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La sociodidactique en débat
Les non-dits d'un projet institutionnel
Publié dans Liberté le 04 - 01 - 2014

Dans le cadre de l'école doctorale algéro-française, des chercheurs algériens sont spécialisés en didactique du français, langue étrangère adoptent la sociodidactique comme paradigme de recherche. Thèses, colloques, formations doctorales sont ainsi mis en œuvre sous ce label disciplinaire. Le département de français de l'université d'Alger 2 par exemple habilite (2013-2014) un doctorat en sociodidactique. Ainsi, on verra bientôt l'élaboration de thèses et des manifestations scientifiques gravitant autour de la sociodidactique.
Les questions de l'enseignement/apprentissage des langues sont traditionnellement discutées dans le cadre de la didactique dont la complexité de l'objet donne lieu à une multitude d'approches consacrées par la littérature spécialisée. Il devient alors intéressant de voir dans quelle mesure la sociodidactique constitue-t-elle une alternative, dépassant le cadre de la didactique ? Où réside sa légitimité épistémologique ? Sinon, à quels types d'enjeux peut répondre la promotion de la sociodidactique ?
La sociodidactique : un non-lieu épistémologique
Les tentatives de définition de la sociodidactique sont fondées sur des prémisses contestables, nous présentant la fondation de la sociodidactique sur le même modèle que celui de la sociolinguistique. Dutercq (2001) parle d'un "monde du dehors" que le préfixe "socio" apporterait à la didactique qui, elle, se rapporte à un "monde du dedans". Chevallar (2007) parle de "niveaux de codétermination didactique". Barre-de-Miniac (2000) parle d'une sociodidactique qui se développerait "au sein" de la didactique. Rispail (1998) parle de la sociodidactique davantage comme d'une "certaine conception de l'école" que comme "un nouveau champ" scientifique. Constatons l'absence de consensus sur la définition de cette sociodidactique. L'immanence, qui caractérise la démarche de la linguistique et qui légitime le renouveau apporté par la sociolinguistique, n'opère pas dans l'opposition didactique et sociodidactique. La didactique, loin de relever de l'immanence, constitue un champ de recherches dont l'objet est complexe à trois variables : les faits de langage, l'enseignant, l'apprenant. Elle est dès l'origine consacrée à la corrélation de phénomènes hétérogènes, en donnant lieu à de multiples approches : D. langue maternelle, D. langue étrangère, D. de langue seconde, D. du plurilinguisme, D. de l'oral, D. de l'écrit, etc. Dès l'origine, elle adopte une démarche interdisciplinaire interrogeant ses paradigmes conceptuels en interaction avec des disciplines connexes : sciences du langage, sciences de l'éducation, sociologie, sciences cognitives, etc. On ne voit pas alors en quoi la sociodidactique vient opérer un profond changement sur le plan épistémologique.
Le contextualisme légitimant la sociodidactique est loin de constituer un argument. Il révèle plutôt une dérive que l'on appelle "l'abîme de la contextualisation" : recueil de données sans fin d'ordre sociologique, anthropologique, ethnographique, pédagogique, historique, culturel, sociocognitif, etc.
Données qu'on ne peut saturer. Damien Le Gal (thèse 2010) n'a pu recueillir des données couvrant des pans entiers de la réalité brésilienne. Se pose alors la question de la pertinence de tant de données. L'auteur parle d'interdétermination à établir entre faits d'un "monde extérieur" (préfixe socio) rapportés à "l'acquisition des savoirs et des savoir-faire" qui constitue une intériorité (didactique). Si cette intériorité correspond à une phénoménologie maîtrisable sur le plan scientifique, l'extériorité ouverte sans fin correspond à une phénoménologie tellement vaste qu'on ne peut la corréler aux premières données avec la précision que requiert la science. La phénoménologie de la didactique est faussement réductible à des savoirs et savoir-faire. Son objet tridimensionnel propose à la fois une intériorité et une extériorité, corrélées par de fortes inter-déterminations. Se creuse aussi un abîme disciplinaire. Au nom de l'interdisciplinarité correspondant à la variété excessive des données, toutes les disciplines des sciences humaines et sociales sont mises à contribution. Rispail &all. (décembre, 2003) convoquent la didactique du français, la didactique des mathématiques et des sciences, la pédagogie, les interactions langagières, l'interculturel, la sociolinguistique, le psychocognitif.
Relativement aux difficultés que pose l'exercice de l'interdisciplinarité, apportons deux remarques. La première est la difficulté de concilier tant de disciplines et d'approches et les rapporter au même objet. Où réside la pertinence à manipuler données d'ordre quantitatif (statistiques-questionnaire) et données d'ordre qualitatif et à procéder par expérimentation et par interprétation et description ?
La réponse se trouve dans une pratique interdisciplinaire centrée autour simplement de la didactique des langues qui envisage son objet dans sa complexité constitutive. Les aspects socioculturels sont inscrits dans les objets d'étude même de la didactique et il n'est nullement besoin de créer le préfixe "socio" qui produira deux effets pervers : extérioriser à tort la dimension socioculturelle de la phénoménologie de la didactique ; créer l'effet de primauté du social sur le didactique. On récoltera alors des études sociologique, ethnographique, pédagogique, politique, écologique (éco-ethno-péda-socio-politico-didactique !) etc. en oubliant le didactique.
Le questionnement des travaux revendiquant artificiellement la sociodidactique relève simplement de la didactique. Sous le label sociodidactique de tamazight, Meksem Zahir, parle d'étude axée sur les contenus et l'intervention didactique. Rispail &all. abordent les interactions en classe, entre enseignants, apprenants et savoir enseigné ; les habitudes langagières scolaires et du quotidien. Au colloque de sociodidactique des langues, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation (mars 2012), ce sont les interactions didactiques et les processus d'apprentissage. Au 3e colloque du Réseau de sociodidactique des langues (octobre 2010, U. de Provence) on parle d'établir "le rôle et la fonction véritable de l'alternance codique dans le processus d'extension de l'enseignement bilingue". Si ce type de questionnement relève de la didactique, la sociodidactique, dépourvue ainsi d'arguments épistémologiques, repose sur des arguments d'ordre institutionnel.
La sociodidactique : les non-dits d'un projet institutionnel
L'ouverture de la didactique à des préoccupations socioculturelles, éducationnelles et politico-linguistiques, répond en réalité à des impératifs institutionnels : créer un cadre permettant de lever les obstacles idéologiques et financiers devant la promotion du français par des projets financés par l'Union européenne, la francophonie et la coopération avec les pays visés.
Les argumentaires défendant la sociodidactique abordent des situations à forte conflictualité sociale et idéologique : le contexte Kanak pour V. Fillol, Singapour pour Wei Yong, le Luxembourg pour Christiane Tonnar-Meyer, la Kabylie pour Meksem Zahir, la Corse pour Alain Di Meglio, Taiwan, la Chine et le Brésil pour Damien Le Gal, le Viêt Nam pour Rispail et all.
Toutes ces contributions portent sur des contextes sociolinguistiques et socioculturels, qualifiés de contextes de résistance : des pays anciennement colonisés, des pays plurilingues, des régions à forte revendication identitaire, des zones de scolarité à forte immigration, des pays de tradition non francophone. Toutes ces situations posent des difficultés à la diffusion de la langue française, perçue comme langue expansionniste : phénomène de minoration des langues et invasion culturelle. Pour faire sauter les verrous, la recherche en sociodidactique qui, en articulant l'intervention didactique aux concepts de société plurilingue et pluriculturelle, contrecarre le discours unificateur des Etats-nations fondant leur idéologie sur l'unicité linguistique et culturelle.
Cortier (2007) parle d'une didactique articulée autour des aspects politiques, institutionnels, socioculturels et sociolinguistiques des contextes étudiés. Rispail et all. (2003), Isabella Alliaga et Martine Dreyfus parlent de projet interculturel plurilingue et interdisciplinaire. Damien le Gal (thèse 2010) parle d'ethnosociodidactique impliquant adultes migrants, étudiants en séjour linguistique, ingénieurs en échange en France, apprenants brésiliens.
Plurilinguisme et multiculturalisme servent à promouvoir dans ces contextes l'idée d'ouverture pour obtenir l'adhésion des pays visés aux projets institutionnels des pays promoteurs de leurs langues : rendre attractifs leurs centres de langues et de recherche d'où les chercheurs étrangers importent l'ouverture interculturelle pour promouvoir chez eux des politiques éducatives favorables aux langues et cultures étrangères.
Cela permet d'externaliser les projets et obtenir des financements dans le cadre de la coopération internationale.
Evidemment, être favorable à la coopération internationale et œuvrer à la normalisation de la recherche. Cependant, on gagnera à expliciter les enjeux. La légitimité des partenaires étrangers à élaborer des projets dont ils tirent bénéfice, ne justifie pas l'attitude passive et la cécité de certains chercheurs algériens, de certains comités et conseils scientifiques, à consacrer un champ d'études dont les fondements épistémologiques ne sont pas établis et qui reposent sur des non-dits institutionnels de politique de recherche étrangère. Y adhèrent-ils en parfaite connaissance de cause, avisés et éclairés ? Quels types de retombées envisagent-ils pour leur société ? Peut-on discerner un doctorat portant la mention sociodidactique alors que la notion est loin d'être consacrée et faire consensus au sein de la communauté scientifique ?
Y. I.
(*) Maître de conférences
Département de français, université d'Alger2
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