L'image diffusée par les chaînes de télévision maghrébines et africaines montrant Aïmene Benabderrahmane, Premier ministre, assis à la droite du président Vladimir Poutine, se passe de tout commentaire; un message fort qui exprime les liens entre Alger et Moscou. C'est un privilège accordé au représentant du président Abdelmadjid Teboune au Sommet Russie-Afrique et qui témoigne de la place qu'occupe l'Algérie auprès du patron du Kremlin. «C'est une preuve que l'Algérie occupe une place très importante dans les objectifs et les projets que se propose de réaliser la Russie dans le continent africain», commente Nour Nada, membre du conseil d'administration de la fondation russo-égyptienne pour la culture et la science. Les Russes et les grands crus algériens «L'Algérie est une case incontournable en Afrique. Si on s'amusait à la situer sur l'échiquier de la Russie pour l'Afrique nous dirions sans risque de nous tromper que l'Algérie occupe la place de la Reine», complète Kamel Louadj, correspondant de Sputnik Afrique à Saint-Pétersbourg. «Maintenant tout dépendra de la réactivité des responsables et des entreprises algériennes dans la concrétisation sur le terrain des nombreux projets que propose la Russie», tempère ce journaliste à l'énergie débordante qui a quitté Paris pour s'installer en Russie. «L'Algérie a décidé de reconquérir sa place sur le marché russe», fait remarquer une journaliste d'Alg24 frappée par le rush de visiteurs russes devant le stand de la société Les Grands Crus de l'ouest algérien. Du vin rouge, du vin blanc et du rosé ont fait remuer les palais des dégustateurs russes très friands de vin algérien. Abandonnée depuis des décennies, l'Algérie a décidé de se réapproprier la niche vinicole très pourvoyeuse en devises. Cette exposition aux côtés d'autres produits, est un signe de cette volonté d'aller à la conquête du marché russe et d'autres marchés africains. Contrairement à de nombreux autres pays africains, la présence de l'Algérie à ce Sommet a une particularité bien précise. Elle y est allée en quête de ressources érémitiques, elle en a et elle en revend. Elle ne s'est pas rendue à Saint-Pétersbourg pour chercher des ressources minérales, son sol en regorge, elle cherche des partenaires pour les exploiter. Elle ne s'est pas présentée pour demander du blé, elle en achète cash. En allant à ce rendez-vous, elle ne souhaitait pas un effacement de dettes, car justement elle n'a pas de dettes. Mieux, c'est elle qui a effacé les dettes de 14 Etats africains et s'active en faveur du rééchelonnement des dettes d'autres Etats. Elle a alloué via l'Agence nationale de développement de la coopération internationale pour la solidarité et le développement, un budget de 1 milliard USD, aux projets de développement dans les Etats africains. Enfin, en participant à ce deuxième Sommet, l'Algérie ne quémandait pas mais elle cherchait des partenariats gagnant-gagnant ce qui concorde exactement avec l'esprit même du deal de Saint- Pétersbourg. Maintenant que Moscou a affiché une intention sincère de développer ses relations avec les pays africains, en stimulant le commerce, les investissements, l'Algérie a décidé d'y aller pour engranger le maximum de dividendes. Dans une allocution lue en son nom par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, lors d'une séance ayant regroupé des chefs d'Etat et de gouvernement, présidée par Vladimir Poutine, le président Tebboune a indiqué que l'Algérie aspirait à un «partenariat afro-russe fort et mutuellement bénéfique, à même de permettre la réalisation des aspirations et attentes de nos peuples à davantage de progrès et de développement, et l'émergence d'un ordre mondial juste, basé sur le respect des principes du droit international et du multilatéralisme». La realpolitik comme ligne de conduite À cet égard, le président de la République a souligné que l'Algérie misait, dans ses démarches de développement, sur les relations de coopération avec ses partenaires étrangers, dont la Russie, «partenaire stratégique», l'Algérie étant le deuxième plus grand partenaire commercial de la Russie dans le continent africain. N'obéissant à aucune chapelle, entièrement souveraine dans ses décisions, l'Algérie fait de la realpolitik une nécessité de son action diplomatique. C'est dans ce sillage que le président Tebboune a entamé un périple qui l'a mené à Moscou, Pékin, Ankara et Doha. Mais s'afficher aux côtés de Xi Jinping, Poutine et Erdogan, ne signifie pas que Tebboune tourne le dos à l'Occident. Les principaux clients en énergie de l'Algérie sont la France, l'Italie et l'Espagne. Il y a quelques jours, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ahmed Attaf, a reçu de la part de son homologue américain, le secrétaire d'Etat Antony Blinken, une lettre l'invitant à effectuer une visite de travail à Washington «dans les délais les plus rapprochés que permettraient les engagements respectifs des deux parties». Le non-alignement est notre politique», insiste le président Abdelmadjid Tebboune. Alger n'a pas la volonté d'être à l'avant-poste d'une nouvelle guerre froide qui se joue, ni d'être un poste avancé sur l'Europe. Elle veut être un partenaire fiable et souverain dans ses décisions.