«Dieu soit loué», quand Al-Sissi sera au pouvoir, le pays retrouvera sa prospérité d'antan... La chanson tourne en boucle en Egypte. Le scrutin qui doit le sacrer commence aujourd'hui sur fond de violences quasi quotidiennes. D'un côté les attentas terroristes et, de l'autre, des heurts entre pro-Morsi et policiers qui se poursuivent malgré la répression. Vendredi, le camp du maréchal pouvait s'enorgueillir d'avoir eu la peau de Shadi el-Menei, considéré comme le chef d'Ansar Beit al-Maqdess, un groupe disant s'inspirer d'Al-Qaïda qui a revendiqué des attaques contre les forces de sécurité depuis l'éviction du président islamiste Mohamed Morsi le 3 juillet 2013. Son assassinat a été présenté dans le tableau de chasse de l'armée, un lourd tableau avec plus de 1 400 morts depuis la fermeture de la parenthèse des Frères et l'incarcération d'au moins 15 000 personnes avec la condamnation à mort de centaines parmi elles, dans des procès de masse de type stalinien. "Nous ne nous arrêterons pas tant que nous n'aurons pas vengé le sang et les corps des musulmans", a encore réaffirmé Ansar Beit al-Maqdess qui avant la destitution et l'incarcération de Morsi, visait Israël en s'en prenant aux gazoducs l'approvisionnant via le Sinaï pour, ensuite, étendre son champ d'action au delta du Nil et au Caire. Depuis peu, une nouvelle organisation terroriste fait parler d'elle, Ajnad Misr (les soldats de l'Egypte), composé de djihadistes de retour de la Syrie. Al-Sissi qui a été ministre de la Défense de Morsi a accusé les Frères musulmans d'être derrière les attentats terroristes, ce que la confrérie d'Al-Banna, pendu, pour l'histoire, par le colonel Gamal Abdel Nasser dont le futur raïs proclame la paternité symbolique, essayant de raviver la flamme de l'Egypte post-royaliste et anti-impérialiste, elle aussi déclarée organisation terroriste, a toujours nié. Selon le gouvernement intérimaire, dirigé de facto par l'armée, plus de 500 personnes, essentiellement des policiers et des soldats, ont été tuées dans des attentats depuis la destitution de Morsi. Les civils, eux, en sont les victimes collatérales. D'ailleurs, al-Sissi a fait de la lutte antiterroriste sa priorité pour rétablir la sécurité et redresser l'économie en ruine. Selon lui : parler des libertés ne devrait pas primer sur la sécurité nationale. Militaire qu'il est, le président postislamique a averti ses électeurs que la démocratie et les droits de l'homme ne seront pas établis avant 20 à 25 années ! En cela, il n'aura rien inventé puisque cette fallacieuse assertion trotte dans la tête de tous les dirigeants arabes, y compris chez les civils. Comme il a interdit toute manifestation non autorisée par le ministère de l'Intérieur : autre similitude avec ses pairs arabes. Amnesty International a fait état la veille des élections de civiles victimes de disparitions forcées et détenus au secret dans un camp militaire à Ismaïliya, au nord du Caire. Explication d'Al-Sissi : la situation "ne permet pas" des manifestations qui ne soient pas réglementées. Dans un dîner auquel la presse étrangère a été conviée sur l'île cairote cossue de Zamalek, des généraux de l'armée n'ont pas hésité à dire qu'il fallait "se débarrasser" des Frères car ce ne sont pas de "vrais Egyptiens" ! De quoi avoir froid dans le dos. La campagne électorale qui a été pour le moins morose et malgré la présence de deux lapins dont le chef du parti communiste, s'est déroulée sur fond d'attentats jusqu'aux abords de l'université d'Al-Azhar dont les étudiants ont fini leurs examens et sont déjà en vacances. Signe, selon les anti-Sissi, que la stabilité tant louée par les militaires et la police est loin d'exister. Cela dit, les observateurs ne s'attendent pas à une fraude sous forme de trucage des urnes, les jeux étant faits depuis que l'idée de raïs commençait à trotter dans la tête du maréchal. Hamdine Sabahi, son rival, a beau être un véritable homme politique qui s'est battu pour des convictions politiques, il n'a pas du tout émergé à l'ex-patron de l'armée qui a eu tout le soutien des institutions du pays. Sabahi devait savoir qu'il n'a été qu'un lièvre, pas plus. A l'instar du dernier référendum sur la Constitution, présenté par l'armée, un bon nombre d'Egyptiens sont convaincus qu'en votant pour Al-Sissi, ils votent pour défendre leur pays. La question finalement est de savoir si le plébiscite du maréchal va rétablir la stabilité dans le pays. Peut-être à long terme mais dans l'immédiat, c'est peu probable même en instaurant une dictature militaire. D. B. Nom Adresse email