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Entretien avec Ren� Gallissot :
�Henri Curiel �tait � un haut degr� de contradiction�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 04 - 2010

Le Soir d'Alg�rie : Vous dressez un portrait du personnage � travers ses paradoxes : juif �gyptien �tranger, apatride en exil, gaulliste et communiste. Pouvez-vous pr�ciser ces �l�ments de l'identit� d'Henri Curiel ?
Ren� Gallissot : Juif �gyptien �tranger est une cat�gorie propre � la classification de ceux qui sont � la fois consid�r�s comme Egyptiens tout en appartenant � une minorit� anciennement sous protection �trang�re. Le r�gime dit des Capitulations qui pla�aient les minorit�s sous la protection d�un Etat chr�tien d�un temps qui ne connaissait que des Etats religieux, est aboli en Egypte en 1936, et Henri Curiel a opt� pour �tre reconnu �Egyptien� alors que la famille �tait sous protection du Royaume d�Italie et plusieurs de ses membres (dont son fr�re Raoul alors en France) ont choisi d��tre Fran�ais. La cat�gorie est ainsi un condens� d�histoire et marque une discrimination dans la hi�rarchie de d�consid�ration qui situe en dessous des Egyptiens v�ritables. Ces Egyptiens juifs sont enterr�s au �cimeti�re des Etrangers� et Henri Curiel, plusieurs fois arr�t�, sera intern� � �la prison des Etrangers�. Ceci sous-entend qu��tre Egyptien, c�est �tre musulman ; ce qui s�appliquera en aboutissant � l�exode des Juifs d�Egypte et de la plupart des autres minoritaires, sauf les Coptes, chr�tiens d�Egypte, dont le nom veut pr�cis�ment dire �gyptiens � partir du grec �guptai� ; ils n�ont pas d�autre patrie mais demeurent des Egyptiens de seconde zone quand les Egyptiens ne se nomment pas ainsi, mais en arabe : Misri (et l�Egypte Misr). Egypte et �gyptiens sont des appellations �tablies sur les atlas et accept�es internationalement par suite de la domination des puissances coloniales, � commencer par celle de la puissance britannique. Avec le nom de Copte, l�appellation de Gitan renvoie aussi � la d�signation d�Egyptien, sur la rive nord de la M�diterran�e, de ces �Roumi� ou Roms byzantins, magiciens et interm�diaires en tous genres ; les �Egyptiennes� sont porteuses de ce charme magique. Je fais un rappel d�histoire longue. L�histoire courte est l�histoire contemporaine qui, depuis �-peu-pr�s deux si�cles, est faite de nations et de passion nationale, et l�id�ologie nationale remonte le temps en inventant des peuples h�r�ditaires, corps des Etats-nations, et on dit race fran�aise et race �gyptienne. Par r�ponse extr�mement vive � la cr�ation expansionniste d�Isra�l faisant dispara�tre la Palestine en 1948 et sous l�effet des mont�es r�p�t�es au front, des arm�es arabes, le nationalisme dominant en Egypte s�est affirm� arabo-musulman, minorant encore plus les Coptes, et poussant au d�part des Juifs et des minorit�s �europ�ennes�. Henri Curiel gagne Paris en 1951, apatride en exil ayant deux patries de c�ur, l�Egypte et la France. Le groupe Curiel est d�abord celui des camarades juifs d�Egypte de cet exode d�exclusion nationale, �tablis � Rome (de l� le nom de groupe de Rome comme pour cacher que les directives viennent de Paris et d�Henri Curiel), � Turin, Milan, Gen�ve et ponctuellement d�autres villes de pr�sence juive s�pharade. De l�, dans le livre, cette premi�re attention aux Juifs d�Egypte et au d�montage des l�gendes qui fabriquent les identit�s nationales. Ce que fait Shlomo Sand p our le l�gendaire biblique et la g�n�alogie consacr�e des Juifs sionistes ; l�auteur de L�invention du peuple juif, est un ancien �tudiant de Vincennes. Communiste gaulliste et r�ciproquement, n�est qu�un paradoxe que pour ceux qui ne connaissent que le gaullisme m�tropolitain int�gr� � la vision politique int�rieure provinciale fran�aise. Un gaulliste d�Outre-mer, c�est autre chose. Le fond de d�part, c�est le Front populaire antifasciste (� noter que l�Internationale communiste dit Front national ; en 1941 encore) ; par antifascisme, il s�agit de former des fronts nationaux d�mocratiques, et c�est aupr�s de cette Ligue ou Union d�mocratique qu�Henri Curiel devient communiste, restant partisan d�une Internationale communiste qui n�existe plus et id�alisant l�URSS. C�est � partir de ce mouvement qu�il cr�e et anime son propre groupe : mouvement d�mocratique de lib�ration nationale, avec l�objectif d�en faire par fusion d�autres groupuscules, le parti communiste �gyptien dont il serait autant dire le secr�taire g�n�ral, la t�te dans tous les sens du nom. Ce que la r�pression et l�exil rendront impossible ; Henri Curiel, selon la formule de Maxime Rodinson, est rest� le Secr�taire g�n�ral d�un parti communiste incr��. Il a soutenu la fondation du parti communiste soudanais ; le leader syndical Abd-el-Khaled Mahjoub, �tudiant en Egypte, a �t� form� au groupe Curiel. A la demande de Moscou qui souhaitait voir des communistes �gyptiens musulmans arabes, la section coloniale du PCF (avec Elie Mignot) cr�era in vitro un parti d�clar� Parti communiste �gyptien, clandestin et r�prim� apr�s avoir d�nonc� Nasser, nouvel Hitler, puis prolong� par des orthodoxes � tout crin et par des �marxistes nass�riens�. Aussi pour le PCF dont il n�a jamais �t� membre, Henri Curiel est un �communiste �gyptien douteux�. Par contre, communiste gaulliste, Curiel le demeure ; depuis 1941, il participe aux Amiti�s fran�aises, anim�es au Caire par Georges Gorse ; la librairie Curiel est le lieu de rencontre et de propagande de l�alliance antifasciste. Dans le mouvement d�ind�pendance nationale, aucune contradiction ; Henri Curiel restera attach� aux gaullistes de gauche, � l�entourage de De Gaulle, un peu comme un compagnon de la France libre (il ne peut l��tre car il n�a pas combattu, � la diff�rence des Verg�s par exemple), un homme de r�sistance nationale, intouchable. De l�, ses contacts � l�Elys�e, la longue tol�rance de ses activit�s par la DST, et l�illusion d�un lien, autre que de discours national reconverti, entre gaullisme et Tiers-Monde.
Les activistes du r�seau Curiel sont rarement sous les projecteurs. Vous leur consacrez un chapitre. Pouvez-vous les �voquer rapidement ici ?
L�attention port�e aux �porteurs de valises� a surtout �clair�, l�engagement des �jeunes voltigeurs� mis en vedette par le proc�s du r�seau Jeanson, et peu condamn�s au demeurant car ce sont des enfants de bonne famille (voyez la part du Lyc�e Jeanson�de- Sailly, 16e arrdt) ; ce sont des lyc�ens et des �tudiants engag�s, quelques-uns jusqu�� l�insoumission, en 1959 et 1960. L��clairage m�diatique s�est braqu� sur les femmes, ces �tigresses�, certes proches de Francis Jeanson et aussi d�Henri Curiel. J�ai voulu montrer le travail clandestin de fond de ceux qui ont aid� l�ind�pendance alg�rienne sur un cours plus long. Les biographies retenues le sont comme pages d�histoire. Apparaissent les proches du groupe des Juifs communistes exil�s d�Egypte : Didar Fawzy, Joyce Blau, Joseph Hazan qui, lui, sera membre du PCF ayant le contact avec Jacques Duclos, et qui est le soutien financier et �l�employeur� ; il paiera encore de sa personne pour la tenue des rencontres palestinoisra�liennes comme Raymond Stambouli qui pr�te sa maison. Le p�re Robert Davezies est le t�moin de la Mission de France et du devenir des pr�tres ouvriers, insoumis � la papaut�. Les fr�res De Wangen, et plus encore Jehan, le baron, c�est Solvay comme dit la DST qui le m�nage et le tient. Itin�raires de droite traditionaliste catholique passant � gauche et � l�avantgardisme intellectuel et social. Le jeune Jehan De Wangen soutient le th��tre de Babylone de Jean-Marie Serreau o� se rejoignent les acteurs autour de Jacques Charby qui a publi� les t�moignages, et les �lyonnais� du th��tre de Villeurbanne, et les intellectuels de Marseille en dissidence communiste� �JO�, Georges Mattei, copain de jeunesse de G�rard Chaliand, conduit tous les engagements jusqu�� la revue Partisans (Maspero) et � Che Guevara, t�moin de la �g�n�ration alg�rienne� quittant le Parti communiste pour l�extr�me gauche. S�ajoutent ensuite ceux qui sont communistes mais prennent fait et cause pour les r�volutions d�Afrique et d�Asie puis la Tricontinentale : Martin Verlet et Jean Tabet qui assure le lien entre Henri Curiel et Mehdi Ben Barka. Ce concours d�insertions dans le temps des luttes de lib�ration nationale anticoloniales et le champ intellectuel des Temps modernes � Mai 68, et au-del�, participe de l�essai d�une biographie qui se veut historique, si possible, et s��carte donc du journalisme d�hebdomadaires ou de t�l�vision. C�est aussi rappeler que la revue Espritet les personnalistes chr�tiens du Seuil (ou de la minorit� UNEF) n�occupent pas tout l�horizon, d�autant qu�ils ne sentent pas le soufre puisqu�ils entretiennent la distance (religieuse ou de classe ?) se d�fendant de suivre le communisme. L�ann�e 1956 marque aussi le d�but de la fin du communisme ou �marxisme sovi�tique� (formule d�Herbert Marcuse).
Dans la phase alg�rienne de l'itin�raire de Curiel, vous �voquez les visions conflictuelles de l'Alg�rie l'opposant � Francis Jeanson. En quoi y a-t-il d�saccord entre eux ?
En parlant du Seuil o� il travaille, nous arrivons � Francis Jeanson qui n�est pas un personnaliste catho, sinon d��ducation familiale, et a des contacts principalement f�minins, avec les protestants et catholiques de gauche (vers Andr� Philip et Robert Barrat) qui sont, pour quelques-uns, au d�but du r�seau en octobre 1957. Homme � tout faire des Temps modernes, il est le porte-parole de Jean-Paul Sartre (notamment l�ex�cuteur de la descente philosophique d�Albert Camus) ; de Sartre, il privil�gie le th��tre, et de l�existentialisme, retient la libre conduite personnelle en marginalit� sociale, le bon plaisir plut�t que l�acte gratuit. Devenu anticolonialiste, il entend reprendre la r�volution promise par le Front national de la r�sistance ; le Front de lib�ration nationale, c�est donc le FLN. Litt�raire vers� � la prose philosophique, il n�est en rien un politique, pour ne rien dire de ses complaisances mondaines. Je n�ai jamais rien lu d�aussi politiquement inconsistant malgr� les statistiques reproduites, que son livre publi� au d�but de 1963, la R�volution alg�rienne, cette r�volution devenue Femme ouvrant la r�volution mondiale. L�accord politique n�est donc pas possible avec Henri Curiel, mais l�association factuelle. A d�faut de l�action communiste de masse, Henri Curiel m�ne dans le concret et en veillant scrupuleusement au travail clandestin, une pratique d�aide � la guerre alg�rienne d�ind�pendance. Pour lui, c�est une part, sans distinguer comme le PCF : le �tout� (Moscou) et �la partie� (la guerre d�Alg�rie), du combat national des pays domin�s. De l�, l�affrontement (en salle) au minicongr�s de fondation du Mouvement anticolonialiste fran�ais, organisation voulue par Henri Curiel pour tisonner les partis de gauche et le parti communiste. Curiel se pense un strat�ge politique qui s�emploie en m�me temps � la �pratique concr�te� de l�aide aux luttes et mouvements nationaux de lib�ration, mu par sa grande illusion volontaire de communisme international mais ayant une absence d�illusions sur la validit� en soi de chaque mouvement, alg�rien compris par-del� les liens mat�riels reconduits. L�animosit� est rentr�e et donc intense, cependant moins vive et continue que le ressentiment de l��chec des groupes communistes en Egypte, pour Henri Curiel.
Toujours � propos de l'Alg�rie, vous qualifiez la d�marche pieds rouges de �d�marche id�aliste � c�t� de la soci�t� alg�rienne plus qu'aux c�t�s�. Qu'est-ce au fait qu'un pied rouge? Curiel en �tait-il un ?
Le livre de Catherine Simon, apr�s des efforts de pr�caution, superpose finalement sur une dizaine d�ann�es, ceux qui, pour moi, sont �pieds rouges� de l��t� 1962 au printemps de 1964 au plus, et les coop�rants qui soignent et enseignent en fonction de leur engagement de soutien des mouvements de lib�ration. Certains certes, principalement chr�tiens, manifestent des sentiments fusionnels avec la vision de leurs semblables intellectuels alg�riens pris de passion nationale d�veloppementaliste. L�analyse est � faire mais pas par culpabilit� r�troactive � d�noncer ce que �l�Alg�rie est devenue aujourd�hui�, en fait la banale perp�tuation de ceux qui sont rest�s ma�tres de l�Etat redistributeur. Ainsi � l�ind�pendance, j�ai vu principalement en �bullition et en effort de noyautage, deux groupes (de l�ordre chacun des premi�res dizaines au plus) d�activistes professionnels r�volutionnaires, voulant conduire ou impulser la r�volution socialiste en Alg�rie : les �Pablistes� autour de Pablo, venant d�une branche de la IVe Internationale, et les partisans de Boudiaf (PRS) issus principalement du groupe de la Voie communiste en rupture du PCF et quittant l�Alg�rie apr�s M. Boudiaf. Certains ont contribu� � la reprise des services et de la production apr�s l�exode dit des �pieds-noirs�, et aux exp�rimentations socialistes d�autogestion. Il y a un miracle apr�s l�ind�pendance, plus que le chaos des combats de chefs et de wilayas, celui d�avoir fait remarcher l��conomie et r�pondu rapidement aux besoins de base de la soci�t�. Par obnubilation, les conteurs d�histoires ne voient que le combat de chef. Ce qui s�est pass� � Alger est tout � fait autre chose ; l�Universit� d�Alger apr�s l�ind�pendance est devenue un foyer mondialement unique d�effervescence intellectuelle ; �taient pr�sents les jeunes repr�sentants et dirigeants des mouvements de lib�ration d�Afrique (des colonies espagnoles et portugaises), de l�ANC d�Afrique du Sud et de mouvements am�ricains, latino-am�ricains et afro-am�ricains. De l� ce moment de ferveur et d�exercice intellectuel et politique ; les enseignants �taient de jeunes marxistes, le plus souvent critiques ; l�arme �tait l�analyse de discours. Tous mes �tudiants �taient plus �g�s que moi, et les s�minaires et cours prolongeaient les d�bats dans de longues soir�es et nuits fumeuses � d�construire l�europ�ocentrisme et analyser les soci�t�s domin�es frapp�es d�interdit d��mancipation civile et bloqu�es dans le sous-d�veloppement ; le mot-clef �tait celui de mode de production. C�est � cette universit� � la fois vivante et parall�le, critique comme on dira en Mai 1968 et � Vincennes, que Mehdi Ben Barka voulait donner le nom d�Universit� tricontinentale.
Vous abordez le chapitre consacr� � la Palestine par deux interrogations : �Curiel communiste internationaliste? Curiel sioniste ?� Que r�pondez-vous � ces questions ?
Les points d�interrogations sont �videmment intentionnels. Mais par pour me d�filer, ce que font ceux qui parlent du livre en faisant l�impasse sur la question palestinienne. D�abord deux remarques sur les limites d�Henri Curiel. Comme le notait ironiquement Maxime Rodinson, le marxisme de Curiel est celui de l�Ecole du parti ; brochures sovi�tiques et textes reproduits avec Travail salari�, salaire et capital, extrait portatif de Marx par Engels, ce qui n�est d�j� pas si mal, et les partitions p�dagogiques des �principes du communisme� qui ont l�efficacit� de la p�dagogie stalinienne. Le communisme de Curiel est internationaliste en commen�ant au moment de l�antifascisme du Front populaire, mais ignore tout de l�Internationale communiste. Il marche � l��toile comme si cette Internationale existait toujours. Ainsi, il ignore qu�il y a eu un communisme palestinien port� essentiellement par des intellectuels juifs marxistes, en rupture de sionisme et de juda�sme, qui sont pass�s ensuite dans la Ligue anti-fa (antifasciste), et de plus jeunes ont abouti au Mouvement nationaliste arabe. Aussi, je rappelle ce long d�bat politique et intellectuel qui rejette le sionisme, m�me sur place, dispute d�un Etat palestinien d�mocratique, et esquisse une solution binationale � l�int�rieur de l�Etat d�mocratique palestinien unique. Je rappelle aussi les vicissitudes du communisme et du syndicalisme en Egypte du fait des engagements minoritaires suivant le projet de l�Internationale communiste (1930) d�une f�d�ration arabe des partis communistes pr�parant une F�d�ration des Etats arabes. La disparition de la Palestine en 1948, fait qu�� la suite de l�URSS, les communistes et Henri Curiel parmi les premiers, s�attachent � la solution du partage de la Palestine (novembre 1947). On en est encore l� ; au reste, � quelques rectifications de fronti�res pr�s et une formule sur les droits des r�fugi�s, c�est ce qui est port� sur papier � la derni�re rencontre � Taba. Les gouvernements isra�liens jouent contre cette solution, et celui des Etats-Unis ne fait que suivre cette fuite en arri�re � courte vue, sinon suicidaire, pour ne pas mettre en p�ril l��chafaudage du pacte militaire du �Grand Moyen-Orient�. Je dis cela parce qu�Henri Curiel, communiste des temps antifascistes, s�est arr�t� � cette id�e de partage, cherchant donc � mettre en rapport des interlocuteurs des deux bords. Tr�s bien pour la n�cessit� d�un Etat palestinien. La r�union des �pourparlers de Paris� en 1976 avec P. Mend�s-France, tient de l�exploit ; mais les participants sont des pacifistes sans mandat ; certes Issam Sartaoui a l�aval d�Arafat, mais tout personnel, et il sera mis en minorit� � l�OLP ; les Isra�liens sont des pacifistes d�clar�s, � le g�n�ral Peled peut rencontrer son compagnon d�armes, le g�n�ral Rabin �, mais ce sont des opposants, partisans de l�existence de deux Etats, d�un Etat palestinien selon les lignes de 1947 r�vis�es, pour assurer la perp�tuit� de l�Etat juif ; aucun ne cache son id�al sioniste de l��tablissement sacr� de l�Etat juif.
Vous dites que l'Etat juif est impens� et posez la question que Curiel lui-m�me n'a pas pos�e : Qu'est-ce que l'Etat juif ?
Dans la pens�e d�Henri Curiel, comme dans le v�u de l�ONU apr�s la Seconde Guerre mondiale, l�Etat d�Isra�l doit donner un �tablissement au peuple juif selon la charte des Etats-nations : un peuple, un Etat, un territoire, voire une langue. Le peuple juif r�pond de l�Etat d�Isra�l, conform�ment au sionisme ; rappelons que la majorit� des juifs, soit religieux, soit d�assignation � l�identification juive, vivent en dehors d�Isra�l. La part majeure est bien d���tre juif en diaspora�, selon l�intitul� du livre de Richard Marienstras reprenant la formulation du mouvement internationaliste qu��tait le Bund et ensuite la branche mondiale du Mouvement ouvrier juif. Les sionistes ne sont longtemps que la part mineure des migrations des juifs d�Europe. Le fait passe aux oubliettes par ignorance ou volontairement. Il demeure l�id�e du Peuple-Etat juif comme si le sionisme �tait l�unique destin ; c�est l�gitimer l�Etat national par la communaut� qui reste de r�f�rence religieuse m�me en disant culture. Le communautarisme religieux est contradictoire avec la conception d�mocratique et la libert� de pens�e et l��galit� citoyenne des droits. Comme pour la plupart des intellectuels et politiques appartenant � la g�n�ration antifasciste et Henri Curiel � un haut degr�, la contradiction de cette conception d�un Etat juif n�appara�t plus : le peuple juif est de m�me, un impens� ? Certes aujourd�hui le questionnement reprend notamment dans le livre de Shlomo Sand, qui d�construit la fiction nationale g�n�alogique d�un peuple unique ; mais dans son dernier chapitre, il �carte comme utopique, l�id�e binationale, et se trouve en flottement entre r�f�rentiel d�un Etat juif et citoyennet� isra�lienne d�mocratique. Les humains font l�Histoire � reculons, du moins en devant rompre avec l�id�ologie dominante, celle aujourd�hui du nationalisme d�Etat.
Peut-on d�m�ler les fils de l'affaire Curiel aujourd'hui ? Qui l'a tu� ? Qui est � l'origine de l'assassinat ?
Je n�ai pas voulu que le livre soit �cras� par l�Affaire ; je fais donc la mise au point en 5e partie, en situant le crime dans la lourde suite des assassinats politiques sous la pr�sidence de Val�ry Giscard d�Estaing. Les proches de Curiel qui surfont la place de son action tiers-mondiste, cherchent du c�t� des services �trangers : CIA, Mossad, Afrique du Sud. L�organisation d�aide aux luttes nationales : Solidarit� accomplissait un travail modeste ou ponctuel, et des Services ne passent g�n�ralement � l�acte que si les actions sont fortement mena�antes pour le r�gime qu�ils servent, sinon ils laissent faire les Services du pays qui abrite les militants. Certes l�Afrique du Sud de l�apartheid r�primait l�ANC par tous les moyens et ne supportait gu�re les r�v�lations sur l�assistance nucl�aire fran�aise coupl�e du reste avec l�assistance � Isra�l ; les liens entre le Boss et le Mossad sont av�r�s, en particulier pour la surveillance des militants actifs. Le Boss �liminera (� Paris) Dulcie September qui est responsable de l�ANC � Londres ; le Mossad ex�cute des responsables palestiniens (inscrits sur la liste Golda bien qu�ils n�aient rien � voir avec les attentats de Munich ou de Vienne). La CIA pr�pare et r�alise les coups d�Etat, g�n�ralement militaires, en Am�rique latine, et en Afrique en complicit� avec les services de l�Elys�e et les r�seaux Foccard en r�serve ; mais la CIA laisse les Services nationaux op�rer sur leur territoire, ce qu�on appelle les �actions homo�, pour dire liquider un homme. La cible Curiel est vis�e dans la longue guerre postcoloniale reprise sous Giscard ; c�est la guerre d�Alg�rie qui continue, ou plut�t les d�fenseurs de l�Alg�rie fran�aise reprennent du service, en association notamment avec le grand r�seau d�extr�me droite Ordre nouveau (Aginter depuis Lisbonne et Madrid, qui monte les attentats par bombes, et d�l�gue les ex�cutions aux commandos sur place, anciens de l�OAS et branche Action du SDECE). Le nom de Curiel est prononc� � Madrid dans une des r�unions entre Services fran�ais et marocains mettant au point la r�alisation de la Marche verte pour Hassan II. A la t�te du SDECE, Alexandre de Marenches se croit investi de la mission d�abattre le KGB ; il est l�op�rateur pour l�Elys�e, de la guerre des Services entre Services fran�ais et Services alg�riens (via l�Amicale des Alg�riens en Europe). Cette guerre secr�te est doublement triangulaire : aux c�t�s du Palais d�Hassan II, les Etats-Unis par la CIA (� sa t�te, l�ami de De Marenches, W. Colby), qui a une base au Maroc, le SDECE donc, et en sus, l�Espagne franquiste encore coloniale, contre le triangle qui serait command� par l�URSS s�appuyant sur l�Alg�rie et ses Services qui sont aux mains de militaires, et Khadafi prenant le relais de Nasser dans l�alliance du panarabisme et du panislamisme aidant les R�volutions du Tiers- Monde. Ces anti-communistes forcen�s, li�s aux r�seaux traditionalistes catholiques, reproduisent la vieille parano�a des �tats-majors et diplomates fran�ais et du journalisme de service, hant�s par la collusion du bolchevisme et de l�arabisme. Leur mot de reconnaissance est de d�signer chaque fois, la main de l�Arm�e Rouge alors que l�arm�e sovi�tique n�est plus Rouge depuis longtemps (cf. Main Rouge en r�plique, Arm�e rouge japonaise, Arm�e rouge arabe). Les articles du Point de Georges Suffert reprennent ces hallucinations du SDECE derri�re De Marenches. La DST ne suit gu�re car elle fait roue libre apr�s avoir tol�r� les activit�s d�Henri Curiel sous bienveillance de De Gaulle � Pompidou, et ayant son regard � l�int�rieur de l�organisation Solidarit�, aussi se prononce-t-elle contre l�assignation � r�sidence � Digne alors que l�assassinat se trame ; le retour de Curiel � Paris pr�cipite le passage � l�acte par les r�servistes de la Branche Action sous couvert de �commando Delta� ; les ex�cutions, avant Curiel, de Fran�ois Duprat, cofondateur du parti de Le Pen, et par la suite, de Pierre Goldman, puisent dans le groupe dissident d�Occident, dit Groupe Jeunesse solidariste qui en outre a �t� embauch� dans la campagne �lectorale de Giscard d�Estaing et poursuit ses op�rations, notamment au Liban avec les Phalanges et par les attentats contre l�Amicale des Alg�riens apr�s les bombes contre les ambassades d�Alg�rie � Rome, Bonn et Londres. Alexandre de Marenches r�pond au juge qu�il ne se rendra pas � sa convocation puisqu�il n�a rien � voir avec cela, homme du secret, du secret d�Etat pr�sidentiel. La juge Laurence Vichniewsky, aujourd�hui verdissante, qui est habile � r�diger les rapports de non-lieu, conclut en date du 8 juillet 1992, � un incontournable non-lieu (derni�re ligne) ; elle avait pris soin d�s les premi�res phrases d�avertir que �l�hypoth�se d�un crime politique est pos�e�. Fermer le ban, Secretd�fense.
Vous �tes historien sp�cialis� dans le mouvement communiste international et dans la question nationale analys�e d'un point de vue marxiste. Ce sont deux domaines travers�s par la violence r�volutionnaire. En r�f�rence � Curiel et � Fanon o� en est la violence r�volutionnaire aujourd'hui ?
Pour faire bref, Frantz Fanon ne s�est pas tromp� sur le centre de gravit� de la violence qui se situe dans les masses domin�es et mises hors production et travail, ce prol�tariat informel ou ces masses prol�taires ; cette mis�re sociale est aussi mis�re culturelle et mis�re sexuelle. Il se trompe en pensant cette violence, r�volutionnaire ; ce sens s�acquiert. La violence peut �tre d�tourn�e et capt�e, instrumentalis�e par des courants r�actionnaires. Durablement ?


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