Contrôler les sorties et les entrées de devises, quand celles-ci circulent librement et s'échangent sous le nez des autorités, ne peut être un gage de crédibilité. La déclaration obligatoire des devises à hauteur de 1000 euros pour les voyageurs résidents ou non-résidents, est entrée officiellement en vigueur depuis hier. Cette somme, doit faire l'objet d'un formulaire dûment visé par un guichet de la Banque d'Algérie, un guichet d'une banque, un intermédiaire agréé ou un bureau de change constatant les opérations de change effectuées durant le séjour en Algérie, et ne peut être valable que pour un seul séjour. Cependant, la même mesure fixe le seuil maximal des devises autorisées à exporter par voyage à 7500 euros. C'est plutôt cette annonce qui a plongé les observateurs que nous avons rencontrés dans une grande interrogation. Ils déduisent que dans ces termes, chaque voyageur peut faire sortir la somme de 7500 euros autant de fois qu'il le souhaite par an, pour peu qu'il possède un compte devise par lequel il fait transiter cet argent et le porte sur une attestation de retrait. Pour nos interlocuteurs, cela s'apparente fortement à une fuite organisée de devises qui ne dit pas son nom. Ils considèrent que c'est un couloir qui peut aggraver cette hémorragie qui affaiblit considérablement l'économie et la finance nationales. Et pour cause, si pour une seule personne cela est possible d'effectuer cette opération plusieurs fois par an, le solde final de ces voyageurs peut se chiffrer à des centaines de milliers d'euros en fin d'année. Alors qu'en est-il du nombre d'Algériens qui n'hésiteront pas à le faire? Et qu'en est-il de l'importance des montants de devises déplacés ainsi vers l'étranger? Il va sans dire que ces comportements mafieux servent à alimenter les transactions souvent non déclarées, et agissent par petits transferts, jusqu'à la concrétisation de leurs objectifs. Pour les observateurs de la scène économique et financière, l'interrogation est grande. Ils parlent de paradoxe et de contradiction, et considèrent que cette mesure va foncièrement à l'encontre de toutes les médications prescrites par les pouvoirs publics pour relancer l'économie nationale, notamment la rationalisation des dépenses et la lutte contre la fuite des capitaux. Autrement dit, à quoi cela servirait de lancer des opérations telles que la bancarisation volontaire de l'argent de l'informel ou l'emprunt obligataire pour le financement des grands projets, si en même temps, on crée d'autres mannes financières incontrôlables. D'un autre côté, ils y voient également un encouragement au marché parallèle des devises, dans la mesure où pour alimenter leurs comptes devises, ces pseudo-clients sont obligés d'acheter des euros au square Sofia, et par la même, alimentent et renforcent l'existence et la pérennité de ce réseau. En somme, c'est une façon de légaliser un système de circulation de devises complètement improductif pour l'Algérie, et compromettre toutes les chances de réussite, de la nouvelle stratégie économique prônée par l'Etat, et basée justement sur la relance de la production nationale. Par ailleurs, concernant la déclaration obligatoire de devises plafonnée à 1000 euros, les observateurs, considèrent une fois encore, que c'est une aberration à laquelle ils ne comprennent grand-chose. Du fait que l'allocation de change pour les voyageurs n'a pas changé pour autant, et reste fixée autour de 120 euros, alors à quoi cela servirait-il de plafonner le port de devises? Pour eux, il était plus judicieux d'augmenter l'allocation et de procéder par la suite à la limitation de la circulation des devises. D'autant plus que là aussi, cela servira le marché parallèle de devises plus que les simples citoyens. Effectivement, contrôler les sorties et les entrées de devises, quand celles-ci circulent librement, et s'échangent sous le nez des autorités, ne peut être un gage de crédibilité.