Si les familles de la wilaya de Batna s'attachent à respecter les nombreuses traditions propres aux Aurès, elles accordent une importance particulière à "Ennasfia" qui célèbre, au soir du 14ème jour de jeûne, l'avènement de la seconde moitié du mois sacré de Ramadhan. Piété, solidarité, recueillement et beaucoup de convivialité entourent cet évènement qui crée un climat de fête dans les demeures chaouies. C'est ainsi que dans la ville de Batna, dès la matinée du 14ème jour du mois sacré, d'exquises senteurs se dégagent de tous les coins d'une cité déjà plongée dans une belle ferveur spirituelle. Une ferveur populaire également puisqu'elle se fait aussi sentir dans les foyers et dans les différents marchés qui "grouillent" de clients se ruant sur les produits et les épices nécessaires à la ménagère qui met un point d'honneur à dresser, à cette occasion, une "table ramadhanesque" bien particulière. Sur le registre culinaire, précisément, la nuit de la mi-Ramadhan est l'occasion pour les femmes de démontrer leurs talents de cuisinières et de gâter leurs familles avec des mets traditionnels et des plats savoureux dont la célèbre "chekhchoukha" (connue sous le nom de Tridet ettadjine dans d'autres régions du pays). Lors d'Ennasfia, la "chekhchoukha" trônera en maîtresse sur la meïda du f'tour, reléguant au second plan (mais très provisoirement, le temps d'un seul repas) l'indétrônable chorba frik, omniprésente durant le mois sacré. Tous les membres de la famille apprécient la "chekhchoukha", ce mets traditionnel qu'ils attendent avec impatience durant toutes les journées précédant ce fameux f'tour du 14ème jour, même s'ils auront à supporter une digestion quelque peu laborieuse en plein mois de jeûne. La tradition veut que ce plat succulent aux minces feuilles de "trida" soit préparé avec le collier d'agneau ou, à défaut, avec des cuisses de poulet ainsi que des courgettes, des carottes et des pois-chiches, plus d'autres ingrédients non moins importants qui constituent parfois un "secret" bien gardé. Des traditions propres à certaines régions des Aurès veulent que la trida soit servie accompagnée de dattes, de jus de fruits naturels, de crêpes au miel et autres friandises. L'avènement de cette journée permet de trancher avec la relative monotonie et le train-train quotidien qui s'installent après deux semaines de jeûne. Ennasfia semble donner du "peps" à la vie quotidienne des habitants de la région à travers des préparatifs culinaires et cette préférence remarquable pour le mode vestimentaire traditionnel, sans compter les actions de bienfaisance qui se multiplient à cette occasion. Cette journée très attendue par les familles chaouies est traditionnellement chargée d'une panoplie d'activités spirituelles qui donnent un surcroît d'animation aux mosquées des Aurès. Prières surérogatoires, invocations, conférences religieuses et lecture du Saint Coran précédent les visites et les retrouvailles familiales dans une atmosphère empreinte de chaleur humaine. Une belle occasion pour renforcer la foi, rendre plus solides les liens sociaux et consolider la cohésion et l'esprit de solidarité.