Les jours qui viennent risquent d'être décisifs pour le sort de la Libye tout entière car la menace d'une partition n'aura jamais été aussi pendante et l'échec du processus de dialogue, vivement encouragé par l'Algérie, serait le signal d'un saut dans l'inconnu. Actualité oblige, l'attention est focalisée sur la Syrie qui a fait l'objet d'intenses tractations à la faveur de l'Assemblée générale de l'ONU, dont le moment fort aura été sans conteste la rencontre Poutine-Obama, consacrant le retour en force de la Russie sur la scène moyen-orientale. Pourtant, les feux vont être braqués sur l'autre sujet qui préoccupe fortement la communauté internationale et les pays de la région, à savoir la situation en Libye. L'expiration, fin octobre prochain, du mandat du Parlement de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale, pourrait compliquer davantage un cadre de négociations apparemment fourvoyé dans une impasse très dangereuse, si les parties antagonistes ne parviennent pas à former un gouvernement d'unité nationale, ont averti les observateurs inquiets par l'absence de réactivité des factions. L'éventualité d'un échec de la médiation conduite par le représentant du secrétaire général de l'ONU, Bernardino Leon, hante les esprits depuis la tentative du général Haftar de saper les discussions en lançant des attaques aériennes contre Benghazi, voici quinze jours. Cette manoeuvre a eu pour effet de radicaliser davantage les représentants du gouvernement et du Parlement de Tripoli qui n'ont pas cessé, depuis des mois, de réclamer la «mise hors d'état de nuire» du bouillant chef d'état-major de l'«armée régulière». Même si la fin du mandat du Parlement de Tobrouk n'impacte pas directement les négociations, la décision étant entre les mains des milices et des groupes armés et non pas des parlementaires ou de la société civile, il n'en est pas moins évident qu'à trop multiplier les centres de dialogue, la médiation onusienne a quelque peu fragilisé le dialogue inclusif auquel participent, bon gré mal gré, les factions libyennes les plus importantes. Ainsi, la surenchère à laquelle recourent certaines parties pour tenter de se dérober aux obligations d'un accord sans cesse remis en cause, parfois à leur corps défendant puisqu'elles doivent obtenir l'aval des véritables maîtres qui dirigent les milices et les groupes armés, a constamment miné les discussions en cours. D'ores et déjà, la nécessité d'une médiation exclusive et axée sur la prise en compte du paramètre de l'efficience diplomatique et non du tapage médiatique sans lendemain s'impose. Que le médiateur s'adonne à des rounds disparates pour revenir ensuite, dès que les contraintes ressurgissent, au constat selon lequel les seuls représentants crédibles sont ceux qui détiennent les armes, voilà qui devrait recadrer au plus vite la démarche, à condition que subsiste encore une chance, même minime, de dialogue. L'Algérie qui a eu fort à faire avec la médiation qu'elle a conduite avec succès au Mali s'est fortement investie dans le dialogue inclusif inter-libyen, accueillant à Alger les représentants effectifs des factions présentes sur le terrain et oeuvrant sans cesse à rapprocher puis à concilier les positions, dans l'intérêt majeur du peuple libyen qui paye un lourd tribut à la guerre injuste qui lui a été imposée. Mais ses efforts ont été parasités par la multiplication des centres de discussions, au demeurant sans effet sur les véritables enjeux. Il n'empêche que les jours qui viennent risquent d'être décisifs pour le sort de la Libye tout entière, car la menace d'une partition n'aura jamais été aussi pendante et l'échec du processus de dialogue vivement encouragé par l'Algérie serait le signal d'un saut dans l'inconnu. Plus que jamais, le vrai dialogue doit être axé sur la mise au diapason des factions elles-mêmes, à savoir les milices et les groupes armés qui détiennent les clés de la solution alors que les Parlements et les représentants politiques n'en sont que les échos dispersés, sinon faussés. La Libye à l'intégrité de laquelle l'Algérie est inconditionnellement attachée mérite que ces factions reprennent langue au plus vite, avec un esprit volontariste et constructif, c'est-à-dire ouvert à la concession réciproque pour le bien de tout un pays. A l'heure où l'Algérie commémore la Réconciliation nationale consentie par le peuple algérien afin de tourner la page d'une décennie sanglante, malgré des cicatrices indélébiles, il serait temps, en effet, que les Libyens, de quelque côté qu'ils se positionnent, choisissent la voie de la paix et de la sécurité pour s'engager, tous ensemble, dans la reconstruction de leur unité nationale. A cela, l'Algérie apportera, comme de coutume, toute son aide et tout son soutien car il y va, également, de la sécurité de la région maghrébine et sahélienne, menacée par l'avancée progressive de Daesh, pour l'instant contenu à Derna et Syrte, ainsi que par les incursions sporadiques mais sanglantes d'Al Qaîda.