Les jeux semblaient clairement établis pour l'accomplissement du 4e mandat. La campagne électorale présage, néanmoins, une issue différente pour la présidentielle du 17 avril 2014. L'investissement d'Ali Benflis dans la promotion de sa candidature a donné au processus électoral une forme bicéphale, inédite dans l'histoire du pays. Benflis, président ! Ce qui paraissait improbable, il y a trois semaines, devient désormais possible à quelques encablures du jour du scrutin. Sans manipulation des résultats des suffrages au profit du Président sortant, l'on s'achemine inévitablement vers un vote favorable à l'ancien chef de gouvernement. S'il n'est pas élu au premier tour, même avec une petite marge, il imposera fatalement un deuxième round. Ce n'est guère là une vue de l'esprit, mais bien une réalité qui s'est construite au gré du rythme de la campagne électorale. Ali Benflis a, certes, entamé l'opération de promotion de sa candidature à la magistrature suprême sans fracas. De meeting en meeting, il a gagné, néanmoins, de l'assurance en fédérant de plus en plus de citoyens autour de son projet, celui de prendre les commandes du pays à l'issue du scrutin de jeudi prochain. Dans la majorité des wilayas qu'il a sillonnées durant les vingt-trois jours de la campagne, il a réussi des démonstrations de force, surprenantes, qui le hissent du statut d'outsider à celui de favori. C'est dans les foyers de tension, là où les partisans de la reconduction de l'actuel président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à sa fonction sont rejetés parfois violemment, que le rival réussit ses meilleures performances. À l'est du pays, territoire pratiquement interdit pour les promoteurs du quatrième mandat, Benflis rassemble les électeurs par centaines, à telle enseigne qu'il se permet des bains de foule à Batna et Khenchela. Dans la localité de Bouchegouf (Guelma), il improvise un discours sur le toit d'une voiture, entouré de dizaines de citoyens. À Béjaïa, Tizi Ouzou, Ghardaïa, Sétif, Aïn Témouchent, Tlemcen... partout, il fait salle comble. Il est parvenu à susciter l'engouement, alors qu'il a été absent de la scène publique pendant dix ans et qu'il traîne de nombreux boulets de son passé politique, notamment son parcours de plusieurs années aux côtés de son principal adversaire dans cette joute électorale (directeur de campagne, chef de cabinet puis chef du gouvernement du président Bouteflika entre 1999 et 2003). Il est évident qu'Ali Benflis tire un avantage d'une opposition franche et marquée au quatrième mandat. Le refus est exprimé aussi bien par des citoyens lambda que par des personnalités influentes, à l'instar de l'ancien chef de l'Etat, Liamine Zeroual, ou encore — dans une interview filmée et diffusée à titre posthume — Ali Kafi, et aussi de hauts gradés militaires à la retraite, d'anciens ministres, universitaires, artistes... Le candidat profite aussi de l'éclipse du Président sortant de la campagne électorale pour occuper le terrain, imposer sa présence, se placer comme l'incontournable alternative au statu quo. Il fait valoir aussi l'atout de celui qui propose un projet de société inexpérimenté, tandis que le camp concurrent est comptable d'un bilan controversé de quinze années aux commandes de l'Etat. La direction de campagne d'Ali Benflis mise aussi énormément sur les nouvelles technologies de l'information et investit les réseaux sociaux. La stratégie de communication s'appuie vraisemblablement sur de bons conseillers qui l'adaptent au développement des événements. Le succès de la campagne électorale de Benflis inquiète les partisans du quatrième mandat. À moins d'une semaine de la date du scrutin, ils multiplient, directement ou par le truchement de leurs relais médiatiques, les attaques contre le candidat, jusqu'à l'accuser d'incendier les permanences électorales de ses concurrents et d'inciter les électeurs à empêcher Sellal et les autres d'animer leurs meetings dans de nombreuses régions du pays. Le Président-candidat, jusqu'alors en retrait de la bataille électorale pour cause de maladie, est mis à contribution. Lors de sa rencontre avec le ministre espagnol des Affaires étrangères, il se plaint d'une "campagne électorale dure" et dénonce ce qu'il a considéré comme "un terrorisme télévisé", soit la propension de Benflis à recourir aux manifestations de rue pour empêcher l'administration, dont les walis, de falsifier les résultats des urnes. S. H Nom Adresse email