet de Marlboro a récemment atteint les 300 DA à Aïn Benian. Le vendeur confirme. «Je vous l'ai dit, le tabac, c'est la maffia en Algérie.» Pour justifier la hausse des prix de ce produit, les autorités avaient donc évoqué le faible coût des cigarettes dans notre pays en comparaison avec les tarifs pratiqués ailleurs dans le monde. Ce phénomène avait accentué le trafic et propulsé l'Algérie à la troisième place des fournisseurs de tabac de contrebande. «C'est une maffia redoutable. Apparemment, même l'Etat n'y peut rien», poursuit notre interlocuteur. «Je ne comprends pas, le contrôle passe régulièrement au niveau des magasins. Lorsqu'il vient nous voir, il nous demande de placer des étiquettes en arabe sur certains produits, vérifie les prix de certains autres, mais jamais nous ne sommes interrogés sur le prix des cigarettes. Certains vendeurs ont conclu d'eux-mêmes que les prix étaient donc libres. Il y a beaucoup de malhonnêteté là-dedans.» Pour parer à toute éventualité, la STAEM avait rendu public un communiqué indiquant les nouveaux tarifs de ses produits suite aux hausses prévues dans la loi de finances. Le paquet de Marlboro avait été fixé à 230 DA. Celui des LM et Winston à 180 DA. Celui des Camel est fixé à 210 DA et les Gauloises à 200 DA. La STAEM avait indiqué que les nouveaux tarifs concernaient tous les détaillants à travers le territoire national. Les structures de contrôle concernées par cette situation sont restées injoignables durant la journée d'hier.