COUP DE C�UR pour Samia Chala ! La r�alisatrice et auteur du film documentaire Lamine la fuite. La France, terre d�exil, de r�ves enfouis dans les terrasses des caf�s parisiens, au c�ur des cit�s cin�, construits sur les vieux r�ves des ouvriers immigrants. Les jeunes g�n�rations, elles, ont aussi r�v� de cet Eldorado plant� sur les rives de la Seine. Un Eldorado qui s�est vite transform� en cauchemar par ailleurs. Le premier �tant plus convoit� que le paradis est de forcer le barrage frontalier en obtenant un visa. Le second est de pouvoir aujourd�hui encore s�ins�rer dans la soci�t� fran�aise. Une soci�t� en proie � une mis�re sociale, aux discriminations raciales, aux formes d�exclusions les plus radicales� Comment peut-on encore s�imaginer, quand l�on se sent d�j� exclu de son pays d�origine, trouver des rep�res dans un autre. Samia Chala a tendu sa cam�ra vers un jeune Alg�rien aux espoirs fendus, � l�avenir incertain. Elle a racont� Lamine, surnomm� par ses potes �la fuite�, elle a p�n�tr� son intimit�, d�couvert son mal-�tre. Samia Chala a r�ussi � mettre � nu et � plat l�intimit� d�un Alg�rien. Femme engag�e, elle s�est confi�e � notre journal sans d�tours et sans artifices. Qui est Samia Chala ? Je suis une jeune r�alisatrice alg�rienne. Je suis tomb�e dans le film documentaire � mon arriv�e en France en 1994. Cela �t� une v�ritable r�v�lation. J�ai v�cu � Alger o� j�ai fait des �tudes d�ing�nieur polytechnique. J�ai travaill� pendant six ans � l�ENCG puis � l�EDIL, ensuite avec le drame qu�a v�cu Alger et pour des raisons personnelles je suis parti en France. Comment tout a commenc� ? En 1994, � mon arriv�e en France, et comme la majorit� des Alg�riens qui d�barquent et qui gal�rent, j�ai fait des petits boulots � droite et � gauche. Gr�ce � une amie, j�ai obtenu le poste de standardiste dans une bo�te de production tr�s connue. Et tr�s vite, � cause des �v�nements qui avaient lieu en Alg�rie, des projets ont �t� faits autour. Moi, j�avais ma vision sur la situation et c�est comme �a que j�ai �t� prise comme assistante de production. Premier coup de chance, premi�re �uvre� Oui, ma premi�re �uvre s�est intitul�e Salon de coiffures. Je l�ai tourn�e il y a cinq ans et ce n�est que l�ann�e derni�re qu�elle a �t� diffus�e sur ARTE. Avant �a j�ai beaucoup collabor� avec des r�alisateurs de renom et surtout de talent comme Patrice Barrat. J�ai aussi beaucoup travaill� avec la NBC, NHKA, puis, en 1999, j�ai produit R�volte au c�ur de la Kabylie qui a aussi �t� projet� par ARTE. Avez-vous d�j� produit pour la t�l�vision alg�rienne ? Non, il faut se lever de bonne heure. Mon travail ne les int�resse pas du tout. C�est scandaleux. Par exemple, lorsque le d�bat de la colonisation s�est pos� en France, j�ai eu tellement envie de raconter la colonisation du c�t� alg�rien, c�est tr�s dur de faire passer des projets comme �a en France. Donc j�ai contact� un ami producteur � Alger pour m�aider. Peine perdue� Pour revenir � Lamine la fuite, comment s�est fait le choix du personnage principal ? J�ai tout de suite craqu� pour lui. C�est l�Alg�rien normal, j�en avais marre de voir ici (en France), l�homme alg�rien stigmatis�. J�ai voulu montrer les souffrances des jeunes Alg�riens qui ressemblent � Lamine. Des choses fortes, montrer la r�alit� au naturel. Je sais que �a ne passera jamais � la t�l�vision qui est trop m�diocre. Il n�y a plus de limites � la b�tise, il faut qu�ils deviennent intelligents, on ne va pas les d�loger. La vitalit� d�une soci�t� est que les gens se l�chent, cr�ent, bougent� Je n�ose m�me plus proposer qui que ce soit tellement �a me para�t surr�aliste. Y a t-il une suite � Lamine la fuite? Oui, mais pour le moment, ce n�est pas encore mont� parce que c�est un film sans moyens. Malgr� toutes les contraintes, j�ai voulu aller jusqu�au bout de cette histoire. J�ai compl�tement craqu� pour Lamine. J�avais envie de changer de regard jusqu�ici pr�sent sur la question du visa, sur les gens qui veulent partir aujourd�hui encore. Et particuli�rement en France, il y a eu un regard mis�rabiliste et souvent il a m�me �t� expliqu� par des sp�cialistes de l�immigration. Moi, j�avais envie de donner la parole � des gens simples de l�autre c�t� et les suivre dans leur quotidien, dans des discussions de caf� Quelle est votre opinion sur le nouveau cin�ma alg�rien ? J�aime beaucoup, notamment les �uvres de Nadir Mokhnachi. Il a film� Alger d�une fa�on extraordinaire. Il a apport� un grand coup de renouveau dans la vision du producteur alg�rien. Mis � part, les quelques clich�s dans Viva Laldj�rie comme les chouaffettes et l�usage de la langue fran�aise, j�ai eu du mal � croire que les enfants de la concierge � Alger parlent en fran�ais. �a peut plaire aux Fran�ais mais moi �a m�a un peu interloqu�. Cela dit, dans ce film, il y a une sc�ne qui sera, j�en suis s�re demain dans l�anthropologie du cin�ma. Il s�agit de Beyouna qui boit un whisky dans un cabaret � A�n Benian. A un moment, elle s�est mise � danser d�une fa�on extraordinaire. Voil�, c�est le regard de Nadir Mokhnachi sur Alger que j�ai reconnu que j�ai senti. D�autres projets en perspectives ? Je viens de finir un documentaire avec Sid Ahmed Semiane. Il s�agit d�une �uvre construite sur Bled Musique � louzine. C�est l�histoire de jeunes musiciens alg�riens exil�s dans les ann�es 1990. Comme l�ONB, Akli D , Samira Brahmia, Cheikh Sidi Bemol ou encore Gaada Diwan Bechar. On a essay� de raconter le rapport � l�immigration, au pays, par la musique et par l�histoire de ces artistes, tr�s touchante et tr�s belle. Un dernier message pour les Alg�riens comme Lamine ? Chedda fi Rebbi ! Propos recueillis par Sam H. Synopsis Pendant quinze ans, Lamine Bouasla, �Lamine-la-fuite�, comme le surnomment ses copains d�Alger, n�a r�v� que de �� : d�crocher un visa pour la France. Fuir l�Alg�rie pour aller voir �l�Eldorado�. Un r�ve d�Occident, partag� par des millions de candidats � l�exil, pr�ts � quitter familles et amis pour aller voir de l�autre c�t� du miroir. Nous avons rencontr�, par hasard, et suivi pendant des semaines l�errance de ce titi alg�rois qui est aussi un extraordinaire personnage fellinien de comedia del arte. Dr�le, truculent, sensible. Un �corch� de la vie qui, � la mani�re alg�rienne, transforme la peine et le d�sespoir quotidien en une com�die humaine d�sopilante. Lamine-la-fuite, c�est l�Alg�rie. C�est le Sud, plein d�espoir et d�illusions qui, le nez coll� � la vitrine de l�Occident, demande un ticket pour entrer dans ce monde fantasm� qui entre tous les jours dans les foyers d�Alg�rie gr�ce � la parabole.