On le croyait affaibli par la crise interne qui le secoue depuis plus d'une année, et l'on pensait qu'il serait victime du Printemps arabe. Il n'en fut rien. Abdelaziz Belkhadem a gagné son pari : le FLN reste la première force politique du pays. Durant cette journée électorale, “l'appareil”, siège central du parti, grouillait de monde. La salle de conférences du rez-de-chaussée est transformée en quartier général des jeunes du parti, qui, munis de laptop, animent les réseaux sociaux, notamment sur facebook. Bien après la fermeture des bureaux de vote, ces jeunes continuaient à occuper la Toile. Au 1er étage, c'est la cellule d'analyse politique, composée d'une brochette de cadres du parti, qui est à l'écoute de ce qui se passe dans tous les bureaux de vote. Au 2e étage, deux autres cellules travaillent d'arrache-pied : celle qui enregistre les taux de participation et les résultats du parti minute par minute, et celle consacrée au vote à l'étranger. Au milieu de la journée, les cadres du parti étaient optimistes. Selon Kassa Aïssi, le porte-parole du parti, “les choses se passent comme prévu. Il n'y a pas d'incidents majeurs et l'on s'attend à un taux de participation acceptable”. Mohamed-Tahar Dilmi, ancien dirigeant de l'UGTA, estime, lui, que “le dernier discours du président de la République y est pour beaucoup. C'est un discours testament qui a eu un grand effet, notamment sur les jeunes”. Et Kassa Aïssi d'enchaîner : “Ma femme a pleuré en l'écoutant.” Les observateurs du FLN, omniprésents, étaient au bout du fil durant toute la journée électorale et signalaient tout au quartier général où les cellules mises en place se chargeaient de recouper les informations. Mais dans la salle de conférences, il y avait plusieurs candidats qui étaient accrochés à leur téléphone, notamment l'ex-épouse de Youcef Al-Qaradhaoui. Malgré ses difficultés à marcher, en raison de talons aiguilles qui n'allaient vraiment pas avec sa taille, elle ne tenait pas en place et répétait inlassablement au téléphone : “Rassurez-moi.” Jusqu'à 22h30, elle n'était toujours pas rassurée. C'est que la concurrence à Alger était tellement féroce que le FLN a éprouvé d'énormes difficultés à arracher quelques sièges. “L'Alliance verte et le PT nous concurrencent partout”, nous lâche un cadre du parti, encore accroché à son téléphone. Elle n'est pas la seule. Le fils de Belkhadem, qui avait accompagné son père tout au long de la campagne électorale, est accroché à son téléphone et tente d'avoir le maximum d'informations sur les scores du parti. Mais les bonnes nouvelles pleuvaient de partout. “On est premier à Bordj Bou-Arréridj, à Marseille, au Caire et en Espagne”, lance-t-on dans la salle. 20h. Lâayachi Daâdouâa annonce la couleur : “Nous sommes optimistes. C'est conforme à nos prévisions.” Une demi-heure après arrive Djamel Ould-Abbès, souriant. “Dieu merci, on dépassera les 40% de taux de participation.” Répondant à ceux qui pariaient sur la déroute du FLN, il empruntera une expression populaire “hna yaaich Kaci” (Ici restera Kaci), tout en taclant les islamistes “il est permis de rêver” et d'affirmer que “le FLN sera premier. J'ai fait cinq campagnes électorales. Le FLN a 58 ans d'existence, il ne faut pas l'oublier”, et il prédit une recomposition du FLN au sein de la future Assemblée, en récupérant ses militants qui ont opté pour d'autres partis ou d'autres listes indépendantes. Vers 22h, Abdelaziz Belkhadem est de retour, lui qui a passé la journée entre les différentes cellules. Il rentre au rez-de-chaussée et annonce tout de go : “Nous sommes premiers à Tipasa, à Skikda, à Oran et à M'sila.” Des youyous fusent dans la salle. Aux journalistes présents, il se contentera de dire : “Je suis confiant. Je l'ai dit dès le départ que le FLN sera la première force politique du pays”, avant de s'éclipser dans son bureau. Belkhadem vient de gagner une autre manche, pas seulement au nom du parti, mais aussi à titre personnel, lui dont le sort à la tête du FLN reste suspendu. Les contestataires, qui lui ont retiré leur confiance, comptent organiser une session extraordinaire du parti le 19 mai pour le destituer. “C'est au secrétaire général que revient, statutairement, la prérogative de convoquer la session du Comité central”, rappelle M. Daâdouaâ, pour qui “la marmite continue à bouillonner”, et à Djamel Ould-Abbès de préciser que “90% des partis politiques sont issus du FLN”. Le renouveau du parti, voilà un défi que Belkhadem veut relever, lui qui a promis de convoquer une session extraordinaire du parti, au lendemain des élections législatives “quels que soient les résultats obtenus par le parti” et lui qui avait promis de démissionner, au cas où le parti viendrait à perdre cette élection. A. B.