C'est un nom de chose. Il indique une forêt qui s'étend, au nord de la ville de Bouira, sur 547 km, dont une cinquantaine aménagée. L'appellation éponyme sert aussi à désigner une salle de spectacles transformée en théâtre, sur la rue Larbi Ben M'hidi, en face du square. À force de l'utiliser, il a fini par acquérir autant de prestige que Tikjda elle-même. Que cherche-t-on dans une forêt, fût-elle peuplée, comme Errich, que de pins, de chênes-liège, de lentisques et de quelques rares eucalyptus ? Le calme, pardi !, un peu de solitude et un air plus pur, parfumé aux essences de térébenthine. Comme à Tikjda, sauf que là-bas, on est à plus de 2700 m, et qu'au lieu des quatre espèces végétales citées, on a le chêne, le cèdre et le pin noir, alors qu'ici, quand aura grimpé le mamelon boisé et que l'on surplombe la RN5 et l'oued Djemaâ, qui coule au fond de la vallée, on est tout juste à 600m d'altitude. D'ailleurs, écrasé par la montagne de Djurdjura, dont le sommet chichement enneigé cet hiver, pauvre en pluie, il semble engagé dans un dialogue sans fin avec son homologue du Dirah, par-dessus la dépression géographique qu'ils encadrent ainsi. D'où vient donc que l'endroit connaisse une telle affluence ? C'est que les raisons pour lesquelles on y va sont nombreuses et dépassent donc le simple fait de rechercher la paix et le silence. Beaucoup aiment se perdre en rêvant dans les 10 sentiers recensés, se retrouver sur l'un de ces bancs qui jalonnent la principale piste carrossable, qui conduit tout en haut de la colline, vers le Nord. D'autres se plaisent à faire du footing, d'autres du karaté. Ceux-là choisissent généralement le val où coule un petit ruisseau. Mais ce sont les familles qui, fatiguées de la vie trépidante des villes et des horizons bouchés, viennent dans ces bois pour goûter un instant de repos et renouer avec la nature que la civilisation et une urbanisation effrénée et sans perspective ont chassé loin d'elles. L'avantage dans cette affaire est la proximité de ce havre de paix. Il est à la lisière de la ville. On peut faire le déplacement à pied, si le cœur vous en dit, en bus ou dans sa propre voiture, qu'on abandonne au parking, à l'entrée. Une flore typique La vue des gens inconditionnels de l'environnement pourrait être blessée par le ballet de voitures qui circulent à travers les sentiers, notamment sur la piste carrossable en soulevant de grands nuages de poussière derrière elles et qui mettent, dans l'air tranquille, plusieurs minutes à retomber. De même qu'ils seraient choqués de voir tant de kiosques (il en existe 16 !) dressés ici et là comme de gigantesques champignons vénéneux dans le paysage. Et que dire de ce stade érigé au cœur de cette forêt qui ne pourra pas longtemps supporter toutes ces actions humaines qui la défigurent ? C'est ce que dénoncent HananeTamourt et Rofida Guechaïri dans leur thèse de master, en citant Bouazza et Benabadji, dénonçant de telles atteintes à la nature anthropiques, c'est-à-dire purement humaines et, par là, destructrices. Quand on se rend dans un bois, c'est surtout pour s'évader un peu, marcher et respirer un air plus frais. Si c'est pour rouler en voiture et pour polluer, ce n'est pas la peine de quitter la ville. On peut également observer, si l'on est doué pour cet exercice. Et même-pourquoi pas- s'essayer au métier si difficile d'herboriste. Il n'y a pas de honte à s'adonner à une telle activité. Rousseau herborisait à ses heures. Lorsqu'on découvre les propriétés de ces plantes et leurs bienfaits sur notre santé, on comprend comment les gens qui se soignaient par de tels moyens aient pu rester en bonne santé. Herboriser à Errich, à un ou deux km de la ville. Ce n'est pas se couvrir doublement de ridicule. Que peut-on découvrir dans ce bois qui paraîtrait bien minuscule, comparé à la forêt de Tikjda ou même à Hamam Ksena ? Pourquoi toujours ce désir de comparer Tikjda, grâce à l'Unesco, fait partie du patrimoine mondial. Il compte un nombre impressionnant d'espèces fauniques et floristiques. Par exemple, concernant la flore sur la quelle nous disposons d'informations fiables, que savons-nous ? À Tikjda, il existe, selon un dépliant qui nous fut remis lors de notre dernier déplacement sur ce site touristique, 1 100 espèces, dont 110 aromatiques. Bien. Et à Errich, combien ? D'après les deux auteures de mémoires citées plus haut, ce microcosme abrite 49 familles de plantes, dont deux, dites « vasculaires », c'est-à-dire de vaisseaux, comme nous, 124 genres et 141 espèces végétales recensées. Cela devrait suffire à montrer une chose : que ces plantes dites phytosanitaires sont abondantes et extrêmement variées. D'où l'avertissement des auteurs qui avaient entrepris leurs travaux entre février et mai 2019 : « Cette étude s'inscrit dans la connaissance et l'inventaire de la flore médicinale. » de la forêt d'Errich. Certaines de ces plantes sont même rares et propres à cette zone forestière. Parmi les deux taxons (comprenons familles, espèces ou sous- espèces) endémiques enregistrés au cours de cette étude, en l'occurrence l'Iris Unguicularis Chors et Phlomis, « cette dernière est inscrite sur la liste de l'Union internationale de la nature», écrivent les deux auteurs, citant Walter et Gillet. La façon dont sont classées les familles est très instructive, concernant cette partie de notre patrimoine forestier. Par exemple, au sujet de la famille des Astéraeae, qui regroupe 13 espèces, la famille des Lamiaeae, dont il existe huit espèces, celle des fabiaeae, avec sept espèces, ou taxons, les Apiaeae, avec cinq espèces ou taxons. Et puis, on a, selon, cette étude, répertorié 20 familles avec une seule espèce. « Lesdites familles (Atera, Lamia, Fabia, Apia représentent 44,4% de la flore étudiée », indiquent les mêmes sources. Les plantes qu'on a répertoriées avec soin dans cette thèse très documentée, très bien écrite possèdent donc des propriétés curatives et les travaux qui leur sont consacrés ont donc cette double excuse d'être limités dans le temps (période relativement courte pendant laquelle l'échantillonnage a été effectué,) et le choix (les plantes doivent répondre au critère qui les classe parmi les plantes médicinales). Donnons, à titre illustratif, quelques-unes ici, comme la bourrache, la chélidoine, l'arbousier, l'ivrette musquée (chandgoura, en arabe), Rosa canina, l'églantier, etc. Une autre étude consacrée au même sujet et intitulée : Contribution à l'études de quelques plantes médicinales et signées Hadjouti Dirch Soumia et Madjrès Amel pour leur master 2018, méritent les mêmes éloges. La seule remarque qu'on puisse faire et cet écart dans l'estimation de la superficie d'Errich. Celle de ces deux auteurs l'estiment à 404 ha auxquels s'ajoutent 50 autres aménagés, alors que Tamourt et Ghechaïri l'évaluent à 547. Au bonheur des enfants Ils étaient là, heureux, en cette fin de matinée, à jouer à la balançoire et à se laisser glisser sur les toboggans. C'était une manière bien à eux de saluer le Nouvel An et de le fêter avec leurs parents. Les bonbons les attendaient à l'entrée. Mais gavés pour le moment, ils ne pensaient qu'aux jeux. Les friandises, les gâteaux pouvaient attendre... La forêt aussi. Ils aimeraient bien jouer aux indiens, par exemple, où à cache-cache, sous l'œil vigilant des parents. Mais en cette matinée gris perle, ils ne souhaitaient que se laisser bercer. Yakoub arrête sa balançoire. Il est en 4e année. Il est venu tout seul avec son cousin Iyad. La maison n'est pas loin. Le premier nommé habite à la cité Aadl, juste au-dessus du jardin où il joue. Le second habite à Aïn Bessem et est plus jeune que son cousin chez lequel il est venu passer un jour ou deux, il est en 3ème. Il voit pour la première fois la forêt Errich et il est dans sa balançoire, aux anges. Les enfants, c'est connu, aiment se balancer. Takoub, lui, est souvent ici. Parfois, avec ses parents, qui ne sont pas là aujourd'hui, il s'aventure, loin, dans le bois, mais jamais seul. Sans eux, il ne se sentirait pas en sécurité à cheminer le long des sentiers qui s'enfoncent profondément entre les arbres. Le papa de Iyad (coïncidence de prénoms qu'il faut souligner sans malice en ce premier jour de l'an) est de Batna et travaille à Bouira. Fonctionnaire, il profite de cette journée chômée et payée pour promener ses trois enfants. Il habite à l'Ecotec, non loin de la forêt, et possède une voiture pour ses déplacements « À la maison, ils travaillent et ont rarement l'occasion de sortir, alors quand arrivent les week-ends, les vacances ou les jours fériés, c'est une aubaine pour eux. Alors, je les amène ici. Parfois à Boumerdès ou à Tizi Ouzou, ou encore à la Maison de l'environnement. Voyez comme ils sont heureux ! » Lyamine, l'aîné est en 3ème année. Il déclare fièrement, devant papa, qu'il travaille bien à l'école et à la maison. Bien sûr qu'il est content d'être dehors et de jouer. Il arrive qu'avec ses parents, il aille jusqu'à ce petit lac au cœur de la forêt. Il y a des poissons dans l'eau. Des pêcheurs viennent avec leurs lignes et en attrapent beaucoup. Un jour, l'un d'eux lui en a donné un. Oui, tout cela est amusant. Iyad, qui est en 1ère année, aime le toboggan. Le petit lac aussi. Mais le Tobbogan est meilleur. Et c'est là qu'il est le plus heureux. La petite qui joue plus loin dans l'allée sablée ne semble même pas se douter de la présence de cet étranger, qui pose des tas de questions à Tahar, son père et à ses deux frères. Nous leur souhaitons bonne année et les quittons pour Aïssa, un monsieur qui a sorti son fils, qui présente quelques retards (mentaux) et pourrait cette année faire sa rentrée dans une école spéciale. Il court, il joue, puis revient vers son papa qu'il appelle pour s'assurer qu'il le regarde s'amuser. Mais attention, la larme n'est jamais loin comme pour montrer que son état ne lui procure pas tout le plaisir qu'il est en droit d'attendre d'elle. Le papa, lui, déplore le manque d'équipements. Il manque un manège, un trampoline, ces jeux qui font exulter les enfants. Un chantier avec ses engins stationnés à l'entrée attire le regard. Le gardien explique : on fait passer l'eau d'un château à l'autre. Heureusement, sans rien toucher aux arbres. Cela se passe presque à la lisière et suivant un tracé où il n'existe aucun pin, aucun chêne. « C'est la matinée nous éclaire un familier des lieux. L'ambiance, c'est l'après-midi».