A quelques mois de sa libération, Ali Benhadj se (re) trouve au milieu d'enjeux occultes. Dans une lettre adressée à Ali Benjadj et dont nous avons reçu une copie écrite à la main et signée en date du 30 novembre 2002, Madani Mezrag, l'ex-émir national de l'AIS, «exhorte celui-ci à accepter sa libération et à ne pas faire le jeu des éradicateurs». Dans une longue lettre de trois feuillets, écrite dans un style quasi religieux, émaillé de formules pathétiques qui renseignent sur les liens de suzeraineté qui lient les deux hommes, Madani Mezrag explique sa correspondance par la nécessité d'être «réaliste et de ne pas succomber à la tentation de démontrer aux éradicateurs de tous bords que sa foi n'est ni ébranlable ni encore moins négociable». Mezrag estime que la sortie de prison est plus bénéfique à celui-ci qui pourrait «voir clair et éventuellement contribuer à une sortie de crise», alors qu'il reste, à ce jour, soumis à des «restrictions» qui ne lui laissent que peu de chances de voir et «de comprendre ce qui se passe réellement». Mezrag, qui dit être un témoin vivant de la tragédie nationale, estime que la calamité qui s'est abattue sur le pays est en partie imputable à «l'absence de référents théologiques et d'érudits qui peuvent mener à bien leur profession de foi». Fidèle à son option de concorde civile, l'homme, qui a mené les tractations ANP-AIS depuis 1997, exhorte Benhadj à saisir l'occasion de sa mise en liberté et à ne pas laisser passer cette opportunité, si elle se présente, «malgré toutes les interprétations et les commentaires» qui peuvent accompagner cette libération. Car, estime Madani Mezrag, Benhadj pourrait ainsi contribuer à sa façon «à une sortie de crise et à juguler le sang qui coule et la terreur qui frappe, et qui ne vise que les petites gens de ce pays». Cette démarche, seule, pourrait, selon lui, «faire avancer les choses et contribuer à concrétiser une réconciliation nationale véritable». Cette sortie inattendue de Madani Mezrag, du haut de son isolement jijélien, intervient au moment où l'ex-enfant terrible du parti dissous se trouve, à quelques mois de sa libération, au milieu d'enjeux aussi intenses que contraires. Annoncée pour l'Aïd El-Fitr, sa libération ne se fera pas avant que celui-ci montre de réelles dispositions d'intégrer les lois de la République. En fait, il est certain que du point de vue politique, le Président de la République a tout à gagner en libérant Ali Benhadj six mois avant l'expiration de la peine de douze ans de détention dont il a écopé, et de pouvoir, de la sorte, conditionner sa libération, tout en gagnant le maximum d'islamistes à son option de réconciliation nationale. Car il semble bien qu'après le coup de force des «éradicateurs» (terme en vogue en Algérie et qui est un synonyme «hard» de ceux qui font pièce à l'islamisme) concernant la première étape de la paix concoctée par le Président, la concorde civile, celui-ci préfère temporiser avant de passer à la seconde étape, celle d'une réconciliation nationale véritable. Rappelons que Madani Mezrag avait été émir national de l'AIS, branche armée de l'ex-FIS, de 1994 à 1997, année où il décrète à partir du 1er octobre, une trêve unilatérale et inconditionnelle, avant d'entrer dans des tractations avec l'armée. Le 13 janvier 2000, après avoir bénéficié d'une couverture politique et juridique de la part du Président Bouteflika, l'AIS, à laquelle s'étaient jointes d'autres organisations armées, a procédé à son autodissolution et ses hommes - près de 6000 - ont réintégré la société.