Faisant une pause en raison du Ramadhan, Bachir Derrais reprend le tournage de son film sur le grand martyr de la révolution Larbi Ben M'hidi le 25 juillet prochain avec le coeur serré se sachant en butte à maintes tracasseries qui font retarder le bon déroulement du tournage et ne sait plus à quel saint se vouer pour trouver solution à ses problèmes. Ecoutons-le... L'Expression: Où en êtes-vous avec le tournage du film Ben M'hdi? Bachir Derrais: On est en pause pendant le Ramadhan. On reprend le 25 juillet. Le tournage a commencé il y a environ un mois. On a tourné à Boumerdès et à Palestro. Après le Ramadhan, on attaque la partie du congrès de la Soummam, et on ira ensuite en Tunisie pour montrer à Biskra l'adolescence de Ben M'hidi, la jeunesse, avant qu'il n'arrive à Alger. C'est une saga pas comme on a l'habitude de voir. Avec Abdelkrim Bahloul nous avons réécrit tout le scénario. Nous avons décidé d'en faire une saga familiale, à l'américaine. Ça ne parle pas uniquement de la révolution, des faits d'armes au maquis, mais aussi de l'enfance, l'adolescence, etc. On a consacré beaucoup de temps avec sa famille, ses soeurs, les femmes.. On a beaucoup axé sur l'homme, l'intellectuel qui a fait du théâtre... Question technique, continuez-vous à rencontrer des difficultés notamment logistiques? C'est ce qui nous fait retarder, notamment l'autorisation pour avoir des drones. On n'est pas très aidé. On est soutenu financièrement par l'Etat certes, c'est bien mais sur le plan des démarches, nous souffrons de beaucoup de freins dont les autorisations de la Banque d'Algérie pour payer les factures des acteurs, etc., les étrangers c'est une galère. Vous n'avez pas peur d'aller en Tunisie après ce qui vient de se passer? On fait avec. On a investi beaucoup d'argent là-bas. On a vécu pire ici. C'est vrai qu'on a beaucoup d'étrangers avec nous, mais les Tunisiens sont conscients. Ils savent. Maintenant, la Tunisie c'est comme l'Algérie avant. On a une escorte. Une idée pour la sortie du film? En Algérie j'ai appris une chose. Je ne peux pas donner de date. Ce n'est que des imprévus, beaucoup de problèmes. Ce n'est pas prudent de donner une date en Algérie. Quand on fait un film pareil, ce n'est pas de tout repos. On n'a que des problèmes sauf si tu es un étranger. En Algérie on a ce complexe. Les étrangers sont privilégiés. Cela fais six mois qu'on se bagarre pour faire entrer un drone en Algérie. Eux on leur donne tout. Eux ils font des images avec facilité sur notre pays et nous on n'arrive pas à le faire. Ce n'est pas normal qu'on n'arrive pas à introduire un drone, alors pour «Constantine, capitale de la culture arabe» on voit des images aériennes de l'Algérie, y compris sur les chaînes étrangères. Là je ne sais pas comment faire? Aujourd'hui, on est obligé d'utiliser la machinerie moderne si on veut faire un film avec des moyens modernes. On a 22 ans d'histoire à raconter, beaucoup de décors, on a besoin d'une mise en scène qui soit moderne. Aujourd'hui je constate qu'on est bloqué. On perd du temps, de l'argent. Sur le plan assistance on est abandonné. On n'a pas eu les facilités qu'ont eu d'autres productions comme L'Emir Abdelkader, les films de Rachid Bouchareb. On n'a même pas eu 5% de ce que l'Etat fait pour ses films. Mais, bon, on fait avec. Je connais tout ça quand j'ai produit Alexandre Arcady tout était ouvert, quand j'ai produit Okacha Touita toutes les portes étaient fermées. Là on travaille sur Ben M'hidi et je ne trouve pas très classe. Je tiens à préciser que ce n'est pas une commande. C'est moi qui ait initié le projet il y a 5 ans. L'Etat est entré avec nous en coproduction. Il y a les films de la source, l'Aarc, le ministère des Moujahidine, de la Culture et des sponsors. C'est comme on faisait avant. Personne ne peut réclamer le film... Ils ont refusé qu'il y ait une coproduction française. Le financement est donc à 100% algérien, mais les techniciens sont étrangers. Tous les chefs de postes sont occupés par des étrangers. Malheureusement. Aussi on a été obligé d'aller construire en Tunisie, tous les décors du film où cela se passe dans les années 1930 et 1940 à Biskra et ce, dans un grand studio car nous n'en possédons pas chez nous. C'est une réalité. Pour que les gens le sachent, encore une fois, à la différence de tous les autres films sur la révolution, le mien n'est pas un film de commande. On est associés comme cela se passe dans le monde entier. Le ministre de la Culture Azzedine Mihoubi a annoncé la construction prochaine d'une cité du cinéma en Algérie... Qu'il le fasse alors. J'ai l'impression qu'à chaque fois qu'il y a un nouveau ministre il fait quasiment les mêmes déclarations. On veut ouvrir des salles, on s'étonne tous qu'il n'y ait pas d'école de formation, de salle de cinéma mais 15 ans après on en est encore là... Donc, qu'il dise ce qu'il veut. Khalida Toumi est venue en 2002, a dit la même chose. Ont-ils les moyens pour le faire? Y a-t-il réellement la volonté politique de le faire? Car les autres n'ont rien dit, ils ont fait! Tu prends les Tunisiens, les Marocains les Jordaniens, les Turcs, ils l'ont fait. Il n'y a que nous qui parlons. chaque ministre qui vient semble honnête et veut faire des choses. Entre l'envie et la réalisation il y a tout un monde. Si tu relis mes interviews d'il y a 15, 20 ans tu retrouveras que j'énumère les mêmes problèmes, pas de salles, pas de distributeurs etc. Les problèmes demeurent aujourd'hui. Le secteur du 7e art en Algérie n'a pas évolué depuis la décennie noire. Sauf qu'il y a eu de la production à la chaîne. Produire sans stratégie, tout le monde produit. Cela a créé une superproduction. Sans qualité.