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Contribution
Lettre � la nation alg�rienne (1re partie)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 18 - 11 - 2007


Par Ahc�ne Bouaouiche*
Les raisons de cette lettre
Pour qui l'�criture n'est pas une forme d'expression professionnelle, �crire est en soi un acte audacieux : �crire � la nation culmine au geste p�rilleux. T�moin concern� d'un d�litement global des valeurs fondamentales de la nation alg�rienne, j'ai ressenti un besoin irr�pressible d'exprimer mon inqui�tude.
Somme toute, l'effondrement sensible des valeurs, qui, nagu�re, soclaient et distinguaient la nation alg�rienne, s'il venait � perdurer et � empirer n'augurerait s�rement rien de bien s�curisant, quant au devenir civilisationnel de la nation. Dans un pays �cartel�, o� d'un c�t� r�gnent la ruse politique et le cynisme arrogant des gouvernants, et o�, d'un autre c�t�, pr�valent la lassitude, l'indiff�rence et la mal-vie, je doute qu'une �criture marginale puisse avoir quelque chance d'�tre �cout�e. En effet, ceux qui d�tiennent le pouvoir d'infl�chir concr�tement le cours de l'histoire de la nation n'ont g�n�ralement aucune disponibilit� d'�coute positive ; ceux qui gagneraient � d�ployer une qualit� d'�coute ne d�tiennent aucune influence r�elle sur le cours de leur propre histoire. Par del� mon scepticisme � �tre entendu, la lassitude des uns et la surdit� des autres, j�estime que t�moigner est un acte de conscience et d'urgence. Fukuyama, sociologue et penseur am�ricain, a pr�venu de la fin d'une certaine histoire. Je crains, pour ma part, que les Alg�riens, en tant que nation et Etat constitu�s, s'ils persistent dans cette perspective de d�ni des valeurs cardinales, ne soient d�j� en rupture entam�e d'avec l'histoire universelle. Face aux nombreuses vicissitudes sociohistoriques qui menacent la nation alg�rienne, j'ai pris l'initiative de t�moigner en toute sinc�rit� et d'exprimer en toute libert� une r�flexion personnelle. Je l'ai fait en toute v�rit�, car dans le cas de figure o� nous sommes, l�autocomplaisance et le d�faut de discernement seraient la pire des postures intellectuelles � adopter. Certes, j'ai inscrit ma d�monstration dans une vision prospective singuli�re. Elle peut para�tre, j'en conviens, aussi paradoxale que discutable, voire franchement pessimiste. En tout �tat de cause, j'accepte d'�tre dans l'erreur, si, bien entendu, cela devait suffire � exorciser le mauvais sort qui d�fie la nation alg�rienne.
Note pr�liminaire
On ne peut pas appr�hender et rendre compte significativement de la d�litescence d'une nation, sans, au pr�alable, lui restituer ses valeurs construites tout au long de son histoire. Revisiter, en une r�trospective, m�me furtive, les moments significatifs de l'histoire d'une nation, peut parfois suffire � recueillir quelques signes convaincants d'une grandeur pass�e. C�est, ce � quoi je me suis appliqu� dans la premi�re partie de cette lettre, vouloir retenir des r�alit�s actuelles de cette m�me nation, quelques autres signes pr�curseurs de son d�clin futur, n'est pas s�rement aussi �vident. En effet, les donn�es � consid�rer sont nombreuses, denses et toujours mouvantes ; aussi, il n�est pas ais� de les saisir et de les discriminer, pour en souligner la tendance forte. Ainsi, dans la seconde partie de cette lettre consacr�e � un bref �tat des lieux socio�conomiques et politiques, vais-je m'en tenir � l'essentiel ; c�est-�-dire d�montrer, quelques �l�ments probants � l'appui, la r�alit� de la mauvaise gouvernance, ses incidences nuisibles sur l'existence actuelle de la nation et ses r�percussions n�gatives sur son avenir proche et lointain.
L'histoire ancienne occult�e
L'Alg�rie occupe une position centrale dans cette r�gion de haute historicit� et de confluence interactive des grandes civilisations africaines et m�diterran�ennes. Les Berb�res, ces premiers anc�tres des Alg�riens, vivaient en cette contr�e depuis l�origine des temps historiques. En ces temps situ�s entre le deuxi�me et sixi�me mill�naire avant notre �re, le Sud alg�rien, encore humide et verdoyant, fut un haut lieu d'�mergence de l'une des plus anciennes civilisations du monde. Les gravures et les graphies rupestres du Tassili du Hoggar, ce fabuleux et gigantesque site arch�ologique, t�moignent, avec conviction, de la splendeur et du rayonnement de cette civilisation innovante pour son �poque. Dans sa partie septentrionale, l'Alg�rie a de tout temps �t� une aire f�conde et foisonnante de rencontres et d'expressions civilisationnelles et culturelles et un espace privil�gi� d'�changes commerciaux. Les historiens enseignent que partout � travers le monde, l'histoire des hommes a commenc� sur les berges b�nies des grands fleuve ; que les hommes se constituent en peuples et en nations et qu'il leur arrive de se d�construire pour se reconstruire selon les fluctuations des heurs et des malheurs de leur propre histoire. Les Berb�res n'ont pas eu la chance d'un fleuve, lieu de rassemblement et source d'unification et de prosp�rit�, ils ont d�, en permanence, �voluer dans un pays aux reliefs chahut�s, � la morphologie g�ographique tourment�e et � la topographie fragment�e. Dans ces conditions peu favorables � la coh�sion sociale, il leur a fallu, d�velopper une extraordinaire volont� pour parvenir, d�j� au IIIe si�cle avant notre �re, � se former en un peuple unifi�, organis� en royaumes de renom. Justin, historien romain IIe si�cle avant J�sus-Christ, dans (son Histoire universelle, rapporte que des textes r�glementant le pouvoir politique berb�re existaient d�j� au Ve si�cle : un royaume d'inspiration d�mocratique, un roi d�sign� par consensus par un corps de notables et assist� dans l'exercice de ses fonctions d'un conseil ex�cutif et d'une assembl�e consultative �lue. Malheureusement, de ces royaumes et de cette forme de gouvernance � tonalit� quasi moderne, nous n'en avons qu'une connaissance imparfaite. L'histoire r�gent�e et la m�moire s�lective ne savent reconna�tre et ne savent retenir que les r�cits l�gendaires des peuples auxquels revenait un imp�ratif vital, d'engendrer des dictatures et de fa�onner des empires. Les peuples pacifiques qui ont apport� � l'humanit� les valeurs de culture et de morale, sans l'usage du sabre et de l��p�e, sont g�n�ralement et arbitrairement exclus du sacre de l'histoire universelle.
Les valeurs originelles oubli�es
Ceux qui affirment que le peuple alg�rien n'a pas la maturit� politique souhaitable pour la pratique de la d�mocratie et ne poss�de pas la culture des rapports de solidarit� sociale d�montrent leur ignorance de l'histoire de l'Alg�rie. Aristote, c�l�bre philosophe grec (384-322 av J-C) dans ses �uvres consacr�es � la politique, consid�rait que �l'organisation sociale et politique des Berb�res est la meilleure Constitution pour �viter les exc�s de pouvoir, les dictatures et les r�voltes populaires �. E. Guernier, dans son ouvrage intitul� L'apport de l'Afrique � la pens�e universelle �crivait : �Il est impossible de ne pas reconna�tre chez les Berb�res un sens politique avis�, une notion exacte de la pens�e d�mocratique et un penchant vers le social, qui constituent des assises int�ressantes d'une soci�t� moderne.� Il est, � mon avis, peu probable que des valeurs si anciennes et si profond�ment enracin�es dans les mentalit�s et dans les traditions d'un peuple puissent facilement et d�finitivement s'estomper sans, d'une certaine fa�on, continuer � op�rer au niveau du subconscient collectif de ce peuple. Ce n'est certainement pas par un pur hasard que les Alg�riens, plus que d'autres, tiennent l'exemplarit� morale pour une exigence dominante dans la d�finition et l'exercice d'une bonne gouvernance. Ceux qui connaissent l'histoire et les traditions des peuples berb�res savent que pour ces peuples, la d�mocratie et la justice sociale proc�dent tout aussi bien de la morale spontan�e que de la culture v�cue. L'�chec de la gabegie politique, dite "socialisme sp�cifique � l'alg�rienne" des deux premi�res d�cennies de l'ind�pendance, au demeurant initi�e et administr�e par les ennemis d�clar�s de toute forme de justice sociale, n'a pas r�ussi � d�finitivement compromettre l'esp�rance d'une Alg�rie juste ; comme le multipartisme grotesque frauduleusement introduit, dans les ann�es 1990, par les pires opposants � la d�mocratie, ne parviendra pas, non plus, � vraiment vilipender l'esp�rance d'une Alg�rie d�mocratique. A ceux qui doutent de la pertinence de ces remarques, il faut rappeler que l'histoire contemporaine de l'Alg�rie ind�pendante vient juste � peine de commencer.
Les valeurs berb�ro-islamiques contrari�es
La foi en l'humanit�, les arts, l'histoire et les sciences t�moignent qu'il n'est point de peuple d�pourvu de g�nie propre et, qu'il est, ce faisant, d�m�ritoire de juger la valeur d'une civilisation ou d'une culture � l'aune des seuls t�moignages mentionn�s dans les annales historiques consacr�s par les conventions acad�miques ou encens�s par les th�ses officielles. Mon avis est que toute civilisation connue porte en elle, en filigrane, des marques d'autres civilisations plus anciennes demeur�es parfois inconnues. Il ne saurait y avoir de richesse culturelle en soi et pour soi. Toute culture n'est r�ellement riche que par sa disponibilit� et sa capacit� � dialoguer avec les autres, � les f�conder et � en �tre f�cond�e. C�est dans leurs rapports interactifs permanents que les cultures s'enrichissent mutuellement de leurs diff�rences, s'�panouissent et acc�dent � l'universalit� : lieu de coalescence des plus hautes valeurs humaines. Une culture, qui, par malheur, se clo�tre, est une culture qui s'�teint inexorablement. J'imagine qu�elle fut prodigieusement symbiotique, la rencontre fusionnelle d'un islam exhortant � l'entraide communautaire et � la concertation entre les hommes et les valeurs traditionnelles berb�res de justice sociale et de d�mocratie. Par, d�j�, la fascination extraordinaire op�r�e sur des mentalit�s berb�res d'une grande frugalit�, par la foi, le credo et le culte religieux islamiques d'une r�elle sobri�t�, cette rencontre fabuleuse d'une �thique sociale c�leste r�v�l�e et d'un ensemble de normes morales de cr�ation humaine a d� grandement influer sur l'expansion de l'islam � travers les territoires berb�res. Quand on conna�t l'attachement l�gendaire des Berb�res � la libert� et leur hostilit� � l'endroit de tout envahisseur, on s'�tonne et on comprend, � juste titre, que l��thique islamique et la morale sociale berb�re ne pouvaient pas, � elles seules, suffire � expliquer l'adh�sion g�n�ralis�e des Berb�res � l'islam. Bien s�r, et l'histoire le relate, cela ne se fit pas sans heurts et sans violence, le temps de se conna�tre et de se reconna�tre ne fut pas absolument pacifique. A l'av�nement de l'islam, l'Alg�rie �tait � forte dominance chr�tienne. Les autorit�s romaines et le catholicisme, d�cr�t� religion de l'Empire, avaient scell� une sainte alliance pour combattre le christianisme � sensibilit� berb�re. L'ostracisme religieux qui s'en est suivi, la terreur f�roce et les exactions cruelles pratiqu�es par la soldatesque romaine et leurs affid�s indig�nes furent s�rement pour beaucoup dans le ph�nom�ne d'islamisation des populations berb�res. En �voquant cette p�riode de notre histoire ancienne, me viennent en m�moire les c�l�bres luttes populaires men�es par les donatistes, les adeptes de Saint Donat (cet irr�ductible partisan d'une �glise berb�re hostile � Rome, � la barbarie de son empire et � l'intol�rance de son Eglise). Me vient aussi � l'esprit la posture absolument absurde de beaucoup de mes contemporains, laquelle consiste � renier leurs anc�tres, souvent braves et dignes de respect, pour le seul motif qu'ils n'adoraient pas un Dieu, qui ne s'�tait pas encore r�v�l� � eux. En v�rit�, il ne saurait y avoir, pour toutes les g�n�rations qui nous ont pr�c�d�s, ni p�ch� commis, ni honte � �prouver, d'avoir en leur temps pratiqu� le juda�sme avant la venue du christianisme et d'avoir �t� chr�tiens avant l'av�nement de l�islam. Les proph�tes eux-m�mes n'avaient aucune connaissance de leur propre religion, avant que celle-ci ne leur f�t r�v�l�e. Dieu, Ma�tre Absolu de la chronologie des v�rit�s r�v�l�es, est Seul Juge du sort de toutes les g�n�rations d'hommes, celles du pass�, celles du pr�sent et celles des temps � venir.
La mosqu�e : culte, morale et sagesse
Toutes les religions, qu'elles soient spiritualistes, d'inspiration philosophique (religions asiatiques) ou monoth�istes, religions c�lestes r�v�l�es (juda�sme, christianisme, islam) poss�dent leurs lieux sacr�s, vou�s essentiellement au culte (temple, synagogue, �glise, mosqu�e.) A l'av�nement de l'islam et longtemps apr�s, � la mosqu�e on y enseignait les dogmes, l'ex�g�se, la th�ologie, la jurisprudence et l'�thique islamiques. La mosqu�e �tait aussi le centre de vie de la communaut� musulmane : lieu privil�gi� de d�lib�ration de toutes les questions relatives � la gestion de la cit� ; espace convenable o� s'�tablissaient, entre les gens, les normes de convivialit� et de bon voisinage. Il faut dire, qu'en ces temps, l'ordre social �l�mentaire et le culte religieux naissant ne l'exigeant pas encore, les hommes ne ressentaient pas le besoin imp�ratif de s�parer les lieux sacr�s du culte des lieux des activit�s profanes. C'�tait le temps de la sublimation des valeurs, celui du culte sacr� �mergeant lentement de la culture profane. Ces valeurs �taient encore adjacentes, car le profane n'avait pas le sens de profanation qu�aujourd�hui on lui attribue souvent. Les soci�t�s humaines se sont depuis extraordinairement densifi�es et leurs structures organisationnelles se sont consid�rablement complexifi�es, qu'il n'est pas s�rieux de pr�tendre g�rer les cit�s d'aujourd'hui avec la simplicit� des mod�les de gestion d'autrefois.
Les hommes ont eu alors l�intelligence d'�riger des sanctuaires pour la c�l�bration des cultes religieux et de construire des �difices pour la gestion des affaires de la cit�. Il est toujours heureux qu'il en soit ainsi car dans la connivence du religieux et du politique, Il est � craindre que la religion a tout � perdre et rien � gagner, car sa mission essentielle est de spiritualiser et de moraliser le genre humain. Elle n'a pour vocation ni de transcender l'univers des hommes ni de le r�genter par la rigueur des lois ou par la violence des armes. Si je devais, dans un style axiomatique, d�finir l'islam, je dirais qu'il est �une religion, une morale et une sagesse�. En effet, sur les 6 236 versets qui le composent, le Coran consacre pr�s de 400 versets � l'exhortation morale (individuelle et sociale) de signification et de port�e universelles. Ils appellent les hommes � tous les hommes � aux meilleurs sentiments, � la bont�, � la g�n�rosit�, au pardon, � la compassion, � l'empathie, � la propret� et � l'hygi�ne mentale et physique. Ils convient vivement � la solidarit�, � l'entraide mutuelle, au bon voisinage et � la convivialit�. Enfin, ces versets prescrivent imp�rativement une honn�tet� rigoureuse dans la pratique commerciale. C'est certainement parce que ce corpus de versets normatifs est le moins enseign� ou le moins observ�, que les Alg�riens, si pieux et si pratiquants, par ailleurs, tendent de plus en plus � s'accoutumer � un contexte humain si moralement d�grad� et d�plaisant et � s'acclimater � un environnement physique si malpropre et si pollu� et polluant. Dans une Alg�rie mal gouvern�e, pour ne pas dire pas gouvern�e du tout, la mosqu�e, seule autorit� �cout�e et influente, aurait d�, en mati�re d'�ducation civique, d'apaisement social et d'assainissement de l'environnement, suppl�er puissamment � la d�faillance flagrante des gouvernants. Malheureusement, pour des raisons, que m�me la raison religieuse ne saurait jamais comprendre, cela n'a pas �t� et n'est toujours pas le cas.
Despotisme colonial et lib�ration nationale
Il appartient aux historiens de nous dire pourquoi et comment, � plusieurs reprises de son histoire, le peuple alg�rien s'est trouv� tragiquement projet� dans les turpitudes du ph�nom�ne colonial. Quelle autre perspective d'�volution historique aurait-il prise, s'il n'avait pas, tant de fois, subi la domination coloniale, est une question qui rel�ve d'une �criture utopique de l'histoire. Outre les questions relatives � la nature et au r�le du colonialisme, je retiens que celui-ci, par les effets pervers qui tiennent � son caract�re violent et pr�dateur, concourt toujours, malgr� lui, � la r��mergence de la conscience nationale des peuples qu'il opprime. L'�go�sme exacerb�, l'obstination f�roce et le bureaucratisme avilissant avec lesquels les colonialistes et leurs supp�ts indig�nes s'acharnaient � vouloir nier le fait national alg�rien, avaient rendu vaine et d�risoire toute autre forme de lutte de lib�ration que le recours � l'action arm�e. Le peuple alg�rien ne s'est affranchi du colonialisme que gr�ce � son esprit �lev� d'abn�gation, de fraternit� agissante, de confiance mutuelle, de solidarit� puissante et de courage admirable. Je doute, quant � moi, que cet h�ro�sme lib�rateur collectif e�t �t� possible, si les dirigeants et les �lites de la nation n'avaient pas donn� l'exemple du sacrifice, de la moralit�, de la bonne conduite et de la foi en la cause, que tous d�fendaient dans une union remarquable. Fid�le � ces valeurs, le peuple alg�rien a r�ussi � restaurer, dans une forme moderne, une souverainet� ch�rement conquise. Pourra-t-il ou saura-t-il la sauvegarder et la conforter ? A consid�rer le d�senchantement de l'�t� 1962 et ses cons�quences, rien n'est moins s�r.
Le d�senchantement d'un certain �t� 1962
L'esp�rance prodigu�e par la proclamation du 1er Novembre 1954 n'a eu d'�gale mesure que l'extraordinaire explosion de liesse populaire d'un certain juillet 1962. Si l'esp�rance de Novembre 1954 avait positivement anim� la lutte arm�e de lib�ration, il faut convenir, h�las, que la liesse de Juillet 1962 avait produit une immense d�ception et un d�senchantement, dont on a peu mesur� les incidences sur le cours des �v�nements critiques qui ont marqu� les premi�res d�cennies de l'ind�pendance du pays et qui, de nos jours encore, perp�tuent le d�sarroi. Le peuple alg�rien s'appr�tait � r�aliser ses r�ves de fraternit�, de justice et de d�mocratie, forg�s dans une profonde et formidable communion collective. Malheureusement, les conflits fratricides d'une brutalit� inattendue engag�s par les armes de guerre, pour la prise du pouvoir politique, avant m�me la proclamation officielle de l'ind�pendance nationale, eurent pour contrecoups n�fastes d'an�antir d�finitivement tous les plus beaux r�ves et toutes les grandes esp�rances con�us et cultiv�s tout au long de la lutte de Lib�ration nationale. La guerre civile, qui aurait pu s'av�rer tr�s meurtri�re, n'a �t� �vit�e que gr�ce au rejet d�termin� de la violence, manifest� par le peuple, et � la sagesse de certaines personnalit�s politiques proches de la vision r�fl�chie du Gouvernement provisoire de la r�publique alg�rienne (GPRA) pour lesquelles le culte et les int�r�ts de la nation avaient prim� la vanit� et l'ambition des personnes. En v�rit�, le peuple alg�rien doit �norm�ment � ces hommes �clair�s, qui, sit�t sortis de la clandestinit� impos�e � eux par le despotisme colonial se sont retrouv�s confin�s dans une marginalisation impos�e par le caporalisme local. Il est regrettable de constater que l'histoire �crite par des scribes tendancieux rende toujours hommage � ceux qui ont le moins de m�rite, qu'� ceux qui en ont le plus.
Du d�senchantement � la d�sh�rence nationale
Dans cinq ans � peine, l'Alg�rie aura achev� un demi-si�cle d'ind�pendance et de souverainet� nationales r�tablies. Les Alg�riens, dans leur grande majorit�, auront v�cu, ce demi-si�cle, dans le d�senchantement engendr�, au lendemain de l'ind�pendance, par les intrigues et les man�uvres r�pr�hensibles de ceux parmi les chefs qui se sont empar�s du pouvoir politique par l'usage de la violence arm�e. Ce coup de force a, incontestablement, donn� un coup de gr�ce � la ferveur populaire, � l'esprit r�volutionnaire, aux valeurs nationales et entam� durablement et profond�ment le sentiment de confiance que le peuple nourrissait � l'endroit de ses dirigeants. Plus grave encore, ce coup de force a d�plorablement imprim� dans les faits et durablement ancr� dans les mentalit�s l'adage le plus n�gatif et le plus nocif qui soit, qui veut que �la force prime le droit�. Le pouvoir militaropolitique issu directement de ce coup de force porte en lui toutes les tares ind�l�biles de son immoralit� originelle, de son impopularit� et de son incapacit� � discerner le bien du mal. En effet, les personnes qui composent cette coterie s�vissent, depuis 1962, avec les m�mes artifices, les m�mes m�urs, la m�me arrogance et le m�me m�pris envers le peuple. Il est vrai que dans leur infatuation d�mesur�e et leur inintelligence des relations humaines, ils ne peuvent jamais comprendre que m�priser un peuple, que par ailleurs, on se flatte de gouverner, revient � se m�priser soi-m�me. Pour ces gouvernants, surgis subrepticement du chapeau d�un magicien, le peuple doit se diviser en deux cat�gories : celle des r�fractaires � leur pouvoir, dont la place impartie est le mouroir ou le cimeti�re, celle des serviles, dont les lieux de pr�dilection sont, tout � la fois, l'animalerie, le r�telier et le cirque. A l��vidence, un pouvoir politique issu d'un coup de force militaire, soutenu par une malversation historique, motiv� par une ambition infinie et une fascination morbide pour le lucre et les richesses, ne pouvait pas �tre promoteur de r�els bienfaits pour la nation qu'il asservit. En un peu moins d'un demi-si�cle de r�gne arbitraire, il a donn� la pleine mesure de sa nature, il s'est vou� lui-m�me � une perversion abjecte, � un cynisme cruel et � une d�ch�ance avilissante ; malheureusement dans sa chute, il a conduit la nation alg�rienne � la d�sh�rence et � la morosit�. �voquer les errements et les m�faits inflig�s au peuple alg�rien par un pouvoir oligarchique, renvoie n�cessairement � l'imp�ritie des hommes, qui ont successivement incarn� ce pouvoir et � l'impunit� totale dont jouissent, jusqu'� nos jours, ceux qui ont notoirement ruin� l'Alg�rie. En effet, sit�t auto-promus au rang de gouvernants, des hommes d'une inculture, d'une immoralit� et d'une rapacit� � nulle autre pareille au monde, se sont prestement arrog�s des droits outranciers d'appropriation des biens mat�riels et immat�riels du pays et de la nation. Ainsi, en moins d'un demi-si�cle, d'une incurie in�dite et de saccages �hont�s, ces hommes ont compl�tement ab�m� l'Alg�rie : ils ont d�grad� la terre, jusqu'� en faire une grande laideur physique ; ils ont d�t�rior� l'environnement, devenu un d�sastre �cologique ; ils ont dangereusement provoqu� la d�composition des liens traditionnels de solidarit� et d'harmonie sociales, jusqu'� r�duire la soci�t� � ne plus �tre qu'une insolite foultitude d'individus en d�sh�rence et en proie � un processus d'ensauvagement inqui�tant. Pr�s de cinq d�cennies �coul�es, ces oligarques s'obstinent par stupidit� � ignorer l'extraordinaire �volution de la pens�e et de la pratique politique en �uvre dans le monde. Captifs d'une bulle de fatuit� et d'une voracit� digestive, devenus s�niles pr�matur�ment, ils n'ont pas vu le temps passer et leurs �pigones, d�g�n�r�s par filiation et par culture, n'ont pas vu le temps venir. Quel genre de sacril�ge a-ton jet� au peuple alg�rien, lui qui a d�montr� une longue histoire de r�sistance, pour qu'aujourd'hui, il exhibe au monde, qui l'observe et s'�tonne, une image confuse d'un peuple soumis aux lubies d'une coterie de malfaisants ? Il est vrai, et l'histoire g�n�rale des peuples nous l'indique, la morale, dont la vocation est d'inspirer la conscience des hommes, ne gouverne les nations qu'� de tr�s rares p�riodes critiques de leur histoire. Pour cette raison, les nations enclines � la sagesse et les pouvoirs politiques avis�s tol�rent la morale civile, en tant que valeur s�re d'un contre-pouvoir en r�serve de l'histoire. Le pouvoir alg�rien, dont l'immoralit� et la d�raison constituent l'essence, ne tol�re que les �oppositions�, qu'il improvise lui-m�me et qu'il fa�onne � sa propre image. Si, dans les temps proches, les capacit�s d'endurance du peuple s'av�raient aussi illimit�es que les capacit�s de nuisance de ses gouvernants, alors, je crains, pour la nation alg�rienne, le pire des destins.
Les valeurs patriotiques alt�r�es
- Comment se peut-il, qu'en moins d'un demi si�cle, sommes-nous parvenus � perdre, � ce point, la m�moire et le sens des valeurs de fraternit�, de patriotisme et de solidarit� ?
- Ces valeurs n'avaient-elles pas donn� au peuple alg�rien la puissance de vaincre l'adversit� et la force de se perp�tuer dignement � travers une longue histoire constamment �prouv�e ?
- O� avons- nous trouv� les raisons d�moniaques d'entreprendre cette �uvre syst�matique de d�pr�dation des valeurs essentielles de civisme et de citoyennet� ?
- Pourquoi et comment l'�lite alg�rienne a-t-elle si promptement et si ais�ment vers� dans la culture du renoncement � sa mission, de la d�n�gation, de l'ambigu�t�, de la confusion, de la d�rision, de la complaisance, de l�inconstance, voire m�me de la compromission ?
- Pourquoi de tous les gouvernants des pays du monde connu, les gouvernants alg�riens sont-ils les plus cyniques, les plus arrogants et les moins soucieux du sort de leur peuple ?
- Pourquoi l'Alg�rie, un pays si peu pr�destin�, de par ses valeurs traditionnelles, � subir les ph�nom�nes g�n�ralis�s de la corruption, est-elle devenue, en moins de cinq d�cennies, le pays o� se pratiquent le plus et � tous les niveaux de la pyramide sociale, la concussion, la pr�varication � grande amplitude, l'arnaque commerciale la plus r�pugnante et le mercantilisme le plus vil ?
- Pourquoi les Alg�riens � gouvernants et gouvern�s � les premiers par d�magogie, les seconds par fausse pudeur, et tous par l�chet�, feignent-ils d'ignorer que l'Alg�rie est devenue, peu � peu, l'un des pays au monde le plus insalubre et le moins fr�quentable ? Autant de questionnements lancinants auxquels il va falloir, un jour, que les Alg�riens s�int�ressent s�rieusement ; peut �tre, imagineront-ils, ce faisant, les solutions convenables, aptes � �radiquer les causes de tous ces malheurs qui affectent la nation alg�rienne.
En guise d'�pilogue de cette premi�re partie
Ce qui est advenu aux Alg�riens, est tout � fait singulier et consternant: en moins d'un demi-si�cle, ils ont s�rieusement d�construit le sanctuaire des valeurs, que des g�n�rations d'anciens ont consacr� des mill�naires � construire. L�h�catombe r�ussie tient de l'hallucination : des valeurs fondamentales perverties, des symboles mutil�s, une vacuit� morale effarante, un martyrologe profan�, l'h�ro�sme national d�cri�, les horizons historiques obstru�s. Le plus d�solant en cela r�side dans le fait �trange que tous les Alg�riens, les uns par lassitude, d'autres par fatalisme et certains par convenances �go�stes, semblent s'accommoder peu ou prou de cette d�plorable annihilation des valeurs. D�aucuns, poussant l'absurdit� d'un raisonnement d�sabus�, vont jusqu'� trouver � ce chaos une causalit� obscure due � l'irr�ductibilit� de l��gocentrisme inh�rent � la nature de l�homme. Se placer � ce niveau d'observation et d'analyse revient � pr�coniser la n�gation totale de l�humanit� et de la morale sociale. Autant donc l�gitimer la loi de la horde sauvage ! Quoi qu'il en soit, ce premier demi-si�cle finissant caract�ris� par une permissivit� g�n�ralis�e, pr�figure un avenir peu am�ne pour le peuple alg�rien.
A. B.
(A suivre)


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