Entre Alger, Ouaga et Paris, une controverse s'est installée autour du nombre exact des passagers de l'AH 5017. Si Alger et Ouaga donnent le chiffre de 116 passagers, équipage compris, Paris donne le chiffre de 118. Dans d'autres circonstances, cette situation aurait prêté à sourire, mais les trois capitales et l'ensemble de la communauté internationale font face à un drame où la maîtrise du nombre des passagers et de leur identité est capitale dans la détermination des circonstances du crash, ainsi que pour la facilitation de la tâche d'identification des cadavres. Selon les professionnels approchés, il est de nos jours impensable qu'un vol décolle d'une destination à une autre sans que plusieurs acteurs techniques, commerciaux et institutionnels disposent du nombre exact des passagers à son bord. Mieux, depuis le 11 septembre 2001, les compagnies aériennes sont dans l'obligation de donner un certain nombre d'informations, jugées auparavant privées, aux services de sécurité des pays engagés dans la lutte contre le terrorisme. Au moins une compagnie opérant dans le ciel algérien a été déjà pénalisée par le passé pour avoir enfreint cette règle de prudence. Avant d'émettre des hypothèses pour expliquer cette controverse sur les chiffres, nous avons essayé de comprendre la place que prend le comptage des passagers dans la réalisation d'un vol. Globalement, ce dernier passe par le cheminement suivant : commercial - sécuritaire - commercial - technique. À l'exception de l'étape sécuritaire, le reste est géré par les compagnies aériennes. La première étape commerciale est celle de la réservation du titre de transport et de l'enregistrement au vol. Lors de la réservation d'un vol et de son achat, un "PNR" suivi d'une "TST" est créé pour chaque client par l'agent de réservation. Depuis septembre 2011, l'agent de réservation réalise une "Apis" pour chaque client. À ce stade, la compagnie dispose déjà, sur son "GDS", du nombre exact des passagers et leurs profils. Le jour de la réalisation du vol, le passager se présente à l'enregistrement à l'aéroport de départ. Cette étape d'enregistrement est conditionnée par l'exécution, par la compagnie aérienne, d'une série de contrôles appelés "contrôle documents". Sont vérifiés : le passeport, sa validité, le visa, les autres justificatifs d'entrée au pays de destination, l'âge, le sexe, les conditions d'hygiène et de santé, les différentes autorisations... À l'issue de l'enregistrement, la compagnie dispose dans son GDS du nombre exact des passagers qui se sont présentés à l'aéroport et remplissant les critères administratifs pour quitter le territoire. Une fois l'enregistrement terminé, commence la deuxième étape, purement sécuritaire, quand les passagers passent les formalités de police et de douane. Ici, le comptage, les vérifications et les statistiques ne sont plus du ressort de la compagnie aérienne, mais des autorités sécuritaires du pays de départ. En effet, après vérification, les passagers éligibles à quitter le territoire passent à l'embarquement et leur nombre est porté sur les statistiques "départs" des services de sécurité et des statistiques du pays. Dans une troisième étape, la compagnie aérienne reprend l'initiative pour assurer l'embarquement. Avant de monter dans l'avion, les passagers passent le "Gate" où les données des cartes d'accès sont récupérées manuellement ou électroniquement grâce à des imprimantes-scanners. Un passager qui franchit le Gate est considéré comme faisant partie du vol. La procédure du Gate débouche sur l'étape où les passagers prennent possession de leur siège dans l'appareil. Intervient alors, immédiatement, l'envoi d'un manifeste appelé "mouvement de décollage" aux escales censées accueillir l'aéronef. Ce document donne le listing des passagers ayant accédé à l'appareil ainsi que les éléments récupérés grâce aux Apis renseignées au moment de la création du PNR. Enfin, une fois tous les passagers à bord, une quatrième étape, sous l'autorité du commandant de bord, est effectuée : le comptage, le centrage et le devis du poids. L'agent au sol de la compagnie remet au commandant de bord le listing des passagers ayant traversé le Gate. Sur la base de ce dernier, un premier comptage est effectué par le chef de cabine dans le sens cabine - arrière de l'avion. Un autre comptage, dans le sens inverse, est réalisé par une hôtesse ou un steward. Après le comptage, le commandant de bord procède à une manœuvre sans laquelle il est quasi impossible que l'avion décolle. C'est le "centrage". Une opération durant laquelle il sera procédé au "calage" de la cabine et de la soute. Pour ce qui est de la cabine, il s'agit du cadrage du nombre des passagers, leur sexe et tranches d'âge, au poids moyen par passager.Le centrage conjugué au devis du poids permet au commandant de bord de paramétrer le vol et, entre autres, de valider le besoin en carburant. Une fois l'opération de réalisation d'un vol décortiquée pour nos lecteurs tout en mettant l'accent sur la place du comptage des passagers, il s'avère que le chiffre exact des passagers d'un vol est celui donné après le Gate par "le mouvement d'embarquement". C'est un document propre à la compagnie aérienne, ici Air Algérie, que son escale à Ouaga a communiqué à son homologue d'Alger. Les données communiquées par Ouaga sont celles de ses services de police et leur concordance avec ceux d'Alger prouvent que les mêmes passagers qui ont effectué les formalités de police sont ceux ayant pris place dans l'appareil avec des billets d'accès, donc passés par le Gate. Alors, d'où sont venus les 2 passagers supplémentaires que donnent les chiffres de Paris ? Si ces deux passagers existent réellement, ils avaient pris place dans l'appareil sans passer par la zone sous-douane ni la salle d'embarquement. Ils se seraient donc introduits directement dans l'avion depuis la piste. Si ce n'est pas le commandant de bord qui a donné ce détail, puisqu'il a péri dans le crash, d'où Paris pourrait-il tenir ces affirmations ? Les services français auraient-ils eu vent d'une telle présence discrète grâce à une présence sur place de ses agents ou grâce aux écoutes des échanges téléphoniques entre la cabine de pilotage et d'autres parties ou même aux alentours de l'aéroport de Ouaga ? Le mystère reste entier. M. K. Nom Adresse email