Yamani ou Lazhari Mohamed, un nom qui sonne agréablement avec le sport et la gymnastique. Il a été le premier athlète algérien à avoir pris part aux Jeux olympiques. C'était à Tokyo en 1964. Il a été un gymnaste de qualité avec plusieurs titres nationaux, continentaux et internationaux. Mohamed Yamani qui est président de l'Union arabe, est parmi les sportifs algériens les plus estimés. Nos l'avons rencontré et en avons profité pour avoir son avis sur les turbulences auquel est soumis le mouvement sportif national, sur le niveau du sport de performance en Algérie mais aussi sur la nouvelle association de l'Amicale des anciens gymnastes dont il est l'initiateur et premier responsable. Avant de parler de la santé du mouvement sportif national, qu'en est-il de cette nouvelle association appelée l'Amicale des anciens gymnastes ? L'idée a germé d'un collectif. C'est après avoir constaté que des anciens de la discipline étaient marginalisés, que nous avons décidé de la créer. Si on vous demandait le nom du premier président de la FAG, celui du premier champion national après l'Indépendance, du premier représentant algérien aux Jeux olympiques dans la spécialité du trampoline, du premier champion d'Afrique, etc., il vous sera difficile de répondre. Il y a tellement de noms que je ne peux vous énumérer ici. La liste est longue des gens qui ont servi la gymnastique algérienne et qui ont été victimes de l'oubli. Il y a des dizaines, voire des milliers de noms que nous pourrions égrainer sans pouvoir les situer dans l'histoire de la gymnastique algérienne au point où on se demande s'ils ont existé. Par exemple, Berkane Kamel, un homme dévoué à la cause de la gymnastique, qui fut à l'origine de la formation de plus de 120 juges dont 14 internationaux, est décédé dans l'indifférence la plus totale. Ce fut le cas de Malik Seghaier, de Mohamed Oucherif et Abdeslam Zemri. Combien de gymnastes issus de l'émigration ont représenté l'Algérie dans les diverses compétitions continentales et internationales ? Pour toutes ces raisons et il y en a d'autres, nous sommes nombreux à penser qu'il est temps de faire quelque chose pour rapprocher tout ce beau monde autour d'une association.
Quels sont les buts recherchés par cette Amicale ? Le rassemblement de tous ceux et toutes celles qui ont pratiqué ou dirigé la gymnastique depuis l'indépendance à ce jour sans distinction de niveau de pratique. La participation à l'écriture de l'histoire du mouvement sportif national, en général, et de la gymnastique, en particulier, aussi bien avant qu'après l'indépendance du pays. Il faudra rétablir dans les esprits la mémoire objective de la gymnastique et lutter contre la culture de l'oubli dans notre sport. Le 5 Jjuillet 2012, jour du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, aurait pu être une belle opportunité pour réparer cet oubli. On n'a, hélas, rien fait en ce sens. Nous disons alors, plus jamais ça. Voilà pourquoi nous donnons rendez vous à tous les anciens de la gymnastique (pratiquants, dirigeants, juges, entraîneurs, volontaires) le samedi 22 septembre 2012, pour poser les premiers jalons de l'Amicale. Le lieu sera communiqué ultérieurement.
Venons-en au sport en général. Malgré la médaille de Makhloufi au 1500 m, les résultats enregistrés aux Jeux olympiques de Londres n'ont pas été à la hauteur des estimations escomptées. Quelles sont, selon vous, les raisons de cette contre-performance ? Elles sont nombreuses. Il y a lieu d'aller au fond du problème. Il se trouve que le mouvement sportif national est, en la forme, la propriété du ministère de la Jeunesse et des Sports, duquel émanent les grandes orientations. L'échec est la résultante d'un trop plein d'incohérences que tous doivent assumer. A mon avis, il faut une nouvelle stratégie pour que le sport revienne à des normes plus logiques de développement. Comme cela a été en 1977 avec l'intronisation du code de l'EPS ? C'est exact. Cette réforme avait, rappelons-le, donné beaucoup de satisfactions à notre pays sur le plan des résultats sur le terrain. Ce n'étaient pas fortuit. C'était le fruit d'un travail de longue haleine. D'énormes moyens avaient été mis en œuvre. Aujourd'hui, l'argent ne manque pas. Je dirai même que jamais l'Etat n'a donné autant d'argent au mouvement sportif national. Mais celui-ci n'est guère contrôlé comme il se doit. On peut donc affirmer que de nombreuses bévues ont été faites ? Aujourd'hui, c'est comme vouloir comparer une machine à écrire et un ordinateur. La principale bévue c'est le sport scolaire qui a été oublié. C'est aussi valable pour le sport universitaire. On a organisé des assises, ou encore des séminaires, d'une manière périodique dont on n'a jamais vu le résultat sur le terrain. La structure morale qu'est le Comité olympique algérien ne réunit plus ce qu'il était. Quant aux compétences elles sont marginalisées. On les prie même de quitter le pays. Vous faites allusions aux entraineurs qui sont partis vers d'autres cieux ? Oui, essentiellement. Ils sont partis alors qu'ils disposaient de grandes connaissances en matière de sport de haut niveau. La formation de ces cadres a, pourtant, coûté beaucoup d'argent au pays. L'Algérie dispose également de grands champions, comme Morceli ou Boulmerka, qui ne sont pas toujours utilisés... Vous faites bien d'en parler. Ce sont des champions dont le savoir-faire n'a pas été exploité à bon escient. Ils auraient pu servir à beaucoup de choses. C'est dommage. Contrairement aux décennies précédentes, beaucoup d'argent a été injecté dans le sport ces deux dernières années sans pour autant le voir avancer en termes de résultats techniques. Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ? Il n'y a, en effet, aucune comparaison entre le montant des décennies écoulées et celui d'aujourd'hui. Le problème est que les fédérations n'ont pas eu de stratégie adéquate pour mettre en œuvre leurs programmes. Cette énorme manne financière n'a vraiment pas servi à grand-chose. Selon certains acteurs du mouvement sportif national, les ITS et INFS-STS ne fournissent plus de cadres comme avant. Quelles en sont, selon vous, les raisons ? Ils continuent à produire des cadres mais, dans le temps, il fallait être d'abord sportif pour bénéficier de cette formation spéciale. Aujourd'hui, le cursus n'est plus le même. Ils deviennent cadres et entraîneurs après avoir suivi la formation, et parfois sans être sélectionnés en tant qu'athlètes d'abord. Il y a là comme une grosse erreur. Je suis de ceux qui disent que le sport doit, avant tout, revenir à ses acteurs Pour bon nombre de cadres sportifs, l'infrastructure fait cruellement défaut, pour d'autres, il n'y en a jamais eu autant... Jamais il n'y a eu autant d'infrastructures mais ce sont surtout des centres commerciaux pas des centres construits pour la performance sportive. Un nageur ne peut s'entraîner s'il est seul. Il est mis à la porte de la piscine alors que les adhérents qui payent leurs cartes d'accès sont très bien accueillis. Nous sommes à quatre années des prochains Jeux olympiques de Rio. Que faut-il faire pour sauver ce qui peut être sauvé ? Pour sauver la performance, il faut créer une stratégie, un environnement et avoir des infrastructures adéquates. Il faut, également, de bons entraîneurs et des staffs médicaux à la hauteur. Toute orientation doit aller dans le sens de la dynamique. Notre sport doit et peut aller de l'avant si tous les gens œuvraient main dans la main pour son bien-être.