Celui qui a été l'un des précurseurs de la modernisation et l'universalisation de la chanson kabyle, l'artiste Djamel Allam, a eu des obsèques à la hauteur de son talent. Béjaïa, ville des lumières et de la culture, a enterré, hier, un de ses fils en présence d'une marée humaine. Ils étaient des centaines de milliers de personnes, hier, à accompagner le géant de la chanson kabyle moderne à sa dernière demeure. C'est dans l'antre de Yemma Gouraya, qui l'a vu naître, que Djamel Allam repose pour l'éternité. L'homme, l'artiste, est parti, laissant une oeuvre immortelle. Ses fans qui se comptent par milliers étaient tous là, pour un dernier salut au père de «Djawhara», «Thella», «Salim», «Mara dyoughal». Ils étaient de toutes les générations. La procession avançait lentement Il y avait des citoyens de tous les domaines. Des artistes, venus de toute l'Algérie, des représentants du monde politique, du monde sportif. Il y avait surtout des anonymes par milliers, en processions. Organisées par un comité citoyen, en collaboration étroite avec sa famille, les autorités locales et ses accompagnateurs en France, et regroupant des artistes-chanteurs, écrivains, journalistes, militants, syndicalistes et des industriels, les funérailles du défunt se sont déroulées en trois étapes. Tôt dans la matinée d'hier, une délégation importante s'est rendue à l'aéroport Soummam -Abane Ramdane pour accueillir la dépouille mortelle, accompagnée de deux ministres en exercice, Azzedine Mihoubi du département de la culture et Mohamed Hattab ex-wali de Béjaïa et actuellement ministre de la Jeunesse et des Sports. Il y avait aussi El Hadi Ould Ali, ex-ministre. Des membres de sa famille, le comité citoyen, le maire de la ville de Béjaïa, les élus nationaux étaient aussi au rendez-vous. Passée cette première étape, le défunt a été conduit au domicile familial à Ihhadaden pour un dernier recueillement, qui durera près d'une heure permettant à la famille, les voisins et les amis de se recueillir et de saluer pour la dernière fois l'artiste. Entre-temps des milliers de citoyens convergeaient vers le théâtre régional de Béjaïa (TRB) où a été déposée une heure après, la dépouille mortelle de Djamel Allam. Dans le hall du théâtre, la procession avançait lentement. Les visiteurs voulaient voir, pour une dernière fois, le visage de l'homme qui a donné toute sa vie à l'art. Certains étaient en pleurs, d'autres retenaient difficilement leur émotion, un par un, des célébrités, des hommes de culture, des autorités, des anonymes ont gratifié d'un dernier regard le compositeur, l'interprète, l'acteur, le réalisateur, l'homme de culture au sens large du terme. «Adieu l'artiste, repose en paix!» chuchotaient les milliers de gens qui étaient là en communion. Djamel est parti, laissant une oeuvre intemporelle qui bercera éternellement les vivants. Aux environs de midi un quart, les organisateurs éprouvaient d'énormes difficultés pour orienter tout ce beau monde vers l'extérieur du TRB. Emouvantes obsèques Avant la levée du corps, les organisateurs ont eu l'idée géniale de donner la parole en parallèle à l'oraison funèbre lue par Safy Boutella et Kamel Hammadi. Tour à tour, ses deux fils, Salimo et Kazim, ont remercié les présents, ne manquant pas de relever tout le courage suscité par cette présence massive. Hafid Djemaï, un artiste béjaoui, ami du défunt, a retracé brièvement le parcours de Djamel Allam, estimant que certains ont perdu un père, d'au- tres un ami, mais la culture perd un homme qui a beaucoup donné à la chanson kabyle en particulier, et algérienne en général, mais également au théatre et au cinéma. Kamel Hammadi abondera dans le même sens, avant que Malika Domrane, n'entonne la gorge nouée, un «achawik» très émouvant. Sur les lieux, ils étaient nombreux les artistes venus rendre un dernier hommage au défunt. Amour Abdennour, AKli D, Aït Menguellet, Boudjemaâ Agraw, Laoulia Boussad, Yacine Zouaoui, Kamel Hammadi, Karima, Malika Domrane, Safy Boutella, ainsi que les jeunes talents qui émergent dans la chanson kabyle. Il y avait aussi des écrivains et des éditeurs, à l'instar de Rachid Oulebsir, Brahim Tazagharth. Hier, Yemma Gouraya a enterré son fils, qui reposera désormais à ses pieds pour l'éternité. Témoignages Abdelaaziz Merzougui, maire de Béjaïa «La valeur artistique de l'homme, oeuvrait à faire connaître la chanson algérienne à l'étranger, mû par son amour pour la patrie». «Le défunt a beaucoup donné à la musique algérienne», a souligné l'auteur compositeur Kamel Hammadi, ami du défunt. El Hadi Ould Ali (ex-ministre de la Jeunesse et des Sports): «C'est un grand artiste qu'on vient de perdre. Il laisse un trésor estimable en tant que chanteur, compositeur et acteur réalisateur. Qu'il repose en paix!». Karima (chanteuse) «Nous perdons un artiste de valeur, un universaliste qui a porté haut la chanson kabyle. Allah yarahmou.» Mehenni Hadadou (président de l'APW de Béjaïa) «Nous oeuvrons à préserver l'oeuvre de cet homme connu pour sa modestie en vue d'en faire bénéficier les générations montantes et nous allons bientôt lui rendre un grand hommage. L'idée est déjà partie.» Amour Abdennour (chanteur): «Nous perdons un homme dont la valeur est inestimable. Il a été derrière toutes les réussites de la chanson kabyle. Nous devons être à la hauteur en maintenant très haut la barre, comme il l'a fait. Il faut beaucoup de travail. Son oeuvre restera éternellement une richesse pour la chanson. Laouliya Boussaâd (chanteur): «Que Dieu ait son âme. Nous lui devons tout. C'est un grand artiste, un mélodiste hors pair et un moderniste qui a universalisé la chanson kabyle.» Boudjemaâ Rabah (animateur radio): «Nous perdons un homme d'une grandeur inouïe. Les générations futures devront fournir beaucoup de travail pour continuer le travail. Aujourd'hui, nous sommes convaincus que tout le monde doit mettre du sien, à l'instar de Djamel, pour porter plus haut l'Algérie.» Akli D. (chanteur) «Djamel m'a beaucoup aidé dans ma carrière. C'est sur ses conseils que j'ai modernisé mes chansons, pour pouvoir m'imposer et vivre en Europe.»