La persévérance de Shigeru Ishiba a fini par payer hier, permettant à cette figure discrète mais influente de la politique japonaise de prendre la tête du Parti libéral-démocrate (PLD) pour succéder au Premier ministre, Fumio Kishida. Agé de 67 ans, Ishiba, connu pour sa maîtrise en matière de politique de sécurité et de défense, se présentait pour la cinquième fois à cette course pour la tête du parti au pouvoir. Il a battu Mme Sanae Takaichi, qui ambitionnait d'être la première femme à occuper ce poste, en finale de cette élection, à laquelle Kishida a décidé de renoncer, abandonnant de facto son poste de chef du gouvernement. Au niveau international, Ishiba appelle à la création d'une version asiatique de l'OTAN, ce qui pourrait irriter la Chine mais il reste toutefois prudent dans ses propos sur Pékin. Ishiba, qui va diriger la quatrième économie mondiale, soutient simplement que l'armée japonaise devrait être en mesure de réagir plus vigoureusement en cas de violation de son espace aérien ou de ses eaux territoriales. Actuellement, un coup de semonce est la seule option, et la Chine en a «bien conscience», a-t-il déclaré. Il plaide pour que l'alliance américano-japonaise sur la sécurité soit plus égalitaire. Sur le plan intérieur, celui qui fut longtemps considéré comme l'éternel n° 2 dit souhaiter s'attaquer à des problèmes sociaux difficiles tels que les réformes politique et agricoles et les questions de sécurité nationale. En 2012, ce père de deux enfants avait échoué à prendre la tête du parti face à son grand rival, Shinzo Abe. Même scénario lors de sa précédente tentative d'accession au pouvoir en 2020, face à Fumio Kishida, l'actuel Premier ministre, qu'il remplacera mardi prochain. L'ancien ministre de la Défense et de l'Agriculture est plutôt apprécié par l'opinion japonaise mais a toujours souffert d'un manque de popularité auprès des parlementaires. Pendant longtemps, Ishiba s'était mis à dos les poids lourds du parti, par exemple, en «critiquant ouvertement les politiques du PLD sous la direction d'Abe», a affirmé Yu Uchiyama, professeur de politique à l'Université de Tokyo. Mais récemment, «il s'est exprimé sur la nécessité pour le parti au pouvoir de tourner la page concernant les scandales politico-financiers» qui ont ébranlé le PLD, ajoute-t-il, ce qui a pu jouer en sa faveur. Cette fois, les étoiles se sont, en effet, alignées pour ce passionné de trains et des chanteurs pop des années 1970 qui avait remporté son premier siège parlementaire en 1986, à l'âge de vingt-neuf ans. «Le travail de ma vie est la sécurité, la prévention des catastrophes et la revitalisation des régions rurales», a-t-il déclaré pendant la campagne pour le tête du PLD. Il a ainsi suggéré la création d'une agence gouvernementale chargée de la prévention des catastrophes naturelles dans ce pays sujet aux séismes et fréquemment frappé par des typhons et des pluies torrentielles. Originaire de la région rurale de Tottori – le département le moins peuplé du Japon –, il accorde une place importante à la redynamisation de la campagne nippone. Il souhaite relever le faible taux de natalité du Japon, en prenant des mesures telles que l'abaissement des longues heures de travail nippones et le renforcement des aides aux parents. «La population du Japon va fortement diminuer. Si nous ne prenons pas de mesures radicales, l'économie ne se développera pas. Je ne veux pas que les générations futures fassent à nouveau l'expérience de nos échecs et de nos revers», avait-il déclaré lors d'un débat télévisé. Shigeru Ishiba va devoir relancer l'économie nippone. Après avoir subi pendant des décennies une inflation quasi inexistante, voire la déflation, le Japon a connu un virage en 2022, avec une hausse des prix à la consommation systématiquement supérieure ou égale à 2%. Ishiba s'est engagé à stimuler l'économie, en encourageant les investissements nationaux dans les secteurs technologiques des puces et de l'intelligence artificielle, ainsi qu'à utiliser l'énergie nucléaire parallèlement aux énergies renouvelables pour alimenter le pays.