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"Roblès a toujours réfléchi sur son art"
GUY DUGAS, PREFACIER DU RECUEIL INEDIT "MALIKA ET AUTRES NOUVELLES D'ALGERIE"
Publié dans Liberté le 06 - 11 - 2014

Professeur de littérature comparée à l'université Paul-Valéry (Montpellier III), il dirige le Fonds Roblès-Patrimoine méditerranéen. Il a réuni des nouvelles inédites d'Emmanuel Roblès qui viennent de paraître aux éditions El-Kalima. Guy Dugas était invité au Sila pour prendre part à l'hommage à Roblès, qui a été organisé dans le cadre du programme culturel de ce Salon (qui prendra fin samedi). Dans cet entretien, il revient sur l'élaboration de ce recueil et évoque Roblès le nouvelliste.
Liberté : Qu'est-ce qui vous a motivé à sélectionner des nouvelles inédites d'Emmanuel Roblès contenues dans le recueil Roblès et autres nouvelles d'Algérie ?
Guy Dugas : C'est le centenaire d'Emmanuel Roblès, il aurait eu 100 ans au mois de mai 2014 – il était né le 8 mai 1914 à
Oran – ; il y a eu un certain nombre de manifestations et il y en aura d'autres également, puisque les 7 et 8 novembre à Limoges, nous avons le colloque du centenaire sur Emmanuel Roblès et le théâtre.
Et je souhaitais qu'il y ait quelque chose qui se fasse en Algérie également sur Emmanuel Roblès, qui est né en Algérie, qui a vécu une bonne partie de la guerre d'Algérie ici, qui a monté des revues, en particulier la revue Forge dès 1947, qui a été la première à publier des auteurs maghrébins en français et en arabe, première revue bilingue, la revue où a débuté Kateb Yacine qui signait à ce moment-là Yacine Kateb, et bien d'autres encore. Et puis Emmanuel Roblès, après avoir quitté l'Algérie ne s'est pas désolidarisé pour autant puisqu'il a publié dans sa célèbre collection "Méditerranée", aux éditions du Seuil, tous les auteurs maghrébins, algériens, depuis Mouloud Feraoun qui était son ami et condisciple à Bouzaréah et à qui est dédiée une des nouvelles de ce recueil, jusqu'à Tahar Djaout, à qui est dédiée la nouvelle Malika, qui a été écrite peu de temps avant la mort de Tahar Djaout, laquelle mort de Djaout a précédé de peu aussi celle d'Emmanuel Roblès, qui est mort en 1995.
Donc je souhaitai que quelque chose soit fait en Algérie, j'avais déjà réédité, en particulier dans une grosse anthologie qui s'appelle Algérie, rêve de fraternité aux éditions Omnibus, les Hauteurs de la ville, qui est son roman algérien le plus important, le plus connu. Et avec Naïma Beldjoudi des éditions El-Kalima, nous avons réfléchi à ce que nous pouvions faire de mieux, et nous avons pensé que ce qui était le mieux c'était quand même de rééditer chez lui, en Algérie, des textes inédits. Alors j'ai fouillé, j'ai retrouvé un certain nombre de nouvelles qui n'avaient jamais été publiées, et je les ai réunies dans ce volume-là. C'est vraiment un volume très algérien qui nous amène d'Oran dans certaines nouvelles (Taureau à Oran par exemple qui fait revivre les corridas et les arènes d'Oran), à la Kabylie (Malika ou le Rossignol de Kabylie sont deux nouvelles qui sont situées en Kabylie) ; on parcourt toute la Kabylie que Roblès connaissait bien parce qu'il allait y voir son ami Feraoun.
Roblès le nouvelliste est peut-être une facette pas très évidente. On le connaît davantage par et pour son théâtre.
Ce n'est pas un problème proprement algérien, et proprement lié à Roblès, la nouvelle est un genre méconnu, mal-aimé par les éditeurs du monde entier. Effectivement, Roblès est davantage connu par son théâtre et encore ! Disons que Montserrat, sa pièce majeure, a écrasé un peu toutes les autres pièces, et j'avais pensé aussi – et il n'est pas impossible qu'on le fasse avec Naïma – rééditer une autre de ses pièces qui s'appelle "Plaidoyer pour un rebelle", qui est inspirée de l'affaire Fernand Yveton ; cette pièce a été écrite à la fin de la guerre d'Algérie et jamais jouée en Algérie, pourtant c'est une pièce qui est inspirée par l'Algérie. Il y a comme ça des hasards de l'histoire, des raccourcis de l'histoire... et Roblès est très méconnu en Algérie par rapport à un Camus par exemple.
Et pourquoi, d'après vous ?
Je crois que Camus et toutes les polémiques qui ont suivi sa mort, toutes les passions qui continuent d'être alimentées en bien et en mal, a un peu écrasé tout ce qu'on appelait à l'époque l'Ecole d'Alger, qui était derrière lui. Moi, je suis très heureux que le Salon du livre d'Alger ait cette mémoire-là ; ça fait deux fois que je reviens : en 2007 j'étais là pour le centenaire de Jules Roy, qui également faisait partie de ce que lui appelait "la bande à Charlot", et là je reviens pour le centenaire de Roblès, et j'espère revenir l'année prochaine puisque ce sera le centenaire d'Edmond Charlot lui-même. Et Alors, nous avons, en France, réussi –je suis très heureux, très fier d'avoir fait cela – à faire inscrire le centenaire d'Edmond Charlot aux célébrations nationales du ministère de la Culture en France.
Et je suis sûr que les Algériens vont également célébrer comme il se doit le centenaire de ce très grand animateur de la vie culturelle en Algérie, avant la guerre et pendant la guerre d'Algérie. Il ne faut pas oublier que sa maison d'édition-librairie dans l'ancienne rue Charras, a été plastiquée par l'OAS deux fois, dans les derniers mois de la guerre d'Algérie, et que ça ne l'a pas empêché de continuer à publier tous ces auteurs –il a publié Jean Sénac alors que Charlot était en France et a continué à diriger les centres culturels français à Tanger, à Izmir où il a fait venir des écrivains maghrébins dans les années 1970 et 1980, quand ce n'était pas évident tout cela. Donc on prolonge le centenaire de Roblès par le centenaire d'Edmond Charlot également, on ne quitte pas la littérature des Maghrébins. J'ai toujours pensé qu'en dépit des tensions, des conflits, des incompréhensions, il y avait toujours un fil secret qui unissait les Feraoun aux Roblès, les Charlot à Himoud Brahimi par exemple. Je ferai un livre pour le centenaire de Charlot qui mettra en évidence le lien entre Momo et Edmond Charlot. Il y a comme ça des liens secrets qui ont toujours continué tout le temps et qui sont ravivés à l'occasion du Salon du livre. Je trouve que c'est une belle réalisation et je suis très content de souligner l'effort des organisateurs de ce Salon et saluer vraiment leur esprit d'ouverture.
Comment lire Roblès ? C'est un auteur classique ?
Roblès est indéniablement un auteur classique. Son théâtre prenait par exemple les règles du théâtre classique, vous savez, en un temps, en un lieu, un seul fait raconté. C'est exactement ça dans, "Montserrat", on a une unité de temps, de lieu et d'action. On est vraiment dans le théâtre le plus classique. Les romans aussi, ce sont des lectures relativement aisées, il n'y a pas de coupures dans la chronologie. La nouvelle oblige, il le dit d'ailleurs Roblès, et je le souligne dans la préface, est un exercice extrêmement difficile pour un écrivain, et c'est pour ça, je crois, qu'en dépit des difficultés, tous les écrivains tiennent à pratiquer la nouvelle comme une sorte d'exercice de style. Et Roblès faisait cela. Il dit ça m'oblige à la concentration, moi qui suis un écrivain méridional qui ai tendance à me disperser, à rallonger les sauces, ça m'oblige au straight writing, l'écriture resserrée d'Hemingway qu'il affectionnait et aimait beaucoup. Et j'ai été surpris de voir parmi ses nouvelles, une d'entre elles, "le Bal du dimanche", qui est écrite sans ponctuation et dans laquelle on voit un personnage sombrer progressivement dans une espèce de folie, dans une sorte de délire. C'est rare chez Roblès, non pas les personnages qui sombrent dans des délires –il y en a– mais ce type d'écriture sans ponctuation avec des ruptures de style, c'est très rare chez Roblès.
Vous dîtes dans votre préface que Roblès a "théorisé" la nouvelle. Pourriez-vous nous en parler ?
Finalement, Roblès réfléchissait –même si ce n'est pas de la théorisation dans le sens des grandes théories littéraires–, a toujours réfléchi sur son art, que ce soit sur le théâtre ou la nouvelle, mais il n'a pas écrit d'essais là-dessus. J'ai la grande chance, grâce à la fille d'Emmanuel Roblès, et puis au fonds que j'ai créé à l'université de Montpellier, d'avoir accès aux archives d'Emmanuel Roblès ; et dans ses archives, il y a les textes de ses conférences notamment, il a fait beaucoup de conférences sur l'art de la nouvelle –c'est là où j'ai pris les citations qui sont dans la préface– et également sur son théâtre, et c'est là où on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de métatextes qui évoquent l'art du théâtre, comment il imagine l'écriture théâtrale, l'écriture de la nouvelle. Il y a vraiment une réflexion sur son propre art. Il y a également cette réflexion chez beaucoup d'auteurs ; souvent ça apparaît dans le journal intime que beaucoup d'écrivains tiennent au jour le jour, et Roblès a tenu aussi un journal intime qui n'a pas été publié parce que là aussi c'est très difficile de publier les journaux intimes, pour des questions commerciales, éditoriales. Je sais que beaucoup d'écrivains francophones ont en tenu, et que ces journaux intimes sont des laboratoires de l'œuvre, très utiles pour comprendre la fabrication de l'œuvre. J'ai eu l'occasion d'en publier, notamment le journal intime de Pierre Loti, et j'ai aidé à la publication du journal intime de Jules Roy à l'époque où il vivait encore, et c'est très difficile de faire accepter aux éditeurs, en particuliers tous ces aspects-là de travail sur l'œuvre, de laboratoire de l'œuvre.
Ça a été le cas pour Jules Roy, par exemple, les éditions Albin Michel nous ont dit : Vous publiez le journal intime mais vous publiez ces rencontres avec Mitterrand, ces grandes rencontres avec de grands écrivains, ces voyages ici où là, ce que maintenant on appelle en France le journal extime. Et l'intime on n'aime pas tellement, surtout quand ça théorise justement, quand ça analyse l'œuvre.
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