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Tendances
Le temps des anathèmes
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 10 - 2017


Youcef Merahi
[email protected]
L'écrivain est une drôle de machine qui, le temps d'une macération, prémédite un théâtre d'ombres, appelé tout bonnement roman. Lequel roman est le réceptacle d'un besoin névrotique qui ne s'apaise que lorsque des protagonistes sont mis en mouvement dans une trame où, souvent, la fiction bouffe tout espace à la réalité. Au point où certains s'interrogent sur le rôle de l'écrivain dans la société ; a-t-il les moyens de changer les choses ? Dispose-t-il des leviers pour ce faire ? Tout est question de pouvoir. Et de rapport de force. N'empêche que l'écrivain persiste à écrire des romans, parce qu'il éprouve ce besoin. Sinon, il n'est plus rien. Sinon, il n'existe plus. Sinon, la drôle de machine s'enraye. Puis, bonjour la casse !
Rachid Boudjedra est une figure incontournable de la littérature algérienne de langue française. Il est connu. Et reconnu. Ici et ailleurs. Il n'a plus rien à prouver. Engagé, il l'est assurément. J'ai été heureux d'apprendre que son prochain roman sera dans les librairies, très prochainement. J'ai compris son engagement en publiant Le FIS de la haine. Ils n'étaient pas nombreux nos écrivains qui ont, en ces temps de barbarie, mis leur plume au service de la dénonciation d'une dérive totalitaire. Non, ils n'étaient pas nombreux ! Le regretté Rachid Mimouni s'est engagé, lui aussi, totalement. Tout comme Amin Zaoui avec son essai, La culture du sang. Ce que je comprends moins chez Rachid Boudjedra, c'est cette propension à prendre pour cible un peu tout le monde. Même s'il est admis que l'écrivain est, par nature, égocentrique. Dans un pamphlet, Les contrebandiers de l'histoire (Ed. Frantz Fanon, 2017), il n'épargne pratiquement personne ; mais le plus touché est, sans conteste, Kamel Daoud qui, depuis Meursault, a attiré sur sa personne les foudres de nombre d'Algériens. Je n'arrive pas encore à comprendre les raisons de cette haine. Oui, il s'agit bien de haine. Tout comme Rachid Boudjedra a du talent à revendre (je le pense sincèrement), tout comme Kamel Daoud a lui aussi du talent. Qu'on le laisse donc s'épanouir ! Fauter, s'il faut. Il apprendra très certainement de ses erreurs. Comme tout le monde. Yasmina Khadra est passé par là, également. Boualem Sansal, aussi. Qu'est-ce donc ce temps des anathèmes ? Ces écrivains doivent-ils écrire suivant leurs normes ? Ou les normes du lecteur ? Ou de tel ou tel écrivain ? Djamel Amrani a payé, en son temps, ses dissipations, ses penchants pour le vin et la peine de sa poésie, vécue comme un sacerdoce. Et Jean Sénac (Jean-sans-Terre, de la formule de Nacer-Khodja Hamid) qui n'a pas échappé au cran d'arrêt. Et l'exil de Mohamed Dib, l'écrivain nobélisable, qui a donné à son œuvre la résonance d'une humilité sans faille. En ces temps où la France coloniale a planté son drapeau, dans le sang, au cœur de la patrie, Si Mohand Ou M'hand a levé tous les anathèmes de sa société. Tous ces anathèmes qu'il a vécus dans sa chair. Et dans son âme. Mais voilà que Kamel Daoud, par la grâce d'un anathème inutile, fut «très jeune membre du GIA» (p.86). O la bourde ! Inutile. Méchante. Irréfléchie. Inacceptable. Incongrue. Rachid Boudjedra était-il à ce point aveugle pour lancer une telle accusation. Lui qui, il y a juste quelques semaines, était victime d'une cabale télévisuelle indigne. N'a-t-il pas compris la leçon ? Est-il à ce niveau de naïveté pour proférer une telle flèche empoisonnée ? Rachid Boudjedra a autre chose, de meilleur, pour lui et pour la société, pour ceux qui aiment son écriture, que de passer son temps à mettre les ténors de la littérature algérienne dans le recoin de l'indignité. Au fond de moi, je pense que Rachid Boudjedra se trompe de cible ; il a encore beaucoup de romans à nous donner. Beaucoup de sujets brûlants de notre pays qu'il peut traiter. Et beaucoup de mémoires qu'il est en mesure de rédiger pour l'Histoire. Une histoire à léguer à cette génération en perte de repères. Je vois encore l'image malheureuse de Kateb Yacine se faire évacuer par deux policiers à la Maison de la culture de Tizi, lors d'un récital de Fouad Negm, parce qu'il a osé critiquer à haute voix le régime nassérien. Cette scène me hante encore. Je n'arrive pas à l'oublier. Kateb Yacine évacué comme un malpropre d'un récital poétique ! D'accord pour le déni de soi, mais je ne suis pas d'accord pour le déni de l'autre. C'est de cela qu'il est question. Lors de la parution de La répudiation, Rachid Boudjedra a été stigmatisé ; il le dit lui-même dans son pamphlet. Pourquoi alors ces anathèmes ? Quel est le problème ? Le «parti de la France» existe donc bel et bien ; j'ai toujours pensé que c'était juste un épouvantail agité par un nationalisme de mauvais aloi. Il niche où ce «parti» ? Dans les romans de Yasmina Khadra ? De Boualem Sansal ? De Kamel Daoud ? Ou d'Assia Djebar ? Ceci me renvoie à «la colline du reniement» pour dénier à Mouloud Mammeri de dire son monde. En fait son village. En fait son espace de vie. De culture. D'histoire. Et de projection. J'ai l'impression de réciter «abécédaires en devenir». Curieux comme juxtaposition ! Je l'avoue. Le combat est ailleurs. Il est dans ces mandats présidentiels qui se suivent et se ressemblent dans une gémellité sans nom. Et le cinquième se prépare ! Le combat est dans cette faillite avouée et reconnue par le pouvoir, sans que celui-ci tire les conséquences de l'échec patent. Le combat, oui, est dans la détestation de l'Algérien à l'endroit de son pays, au point où la harga n'est plus une limite : c'est un sauve-qui-peut national, qui ne touche pas seulement les jeunes. Mais aussi les tenants du pouvoir.
Le combat est dans cette école qui déforme les esprits de nos enfants dans un craquement générationnel lugubre. Le combat est dans ce courant religieux qui «wahhabise» notre société dans un élan suicidaire. Le combat est dans ces rêves qui s'ébauchent et meurent de leur belle mort dans un désespoir immémorial. Que cesse donc le temps des anathèmes ! Et qu'on laisse nos écrivains écrire, puisque c'est leur destin, leur volonté, leur chemin, leur névrose et leur indépendance. Ils méritent leur liberté !


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