C'est à son retour de Suisse, où il avait rencontré Aït Ahmed et des responsables du FIS et du GIA, que l'ancien Chef du gouvernement a été assassiné. Affaire classée? 22 août 1993, 22 août 2001. Rue principale de Khenchela, ecrasée de soleil, vêtue de poussière. Le seul buraliste ouvert à l'heure sacrée de la sieste affichait des quotidiens nationaux, arrivés en retard. Comme toujours. Les passants se précipitent et, en dix minutes, plus aucun titre. Tous ouvraient, sur six colonnes à la Une, sur l'assassinat d'un des hommes les plus controversés de la classe politique algérienne: Kasdi Merbah. «Il était sur le point de finaliser un accord de paix définitif qui aurait mis fin au terrorisme...», affirmera dès le lendemain Mme Merbah. «J'ai téléphoné au général Zeroual (alors ministre de la Défense, ndlr) et lui ai fait porter la responsabilité de la sécurité de mon mari,» ajoutera-t-elle. Elle en fera de même avec Ali Kafi. Malgré la douleur, malgré la rancoeur, Mme Merbah restera sans haine. «Ils sont tous venus me voir. Ils étaient inquiets. Ils avaient peur que je fasse des déclarations à la presse, notamment étrangère, qui me harcelait. Etais-je donc si peu algérienne. Si peu patriote, à leurs yeux?/I» A ce jour, la veuve de Merbah garde le silence. Que d'éditeurs du style de Gèze l'ont contactée avec des propositions financières faramineuses. Pourtant, Kasdi Merbah ne s'est pas enrichi dans l'exercice de ses fonctions: à sa mort, son compte bancaire affichait 600.000 DA. La valeur d'un homme peut se mesurer à l'aune du respect que sa femme lui garde après la dixième année de mariage. Après près de 30 ans, le respect de Mme Merbah pour son mari n'a fait qu' augmenter. Ainsi que celui de tous ceux qui l'ont approché. On lui reproche son passage à la tête de la Sécurité militaire, et la gauche le traite de «tortionnaire». L'ex-Pags lui imputera même la mort de son secrétaire général, Bachir Hadj Ali, des suites des tortures subies. Les mains sur les jambes, il vous regarde dans les yeux, avec infiniment de sérénité, et vous répondra d'une voix douce: «Je n'ai jamais torturé personne, ni ordonné, ni permis qu'on le fasse...» De retour de son dernier voyage en Suisse, où il avait, à plusieurs reprises, rencontré des responsables du FIS, de l'AIS, du GIA et Aït Ahmed, il se rendra, en compagnie de son fils et de son frère, à une réunion, dans la villa d'un ami, à Alger-Plage. Il n'en reviendra pas. Ni son fils ni son frère. Depuis, que des questions. Qu'en est-il de la mallette rouge? Quel est le degré d'implication des services français? Qui a osé, sachant que la mort de Merbah pouvait déclencher l'apocalypse au sein du pouvoir? Une seule certitude: devant le professionnalisme du commando qui l'a assassiné, Merbah n'a pas été victime d'un attentat islamiste. Encore une affaire classée?