La méga-coproduction inédite (Tunisie, Algérie, Egypte, Liban) tant attendue à Alger a été projetée jeudi à la salle Ibn Zeydoun. Augustin, le fils de ses larmes écrit par Sameh Sami et réalisé par Samir Seif, tous deux Egyptiens, s'avère être un long documentaire déguisé en fiction ! Hédi (Imad Benchenni), journaliste algérien travaillant pour une chaîne télévisée française, est missionné par son rédacteur en chef pour réaliser un documentaire sur la vie de Saint Augustin, né en 354 à Thagaste (actuelle Souk Ahras) et mort à Hippone (Annaba) en 430. Nous voici donc projetés dans un aller-retour entre l'époque contemporaine et romaine avec, comme point de départ, le discours de Abdelaziz Bouteflika lors de l'ouverture du colloque international sur la vie et l'œuvre du théologien tenu à Annaba en 2001. La messe semble être dite dès le début du film avec ce très indiscret clin d'œil dont on aura beau chercher l'utilité scénaristique. Mais le pire reste à venir puisque ce qui devait être un long-métrage de fiction s'embourbe rapidement dans un procédé documentaire scolaire : Hédi va réaliser un travail pour la télévision et c'est face à un petit écran que nous nous retrouvons en effet avec un scénario didactique, surchargé en informations et en explications, tantôt fournies par les intervenants interviewés dans le reportage de Hédi ; et souvent déclamées par les personnages fictionnels dans un incessant flot de paroles que seule la musique de Salim Dada vient parfois entrecouper, mais uniquement pour sur-dramatiser certaines séquences sans émotions. La quête existentielle puis spirituelle de Saint Augustin n'est ici nullement incarnée par l'acteur tunisien Ahmed Amine Bensaadi, mais verbalisée, dissertée dans de longues tirades qui accentuent l'absence de toute réappropriation artistique. Pourtant, un personnage aussi fascinant qui bouleversa l'interprétation du christianisme en y insufflant une âme philosophique aurait pu devenir un être de cinéma haut en couleur, avec toute l'épaisseur psychologique et la passion créatrice qui en découlent. Niet ! Augustin est plat, inintéressant, prévisible et bavard ; il n'est que corps mouvant et parlant dans la trame du film, tout comme son maître à penser, l'Evêque Ambroise de Milan, sa mère Sainte Monique à qui la comédienne tunisienne Aïcha Ben Ahmed a néanmoins fourni des efforts considérables pour donner de l'envergure, vainement... Le scénario est donc une succession monotone d'épisodes historiques allant de l'enfance de Saint Augustin sous le joug d'un père dépravé à la reconquête de sa foi en passant par une jeunesse ambitieuse et hédoniste. Le tout faisant écho à la vie de Hédi le journaliste qui trouvera dans la lecture des Confessions et grâce à la réalisation de son reportage toutes les solutions à ses problèmes ! Samir Seif vient alors exécuter une simple mise en espace d'un récit lourdement anti-cinématographique et semble considérer qu'un décor et des costumes réussis suffisent à faire la crédibilité d'un film. Or, le réalisateur égyptien s'est pris au jeu de son personnage documentariste et a très vite basculé dans la reconstitution, technique connue des documentaires où les éléments fictionnels sont des accessoires illustrant le propos didactique. C'est exactement ce qui s'est produit dans Augustin avec, comme palliatif à la légèreté de la démarche, un excès de taux lacrymal, de théâtralité et de pathos.