De derrière la grille d'où l'on peut voir l'intérieur à l'état pâlot, sinon plaintif du hall de l'ancienne salle de cinéma le Capri, on en arrive à la conclusion qu'il ne reste plus rien d'un cinoche qui illuminait jadis l'avenue Hamani. Situé au rez-de-chaussée de l'édifice n°8 de l'ancienne rue Charras, le Capri – ou ce qu'il en reste – est laissé dans l'"obscurité" par ceux-là mêmes qui se devaient de lever le voile de l'ignorance sur notre jeunesse. Ses murs sont en ce moment décrépis et la boiserie du vestibule s'en va en morceaux. En effet, l'affront à ce musée du 7e art est visible dès que l'on s'approche du brocanteur et du bouquiniste qui ont élu étal au pied de l'escalier du Capri. C'est dire que le Capri donne encore et toujours de sa... "personne", ou plutôt de ses murs à l'art, quand bien même il s'agirait de vieilleries et de vieux bouquins. Pis, le jet d'amas d'ordures qui s'entassent dans l'indifférence du beylik et l'épaisse couche de poussière témoignent de l'abandon dont se sont rendus coupables ceux-là mêmes qui sont pourtant responsables de la sauvegarde d'un fleuron du patrimoine cinématographique. Seulement, et pour pouvoir évaluer l'inestimable Capri, il faut avoir à l'esprit le souvenir d'une salle qui faisait les beaux jours d'Alger et avoir lu le livre Sauvons nos salles de cinéma, publié aux éditions FCNAFA. Ainsi, "ils" auront un aperçu de ce qu'était l'Alger d'antan, où il faisait bon sortir en groupe d'amis ou en famille pour une matinée ou une soirée en cinéma que nos jeunots ne connaissent pas. En effet, pour les croulants de cinéphiles qui s'en souviennent, l'ancien le Vox illustre une tranche de vie qui donnait l'envie de vivre aux Algérois, épris de la culture du beau. Et dire que le Capri est un patrimoine baptisé depuis au nom d'Ismaïl-Messaoud-Khelladi et versé dans les actifs du département ministériel de l'Enseignement supérieur pour avoir accueilli, on s'en souvient, la pléthore d'étudiants de la faculté Benyoucef-Benkhedda que ne pouvait contenir l'amphithéâtre du passage-tunnel sis à l'avenue Maurice-Audin. Autres temps, autres mœurs où notre patrimoine de salles de cinéma s'en va à vau-l'eau, sans que cela émeuve qui que ce soit. Dommage ! L. N.