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Dr Mourad PREURE, Expert pétrolier international, Président du Cabinet EMERGY à "Liberté"
"Nous sommes loin d'assurer l'équilibre énergétique de l'Algérie"
Publié dans Liberté le 26 - 02 - 2014

Ce spécialiste des questions énergétiques aborde dans cet entretien le retard technologique qu'accuse l'Algérie, cinquante après la naissance de Sonatrach, et relève que notre pays n'affiche pas de grandes ambitions dans le secteur énergétique en dépit d'importants atouts.
Liberté : Quel est l'état de dépendance technologique du secteur des hydrocarbures à l'égard de l'étranger (ingénierie, équipements, prestations de services)
Dr Mourad Preure : Le secteur des hydrocarbures c'est d'abord des gisements, une offre potentielle d'hydrocarbures que l'on met en rapport avec une demande. Cette demande représente la consommation nationale d'hydrocarbures sur le long terme, car on est dans une industrie où l'on raisonne sur vingt ans au minimum et en moyenne sur cinquante ans, et Sonatrach a pour première mission d'assurer l'équilibre énergétique de l'Algérie sur le très long terme. Cette offre représente aussi le niveau d'exportation nécessaire pour répondre aux besoins de financement de l'économie nationale. Cette offre est-elle suffisante, d'une part, d'autre part sommes-nous en mesure de maîtriser sur le plan technologique la stabilité du modèle sur le long terme ? La réponse est incontestablement non. L'industrie des hydrocarbures évolue très vite sur le plan technologique et il faut être aveugle pour dire que nos efforts aux plans de la science et de la technologie sont au niveau de la moyenne mondiale. Avons-nous seulement une université, un institut de formation, un centre de recherche, des sociétés d'ingénierie comparables à ce qui existe dans le monde, à ce qui existe dans certains pays producteurs ? La réponse est non. Notre approche des hydrocarbures est une approche passive, nous les considérons comme source d'exportation, alors qu'il s'agit de la veine jugulaire de l'économie mondiale et que nous avons toutes les qualités et la légitimité pour frayer avec les leaders. On a fait mieux, on a entrepris gaiement de démolir notre joyau, Sonatrach, sous prétexte que certains de ses cadres ont malheureusement transigé avec l'éthique. On a oublié toute la masse de cadres qui travaille dans des conditions extrêmes dans le Sahara, dans les installations industrielles du nord, dans les structures centrales, dans un stress très fort, sacrifiant leur santé et leur vie de famille pour maintenir à flot cette formidable machine technologique que constitue Sonatrach. Pour répondre encore à votre question, nous avons une expertise réelle dans le management des chaînes pétrolière et gazière depuis le puits jusqu'aux installations en aval de liquéfaction de gaz ou de raffinage de pétrole, en passant par un réseau de 14 000 km de pipelines. Mais la puissance d'une compagnie pétrolière réside d'abord dans la maîtrise de ce que l'on appelle les 3G : la géologie, la géophysique et le génie du gisement. Celle-ci permet la fonction supérieure de donneur d'ordres, soit la capacité de manager les sous-traitants à les utiliser au mieux de l'avantage concurrentiel, profitant de la compétition entre eux. Aujourd'hui, les compagnies pétrolières sont des compagnies de blouses blanches, fortes de leurs laboratoires et services d'ingénierie, elles concentrent les activités de conception et de coordination à haute intensité technologique et sous-traitent le reste. Plus même, profitant de la concurrence entre sociétés de service, elle leur imposent de partager avec elles une part du risque (géologique, financier) lié aux activités pétrolières. Et là encore nous sommes loin. Au lieu de protéger notre expertise, incarnée dans les femmes et les hommes de Sonatrach, on a humilié et fait fuir vers les concurrents les meilleurs cadres de Sonatrach. Singulièrement aujourd'hui les installations gazières qataries, par exemple, sont opérées par des techniciens algériens, alors que le gaz produit par ce pays est en train de nous pousser hors du marché européen.
Comment voyez-vous la situation de notre dépendance dans le secteur de l'énergie de façon générale ?
La croissance de notre demande énergétique est forte et totalement découplée de la croissance économique : entre 1980 et 2010 la consommation énergétique nationale a été multipliée par 3, la consommation finale par 3,7, celle des produits pétroliers par 3, la consommation de gaz par 5,4 et la consommation électrique par 4,6. Ces tendances se maintiennent avec encore plus de vigueur et continueront à l'avenir si nous ne faisons rien pour les renverser. Nous sommes loin des performances des économies modernes dont la croissance est moins énergétivore. Nous devons gagner en efficacité énergétique, ceci quel que soit l'état de nos réserves. Notre pays doit engager une profonde réflexion sur ses équilibres énergétiques à long terme, car nous sommes en situation de précarité en l'espèce. D'abord maintenir une courbe d'offre robuste sur le long terme est possible à mon avis, considérant le potentiel de notre sous-sol, et nécessaire aussi, car les ressources en hydrocarbures financent le développement en même temps qu'elles créent un avantage comparatif naturel en mesure de renforcer l'avantage concurrentiel de notre pays dans un monde aujourd'hui en plein bouleversement, où les places sont de plus en plus chères et la compétition de plus en plus intense. Mais il faut absolument contenir la demande interne et basculer vers un modèle de consommation énergétique non fossile, fondé sur les renouvelables et demain sur le nucléaire pour lequel il faut dès lors se préparer. Nous avons une caractéristique unique qui fonde un avantage concurrentiel dont nous devons tirer profit.
Nous avons un ensoleillement exceptionnel ainsi que des réserves gazières conséquentes. Nous pouvons postuler à un leadership dans les centrales hybrides solaire-gaz, concept technologique où le coût du kilowattheure est aujourd'hui optimum. En impliquant Sonatrach, universités et PME nationales nous pouvons construire des alliances stratégiques avec des leaders technologiques mondiaux pour atteindre ce but.
L'ère Khelil (2000- 2010) a-t-elle aggravé cette dépendance technologique ?
Nous savez, comme disent les stratèges : "L'espace, on le domine, mais le temps nous domine toujours". Si vous laissez passer une fenêtre d'opportunités, vous ne la retrouverez plus. À titre d'exemple, nous sommes en train de laisser passer une fenêtre d'opportunités, la crise économique en Europe, pour acquérir des actifs, construire des alliances stratégiques favorables, enclencher un cercle vertueux de développement industriel et technologique en faveur de nos entreprises et de nos universités. Bientôt elle se refermera, nos concurrents en auront profité, contrairement à nous, et il ne nous restera plus que nos yeux pour pleurer. En l'espèce, nous avons raté une décennie de profonds bouleversements de l'industrie pétrolière alors que nous avions les moyens de nous redéployer, d'acquérir des actifs stratégiques en international, de nous consolider sur le plan technologique, diversifier et renforcer nos parts de marché. Nous avons aussi malmené notre législation minière. L'Algérie était connue pour le caractère prospectif de son domaine minier ainsi que par la stabilité et la clarté de sa législation, en l'espèce la loi 86/14. Durant vingt ans, la loi est restée inchangée et, subitement, en une année, elle a été revue deux fois de suite. L'industrie pétrolière a horreur de l'incertitude en matière de lois et règlements, elle en a assez avec l'incertitude géologique, les mouvements erratiques du marché pétrolier, les risques géopolitiques et j'en passe. Cela, alors que de nouvelles provinces pétrolières apparaissaient dans le monde, accentuant la concurrence entre pays producteurs pour attirer les investisseurs étrangers. La conséquence, vous la connaissez avec les ratages des appels d'offres.
Le ralentissement du développement de l'amont algérien se traduit aujourd'hui par un trou d'air dans notre production d'hydrocarbures qui marque un déclin. Je ne suis pas d'accord avec les experts qui parlent de déclin structurel. Je pense qu'il s'agit d'un accident dans la courbe historique, un accident dû à une gestion non orthodoxe de notre politique pétrolière accompagnée par un dynamisme excessif de notre demande gazière.
Sur le plan technologique il y a eu d'abord les mauvais traitements infligés au gisement de Hassi R'mel, la réduction du cyclage, de la part des gaz réinjectés dans le gisement pour compenser le retard d'autres projets gaziers, dont Gassi Touil. Cette réduction de la réinjection a violemment atteint le réservoir de sorte que nous avons une baisse de la pression et des remontées d'eau. Je suis convaincu que Hassi R'mel, qui est une des plus formidables accumulations gazières dans le monde, n'a pas dit son dernier mot pour peu qu'on déploie une véritable stratégie pour lui redonner vie.
Les options exploitation du gaz de schiste et énergies renouvelables, parmi les axes de notre politique énergétique actuelle ne vont-ils pas aggraver davantage notre dépendance technologique ?
Les non conventionnels sont une industrie émergente qui n'a pas encore atteint sa configuration définitive autant sur le plan technologique que pour ce qui est de son modèle économique. L'exemple américain est le seul que nous avons aujourd'hui. Par les volumes en jeu, il s'impose en effet dans les grands équilibres mondiaux et perturbe les jeux d'acteurs. Nous avons des ressources incontestablement, il faut s'en réjouir.
Mais comme toute industrie émergente, l'évolution est darwinienne, beaucoup de compagnies qui s'y sont engagées meurent et sont rachetées avec tout le potentiel technologique qu'elles comportent, les autres veillent à partager le risque et sont disponibles pour des alliances stratégiques. À mon avis, il faut entrer dans les non conventionnels, mais aussi dans les renouvelables, par nos acteurs, par Sonatrach, voire des acteurs privés en recherche de nouveaux domaines d'intervention. Il ne faut pas rater le train car les enjeux sont tels que la technologie va évoluer et on connaîtra des ruptures, des bonds qualitatifs. La fracturation hydraulique laissera la place à de nouveaux concepts, fracturation pneumatique, par arcs électriques, etc.; de même des additifs chimiques biodégradables seront mis au point, des solutions technologiques de rupture verront le jour. Une nouvelle géographie de ces réserves se met en place qui bouleversera la géopolitique des hydrocarbures, et les non conventionnels en sont une pièce maîtresse. Le poids des ressources en jeu est tel que la croissance exponentielle de la demande agira ainsi puissamment sur le progrès technique. Nous ne pouvons pas rester en marge de ces changements structurels alors que nous avons un acteur, la Sonatrach, en mesure d'engager victorieusement la bataille.
Que préconisez-vous pour réduire cette dépendance technologique, renforcer les entreprises du secteur dans ce domaine et partant s'imposer comme un véritable acteur énergétique sur la scène mondiale ?
Nous n'avons d'autre choix que de nous lancer dans la bataille. Nos réserves sont limitées alors que notre expérience et notre expertise nous ouvrent de réelles perspectives. Nous avons 4.5 Tcm de réserves gazières, il y a 80 Tcm au Moyen-Orient. Nos réserves pétrolières représentent seulement 1% des réserves mondiales. L'industrie de l'énergie en général est en pleine mutation vers un nouveau paradigme énergétique où se combinent jusqu'à 2050 les énergies fossiles (aujourd'hui 80% de la demande mondiale et moins de 50% vraisemblablement au-delà de 2050), dont notablement les non conventionnels. Les renouvelables s'affirmeront de plus en plus, puis le nucléaire avec des évolutions majeures dans les réacteurs à eau pressurisée qui prépareront la 4e génération, les réacteurs à neutrons rapides lesquels bouleverseront le paysage énergétique et consacreront un nouveau paradigme énergétique où le nucléaire et les renouvelables domineront l'offre.
Nous ne pouvons pas rester en marge de ces changements et devons nous y engager dès maintenant en mettant en ordre de bataille nos énergéticiens, nos universités, nos PME. Aujourd'hui les compagnies pétrolières tendent à muer en compagnies énergétiques qui, dans une logique "from well to wheel", fournissent indifféremment au client final essence, molécules de gaz, kilowatt-heures. Aucune compagnie significative n'est limitée à son marché domestique, toutes sont déployées à l'international.
Les compagnies des pays producteurs s'internationalisent et se diversifient dans les différentes énergies, dont les renouvelables. Je préconise en ce sens la fusion entre Sonatrach et Sonelgaz pour former un grand énergéticien national, maîtrisant toute la chaîne de l'amont à l'aval et déployé sur toutes les énergies. C'est cet acteur qui engagera résolument l'Algérie dans la transition énergétique en s'imposant dans les renouvelables et se préparera à entrer demain dans le nucléaire. Là encore il ne faut pas rater le train. On ne peut pas se confiner à la position d'exportateur alors que nous disposons de l'expertise d'un acteur de référence, Sonatrach qui a été injustement et contre toute logique sévèrement malmenée.
Il faut renforcer Sonatrach et l'articuler à l'université et à un tissu de PME, sociétés d'ingénierie et de services pétroliers qu'elle entraînerait dans son sillage et qui feraient sa puissance face à ses concurrents. Il faut créer les conditions pour que Sonatrach puisse entrer dans le top ten, figurer parmi les 10 premières compagnies pétrolières mondiales.
Elle en a les moyens, ce faisant elle donnera un surcroît de puissance décisif à l'Etat algérien. Faut-il encore que nous ayons l'ambition de l'y amener.
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