Que lisent-ils ? Les réseaux sociaux incitent-ils les jeunes à lire ? Nous avons fait un petit tour dans les librairies d'Alger pour le savoir. Dans notre société, la lecture qui était à son apogée à une certaine époque est devenue durant de nombreuses années une denrée rare. Elle s'est étiolée au fil du temps, mais commence à retrouver ces derniers temps une certaine embellie. Celle-ci puise ce regain par le biais des réseaux sociaux à la grande performance et de la célébrité de certains écrivains ayant une la large audience. Ainsi, la lecture connaît un engouement avéré avec l'émergence d'auteurs stars qui par leurs écrits idoines, bousculant les tabous trouvent une écoute favorable auprès d'un lectorat féru de vérités. En outre, les librairies de la capitale présentent une diversité appréciable et semblent plus achalandées. Les auteurs et les titres paraissent plus attrayants par rapport à une période donnée. Une virée dans ces librairies permet de tâter le pouls du public. Il est à noter qu' en sus des personnes âgées, les jeunes s'engagent dans le registre de la lecture qu'ils découvrent avec enthousiasme. Que lisent les jeunes? A la librairie du Tiers-Monde qui est bien approvisionnée, Ali Bey Abderrahmane exprime son avis en affirmant que «l'algérien lit plus qu'auparavant et sollicite certains ouvrages et auteurs». Même son de cloche pour les employés des librairies Ibn Khaldoun et des Beaux-Arts qui rappellent que la jeunesse s'est mise à lire, stimulée et boostée par les réseaux sociaux. Ainsi, les libraires rencontrés sont unanimes pour affirmer que certains ouvrages tels que «Ta seconde vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une» de Raphaëlle Giordono ainsi que celui de la turque Elif Chafek «Sophie, mon amour» sont très prisés par les jeunes. Pour eux, ce sont des best-sellers. Le premier fait référence au développement personnel et le second a une belle saga. L'autre auteur qui rafle les suffrages est l'indétrônable Paulo Coelho avec L'alchimiste et tous ses autres titres. Pour tous les libraires, la préférence pour Mark Levy, Guillaume Musso, Stephen King et Amin Maalouf reste évidente . «Ces écrivains sont lus à longueur d'année», disent-ils unanimement. A la librairie «les mots» (kalimat) l'employée estime «qu'avec internet, les auteurs sont plus connus et donc demandés». Pour l'édition algérienne, Yasmina Khadra particulièrement avec son roman «Ce que le jour doit à la nuit», et Kamel Daoud tiennent le haut du pavé. «Mouloud Feraoun aussi semble être apprécié par les jeunes», selon la gérante de la librairie «Ibn Khaldoun». Pour la gestionnaire de la librairie des beaux Arts, celle-ce affirme que Kaouthar Adimi et Amin Zaoui avec leurs derniers titres respectivement «Nos richesses» et «La boite noire de l'Islam» ont conquis les jeunes. Selon les propos de Ali Bey, «les livres de spécialités, le parascolaire,, les ouvrages didactiques, et certains romans cités sont demandés toute l'année par les jeunes» avant de préciser «avec l'ouverture des écoles de gastronomie, il y a une forte demande pour les livres de cuisine professionnelle et pendant la période du ramadhan». Par ailleurs, Il y a eu en début d'année un rush également pour le livre «le monde de Sophie» du suédois Jostein Gaarder . Il évoque l'histoire de la philosophie et du monde. C'est un bel apprentissage des philosophes de la Grèce antique à nos jours à travers la saga d'une fillette de 14 ans. A la librairie Chaïb Dzair (Anep) «les jeunes réclament les ouvrages de spécialités ainsi que les livres concernant la langue anglaise et les romans en cette langue, où l'on enregistre une très forte demande», explique le responsable. «De plus, les romans en arabe avec des auteurs du Moyen-Orient font de belles ventes», dit -il. L'Anglais à la mode Selon la gérante de la librairie des Beaux arts, «beaucoup de jeunes hommes et jeunes filles parlent entre elles en anglais et préfèrent la langue de Shakespeare, aussi, recherchent-elles des ouvrages dans cette langue», avoue-t-elle. C'est une nouveauté dans le paysage éditoriale. Apparemment le français semble boudé par les jeunes ou parce qu'il ne maîtrisent pas la langue de Molière. Indéniablement, cette volonté de lire s'accompagne surtout de lecture dans les réseaux sociaux qui incitent et boostent les jeunes à se documenter. «Tous les livres proposés sur Face-book, instagram tweeter, et weber sont en vogue», selon les dires du collaborateur de Ali Bey. Ainsi, grâce aux réseaux sociaux, la lecture qui n'est pas encore une priorité pour la jeunesse devient nécessaire. La jeunesse s'ouvre au monde par internet et actuellement, découvre que la lecture est un moyen de connaissances important. N'est-elle pas «une porte ouverte sur un monde enchanté» comme disait François Mauriac ? A travers les romans des écrivains algériens et étrangers, la jeunesse voyage et découvre l'histoire, les pays, les cultures et les civilisations, ce qui élargit son champ de vision et d'analyse et permet l'ouverture de son esprit donnant lieu à plus de tolérance. L'histoire et la politique sont des thèmes de prédilection des personnes d'un certain âge. Quelles que soient les librairies de la capitale, toutes comptabilisent des ventes appréciables de livres d'histoire particulièrement de l'Algérie et de politique. Les personnes dépassant les 40 ans aiment se ressourcer dans l'histoire du pays en quête de vérité au regard de la grande Histoire souvent altérée et dévoyée. En matière de livres relatifs à la politique, elles sont souvent à la recherche de révélations et de vérités suite à divers scandales politiques et financiers. Les libraires s'accordent à affirmer que les jeunes ne lisent pas l'histoire de leur pays, cela ne les intéresse pas. «Les classiques comme Malek haddad, Assia Djebbar, Kateb Yacine Boualem Sansal constituent leur panel d'auteurs», estime Ali Bey. Les livres de cuisine moins prisés A la librairie des Beaux Arts, les livres de cuisine sont moins prisés depuis l'émergence de la chaîne de gastronomie Samira. «Mais depuis son arrêt, les livres des éditions ‘La plume' sont réclamés. La marocaine Choumicha et Fatéma Bouayad constituent le gros lot des ventes». Ce genre d'ouvrages est essentiellement sollicité par toutes les tranches d'âge. A l'évidence, il est important de constater que les jeunes ont fait l'effort de lire même si leur lecture n'est pas encore approfondie par leurs options d'écrivains de qualité. «L'essentiel c'est qu'ils lisent, mais leurs lectures doivent être guidées par des choix opportuns», indique la libraire des Beaux Arts. Actuellement, le choix de lecture répond manifestement à un effet de mode, et de lecture branchée de la jeunesse. Par contre, les personnes en âge avancé ont des lectures plus pertinentes qui répondent à des objectifs et des besoins. Aussi, chacun trouve matière à lire pour se documenter, découvrir des horizons nouveaux, se ressourcer, s'informer ou par simple plaisir de lecture. La lecture titille l'esprit critique et d'analyse et élargit le champ d'action. On remarque un net accroissement de lecteurs parmi la population jeune, ce qui permet à l'avenir un espoir. La lecture doit être un besoin vital qui s'inscrit comme priorité pour eux. Ainsi cette citation de Victor Hugo «Lire est le propre de l'Homme» prendra tout son sens.
