Par Saliha Djeffal Sassi, moudjahida, son épouse Mercredi 15 novembre 2017 : Au petit matin, à l'orée d'un nouveau jour, sans bruit, sans préavis, Hocine s'en est allé, avec sérénité et dignité comme il aura vécu toute sa vie. Vendredi 17 novembre 2017 : Au cimetière d'El Alia, un amoncellement de terre humide, une branche de palmier... la dernière demeure de cet «immense personnage», comme qualifié par son ami journaliste Abed Charef. Mon regard encore incrédule s'évade : Mahmoud Guennez, El Hachemi Hadjerès, Abderrezak Bouhara, Zina Harraigue, Djamila Bouazza, tes frères et sœurs de combat, ceux-là et tant d'autres encore, partagent désormais avec toi ce lopin de terre de cette Algérie que vous avez tous tant aimée. Combien de paroles, combien de mots pour dire Hocine Sassi, pour écrire Hocine Sassi ? Ai-je le droit de taire ta première grande souffrance, cette plaie béante jamais refermée, lorsque l'enfant de quatorze ans que tu étais alors comprit à son retour de classe qu'il était désormais orphelin d'une mère, qui, le matin même, l'embrassait tendrement ? N'est-ce pas un devoir pour moi de rappeler aux habitants de Feliache, ton village natal, ta gratitude éternelle pour tous ceux parmi eux, qui, en dépit de leurs maigres moyens, cotisèrent pour aider ton père, Si Boubaker, à constituer ton trousseau et régler tes frais d'inscription au prestigieux institut Ibn Badis de Constantine ? Dois-je passer sous silence ces longues soirées où tu te remémorais avec émotion tes premiers pas de jeune maquisard auprès du valeureux et regretté Si El Haouès, les marches harassantes, les rudes batailles aux côtés des djounoud de la Wilaya VI, votre lutte acharnée, non seulement contre l'armée ennemie, mais aussi contre les félons de Bellounis ? Sans omettre ton compagnonnage, ta complicité fraternelle avec le regretté Si Mohamed Chabani, auprès duquel le destin te permettra de rester jusqu'aux dernières heures de sa si courte vie. L'indépendance arrachée au prix d'immenses sacrifices, continuer à dire Hocine Sassi, c'est relater la fougue et l'enthousiasme du plus jeune député de la Constituante, représentant du vaste département des Oasis. C'est faire revivre sa fierté de siéger en tant que membre titulaire du premier comité central du FLN de l'Algérie nouvelle. C'est enfin revisiter l'engagement sans réserve de l'intrépide capitaine de l'Armée de libération nationale pour l'édification de son pays. Hélas, Hocine, pour avoir choisi de vivre sans concessions, pour avoir voulu rester fidèle au serment de Novembre, tu as été, comme nombreux de tes frères, arrêté, torturé, emprisonné dans les sordides sous-sols de la prison militaire d'Oran. Ces cachots obscurs dont tu garderas dans ta chair les séquelles indélébiles et une claustrophobie tenace qui sera la compagne de toute ton existence. Ces sombres cachots d'où tu vivras, dans la douleur, le départ sans retour de ton alter ego, Si Mohamed Chabani, exécuté le jour anniversaire de ses trente ans, dans une forêt anonyme, «Le lieu du supplice» du plus jeune colonel de l'ALN. Ecrire Hocine Sassi, c'est rappeler sa lutte constante pour l'accomplissement des promesses de Novembre, le respect des libertés, la préservation de la mémoire. N'est-ce pas par amour pour ta langue, ta culture, tes racines, que tu choisis de préparer une licence d'histoire ? N'est-ce pas pour immortaliser à jamais la grandeur de Novembre, qu'en ta qualité de secrétaire national des moudjahidine, tu sillonnas tout le pays, dans ses moindres recoins, pour recueillir documents et photos jaunis, tenues militaires délavées et vieilles reliques, témoins encore vivants à verser au mémorial de Novembre ? Dire et écrire Hocine Sassi, c'est aussi ne pas oublier le militant engagé, le responsable respecté, le verbe haut et la réplique acérée du démocrate jaloux de ses choix et respectueux de ceux des autres. Homme de principes et de convictions, voilà comment tu as toujours été regardé par le militant de base comme par tes pairs du comité central et du bureau politique du FLN d'une certaine époque. Et aux côtés de ton aîné et ami le regretté Si Abdelhamid Mehri, avec lequel tu as partagé tant de choses et affronté tant de vents contraires, tu as toujours œuvré pour la grandeur et la pérennité de ton parti, TON FLN, dont tu suivais avec inquiétude tous les soubresauts. Enfin, n'ayant plus de réponses à tes nombreux pourquoi, tu choisis toi-même l'heure de ta retraite politique, une retraite longuement mûrie, définitivement assumée, mais néanmoins durement vécue. Hocine, parti trop tôt..., parti trop vite..., tu es et resteras toujours vivant dans nos cœurs. Repose en paix, «à Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons». S. D. N.B. : Au terme de cette évocation, si longue et si courte en même temps, mes sincères remerciements vont à tous ceux et celles qui, par leur présence ou leurs écrits, ont contribué à perpétuer ton souvenir.