Effritée. Sans poids. Sans voix. Telle est la réalité de notre diaspora algérienne. Elle est sans ciment et sans âme. Il y a d'abord, cette diaspora installée depuis presque un siècle en France, avec une longue mémoire forgée dans la souffrance, les guerres, les haines et les défis. Et à travers ce parcours particulier elle a accumulé un riche capital de valeurs en forme de traditions culturelles, artistiques, syndicalistes et politiques. Mai…. Et il y a cette nouvelle diaspora algérienne installée particulièrement, depuis deux décennies peut-être un plus, aux USA et au Canada et qui est en train de se rechercher dans un contexte mondialement caractérisé par une agressivité féroce sur le plan politico-culturel. Toutes les diasporas, à travers le monde, gardent et cultivent, par peur ou par défi, de génération en génération, un tissu fonctionnant comme lien symbolique entre leurs composantes ethniques, linguistiques ou géographiques. À l'exception, la diaspora algérienne n'arrive pas à se concevoir une harmonisation solide et continuelle pour maintenir un échange de valeurs entre ses membres constituants. Chaos ! À ma modeste connaissance, il n'existe pas d'associations actives et durables, ou pas assez, capables d'intervenir sur l'imaginaire de notre diaspora. Questionner la mémoire. Habiles de transmettre l'image d'une nouvelle Algérie qui se forge, depuis cinquante ans, dans l'amertume de la décomposition et la douleur de la refondation. Nombreux sont les créateurs algériens ou d'origine, les morts comme les vivants, des générations successives, avec des sensibilités esthétiques et politiques différentes : écrivains, romanciers, poètes, dramaturges, cinéastes, peintres et musiciens installés dans des pays d'accueil ou d'adoption, qui ont réussi avec brio dans leur vie artistique. Des centaines de noms sont connus et respectés sur l'échiquier de l'art et de la littérature universels. Qui parmi nous, sur la rive sud comme sur celle du nord, n'a pas lu un texte, un roman, un poème ou une nouvelle, n'a pas assisté à une pièce théâtrale ou un monologue, n'a pas écouté un morceau de musique ou une chanson, relevant de la création de cette forte diaspora algérienne ou d'origine. Mohamed Dib, Rabah Belamri, Mohamed Arkoun, Mohamed Harbi, Houari Addi, Houari Touati, Nabil Farès, Yasmina Khadra, Leila Mérouane, El Hadi Cherifa, Latifa Benmensour, Noreddine Saâdi, les Mediène Benammar et Mohamed, Hamid Tibouchi, Aek Djamaï, Malika Mokaddem , Anouar Benmalek, Nina Bouraoui, Madjid Kaoua, Salim Bachi, Boualem Sansal, Aït Taleb, Fellag, Sliman Benaïssa, Ziani Cherif Ayad, Raouf Brahmia, Souad Massi, Lina Doran, Khaled, Mami, Biyouna, Lynda Thalie…. tout ce beau monde créateur de la fragilité “solide” vit, ou ont vécu, dans l'absence totale ou partielle d'un organisme capable de réunir leurs efforts, leurs beautés et leurs souffrances afin d'arriver à faire écouter et s'écouter leurs voix. Chaque membre appartenant à cette diaspora éparpillée, qui excelle dans les arts et les lettres, vit comme dans un bocal, écoule son temps et son encre seul, esseulé. C'est triste ! Personne, parmi les membres de cette forte diaspora algérienne ou d'origine, n'a pensé à créer un cercle d'écrivains, de dramaturges, de cinéastes ou d'artistes plasticiens dont les rencontres, sans doute, peuvent engendrer des idées nouvelles pour le pays d'origine ou de mémoire. On ne peut pas imaginer une avancée déterminante dans la politique, dans l'économie ou dans la vie sociale et sociétale en l'absence des enfants de l'imagination. Un peuple vif et ardent est celui qui détient, d'abord, l'énergie et le pouvoir de l'imagination. Le peuple qui ne rêve pas est agonisant. Et c'est le rôle des écrivains et des artistes de réveiller cette magique machine productrice de l'imagination. Sommes-nous un peuple en panne d'imagination ? A. Z. [email protected]