Qu'importe la hausse des prix, pourvu que la «meïda» soit bien garnie. Un concept inspiré, dirions-nous, d'Alfred de Musset. Pour ce faire, les Annabis gèrent leur budget annuel en prévision des dépenses du mois sacré du Ramadhan. Une épargne à même de pouvoir satisfaire les caprices et les écarts imposés par le jeûne. À Annaba, on ne se demande pas de quoi sera fait le mois de Ramadhan. Chaque année, le mois sacré est qualifié de «mois pas comme les autres». Mais en réalité, les années se suivent et les Ramadhans se ressemblent. Pression pour les uns et stress pour d'autres. Entre les deux, c'est la grande appréhension, notamment pour les familles nécessiteuses et démunies pour qui le mois de Ramadhan de cette année s'annonce particulier. À moins de deux mois du mois sacré, cette frange de la société ne sait plus où donner de la tête. L'ombre de la fulgurante hausse des prix des produits alimentaires de base plane. Or, riches ou pauvres, les préparatifs du mois sacré sont incontournables et doivent se faire dans la pure tradition. Les préparatifs battent leur plein, aussi bien dans les grandes villes de la wilaya que dans les banlieues. Nettoiement général de la maison, changement du décor des pièces, de nouveaux ustensiles de cuisine et de nouvelles marmites ainsi que l'achat d'ingrédients pour les besoins des plats, retiennent l'attention de la bonne ménagère. Il en est de même pour les mosquées, les zaouïas et les magasins. Aux marchés des fruits et légumes, et autres espaces commerciaux, se mêlent, dans une ambiance exceptionnelle, la spiritualité et la convivialité. Pour les Annabis, le Ramadhan est une occasion exceptionnelle de pérenniser les traditions sociales et religieuses. En attendant, l'activité commerciale a pris les devants. Les étalages dégagent les senteurs d'épices et autres fruits secs. Dans les magasins, le bruit de la vaisselle prédomine, histoire d'exciter les papilles durant le mois sacré. À cet égard, les recettes pour la préparation de plats copieux et savoureux sont échangées, d'autant que durant ce mois sacré, la consommation de la viande est devenue une obligation au même titre que la soupe «El djari frik» et le «bourek». Pour être dans les délais et dans la pure tradition culinaire, les familles annabies se sont d'ores et déjà mises à la préparation de la «M'katfa» et de la «Gritli». Des pâtes traditionnelles faites maison, une spécificité de la wilaya d'Annaba. Une fois les arrangements du mois sacré achevés, les maîtresses de maison n'ont plus qu'à attendre le jour J, dont la veille est caractérisée par un flux massif des femmes annabies vers le bain maure, une autre tradition appelée «hammam El Guerch». En attendant, Annaba avec toutes ses franges sociales s'attellent à préparer le mois de Ramadhan lentement, mais sûrement. De leur côté, les mosquées de la ville ont entamé un travail de bénévolat dans le but de rendre les maisons de Dieu plus adéquates à l'accomplissement des prières, notamment celle surérogatoire («Tarawih»). Tandis que la direction de l'action sociale a fait dans l'anticipation, l'opération de révision des listes des familles nécessiteuses et démunies devant bénéficier du couffin du Ramadhan est achevée.