Les électeurs nigérians ont tranché: Bola Ahmed Tinubu, 70 ans, candidat du parti au pouvoir All Progressives Congress (APC), remporte la Présidentielle, face à deux concurrents qui n'ont pas démérité, contraignant «le parrain» dont l'influence politique est immense au Nigeria à un score en apparence modeste. Musulman du Sud du pays, il a choisi opportunément un musulman du Nord comme colistier. Kashim Shetttima, ancien gouverneur de l'Etat de Bono, est donc le vice-président. Une lourde tâche attend Tinubu qui doit redresser un pays plombé par une économie en berne et un contexte sécuritaire alarmant. L'homme qui va remplacer Muhammadu Buhari dont l'accession, affirme-t-il, lui est due, a connu l'exil du temps où le dirigeant militaire Sani Abacha était à la tête du Nigeria. De ce temps-là, il garde un attachement profond à la liberté dont il arbore l'insigne sur son chapeau très particulier, une manille brisée ayant la forme du chiffre 8 à l'horizontale. Ancien cadre de la société pétrolière Mobil et gouverneur omnipotent de la capitale économique Lagos de 1999 à 2007, Tinubu est un politicien très riche de ses investissements à l'étranger et il aime distribuer des dividendes, à tel point que l'opposition l'accuse d'avoir acheté les voix. «Si j'ai de l'argent, si je le souhaite, je le donne gratuitement aux gens, tant que ce n'est pas pour acheter des votes», rétorque-t-il à ses détracteurs qui parlent de corruption. Poursuivi en justice, il a été cependant blanchi de toutes ces accusations, bien avant les élections. Celui que ses partisans appelle «Jabagan» (Chef), va devoir multiplier les actions pour réunifier un Nigeria replié sur des fractures régionales et des critères religieux dont résulte, d'ailleurs, la présidentielle. Surtout, il va lui falloir tenir la promesse, déjà faite par son prédécesseur Buhari, de résoudre l'équation sécuritaire, de plus en plus aggravée par les attaques des groupes terroristes Boko Haram et l'Iswap ainsi que par ce que la terminologie officielle appelle «les bandits», dont les raids se font plus pressants et plus sanglants contre des populations désarmées qu'ils rançonnent et pillent impunément. Au plan économique, aussi, il aura beaucoup de défis à relever, y compris à Lagos, ville de 25 millions d'habitants très en-deçà de sa réputation de métropole. Les infrastructures publiques sont pour la plupart en état de délabrement et les équipements de base doivent être souvent rénovés (habitat, eau, transport etc). Ses adversaires l'attaquent régulièrement sur sa santé, qualifiée d'incertaine. Malgré ses assurances, ils évoquent le précédent du président Umaru Yar'Adua, décédé en 2010 et même celui de Buhari, souvent hospitalisé au Royaume-Uni, durant ces trois dernières années. Avec Kashim Shettima à ses côtés, il est assuré du soutien de la majorité musulmane du Nord où se trouve le plus grand bloc électoral du Nigeria alors que l'électorat chrétien proteste contre une entorse à la tradition selon laquelle un président musulman prend comme colistier un chrétien et vice versa.