Cachez-moi ces supporters…

Tout est politique. L’adage est peut-être discutable. Mais, dans le contexte national présent, il exprime parfaitement l’état d’assignation autoritaire et générale de toutes les activités du pays à un objectif électoral.
Le report du match entre les équipes de football de l’Entente de Sétif et de l’USM Alger procède, à l’évidence, de cette démarche de soumission de la vie nationale à un impératif de réélection. Que l’ajournement ait été ordonné, la veille de la confrontation par une autorité administrative, en lieu et place de l’instance de gestion de la compétition footballistique, atteste du caractère politique de la décision. Que l’initiative convienne aux dirigeants de l’Entente, actuellement amoindrie par des blessures, confirme le caractère ambigu de ce report. En déclarant que “c’est une décision liée à l’intérêt général�, sans plus de précisions, et “dont nous n’avons pas le droit de discuter�, le manager général de l’ESS agrée une espèce de marché tacite : accepter le report et profiter du répit pour réunir ses forces.
Le fait que l’équipe visiteuse était déjà sur la place quand le renvoi du match fut décidé prouve qu’il s’agit là d’une décision, qui en plus d’être autoritaire, fut improvisée et opportuniste.
La visite présidentielle qui coïncide avec la date initiale de la rencontre ajournée justifie mal cette prorogation : s’il est susceptible de poser un problème d’ordre public, un simple report ne constitue point une réponse sécuritaire. L’ordre public ne serait-il requis que pour cette occasion ? D’éventuels troubles ultérieurs seraient-ils donc plus tolérables, parce que sans conséquences sur l’ambiance de la tournée officielle préélectorale ?
La quiétude publique est réputée constituer une préoccupation en soi des autorités nationales et locales. La traiter en simple variable du marketing politique du pouvoir, c’est la sous-estimer comme souci nécessaire et permanent de l’État. Après la visite, le déluge.
Il est vrai que la tentation populiste qui a marqué le mandat du Président a fait des foules de supporters sportifs, notamment parmi les plus jeunes, des cibles politiques. Les audaces du Président qu’on a vu arriver directement sur la main courante du stade de Blida, taper dans le ballon à Bordj Bou-Arréridj, dans les cercles du MCA et de l’USMA, rappeler qu’il fut président d’honneur de la JSK, témoignent de l’attrait que ces multitudes à l’élan massif et d’apparence harmonieuse exercent sur l’homme politique. Ces supporters courtisés, on veut les cacher quand ils risquent de protester.
Mais qu’a-t-on fait pour détourner cette énergie de sa propension à l’agitation qui rend nos stades incertains et nos rendez-vous sportifs inquiétants ?
Il n’y a pas que les défaites de leurs clubs qui soulèvent les jeunes. Leurs besoins s’expriment de manière on ne peut plus éclatante à moult occasions et souvent dans l’émeute spontanée. S’éviter le spectacle des turbulentes protestations en supprimant les opportunités de rassemblement sur le circuit du Président-candidat peut aider à servir, via l’ENTV, une image d’Epigone de l’Algérie de nos jeunes mais ne peut effacer les raisons du ressentiment.
La colère, même éparpillée, même dissimulée, est suffisamment récurrente et répandue pour confirmer l’échec global du régime.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr