La Ligue des écrivains de la différence a décidé de mettre le paquet pour son protégé Abou Bakr Zemal. C'est ainsi qu'il a bénéficié d'une édition très soignée pour son recueil de poésies. Sans doute que cette attention particulière venait répondre aux impératifs de qualité que la ligue devait honorer, Abou Bakr Zemal devant représenter l'Algérie au Festival méditerranéen de poésie de Lodève, au mois de juillet derner. Ghaouarib, titre du recueil, n'est d'ailleurs pas passé inaperçu. Abdelwahab El Mouadib de Tunisie et Saâdi Youcef d'Irak ont particulièrement apprécié le travail et pas seulement sur le plan de la conception. Zemal aurait profité d'une bourse pour la traduction de son ouvrage qui sera édité en France. Le poète supervisera lui-même l'opération. Le recueil comprend 13 textes que Zemal a jalousement gardés dans ses tiroirs avant de les voir édités, signant ainsi une ère nouvelle pour ce poète qui répugnait jusque-là à offrir ses écrits au grand public. Intimistes, les textes montreront Zemal dans toute sa nudité et c'est ce qui lui fait le plus peur. Déjà dans un message adressé au lecteur, il prendra ses distances. Le discours du poète peut sembler incohérent et n'est sans doute pas à la portée de tout le monde. Il espère néanmoins que sa poésie saura éveiller l'intérêt de quelques-uns et même «brûler», selon son expression, les neurones de celles auxquelles s'adressent ses vers, celles qu'il a tuées en lui. Une prometteuse entrée en matière, encore faudrait-il que ces demoiselles puissent y comprendre quelque chose. D'après un confrère, Zemal serait un poète existentialiste; une affiliation en vogue dès que l'oeuvre échappe à l'entendement. Nous attendrons pour notre part qu'un spécialiste se prononce. Nous relèverons seulement que les allusions sur l'univers de la chair ne manquent heureusement pas, sinon le tout passerait dans une dimension abstraite et ennuyeuse. Il s'agit essentiellement de fantasmes mal assouvis. Poétiquement révélés, ils demeurent, cela va de soit, très chics. Zemal adopte dans son livre des marges où il consigne, en guise de repères, quelques citations, intitulées «poussières de paroles», qui ne manqueront pas d'être d'un grand secours aux lecteurs perdus dans la profusion des images. Les textes sont entrecoupés par des illustrations d'un certain Maâchou Kerour. Cette parution est une belle pièce à ajouter à l'actif des éditions El-Ikhtilaf. Comme par enchantement, le recueil de Zemal est parvenu à détendre l'atmosphère entre cette association et le ministère de la Culture. C'est avec l'argent de la Caisse de promotion de la littérature, dont se charge ce dernier, qu'il a été possible de réaliser l'édition. La participation du poète à une manifestation internationale serait pour beaucoup derrière ce retournement de situation. La Ligue et le ministère étaient longtemps dans l'impasse à cause justement de cette affaire de Caisse de promotion. Espérons que le dénouement de la situation n'est pas le fruit d'une conjoncture et que les deux parties donneront naissance à beaucoup d'autres oeuvres de lmême qualité. En attendant, vous pourrez toujours faire connaissance avec ce premier cru, disponible chez les libraires pour la somme très raisonnable de 200 DA.