Ces états généraux seront présidés par le président de la République. Plus d'un millier de participants y prendront part, dont l'ensemble des membres de la commission Issaâd et de hauts magistrats étrangers. Branle-bas de combat à la chancellerie. La tenue demain et après-demain d'une conférence nationale sur la réforme de la justice au Palais des nations (Club des Pins) accapare l'attention de son principal locataire et de ses collaborateurs. Organisées sous le haut patronage du président de la République — qui y prononcera un discours d'ouverture —, ces assises sont un test d'aptitude pour le département de Tayeb Belaïz à mettre en pratique les exhortations de la commission de refonte présidée par le juriste Mohand Issâad, il y a plus de cinq ans. Depuis, de nombreux chantiers visant la modernisation du fonctionnement de la justice et la mise en conformité de sa législation avec le droit international ont été ouverts. Les principaux chapitres sont listés dans un livret édité en perspective de la conférence du Palais des nations et distribué hier aux journalistes. Les représentants des médias étaient conviés à une conférence de presse initiatrice du rendez-vous de lundi. Elle était animée par Abdelkader Sahraoui, chef de cabinet. Dans son exposé, des actions menées jusque-là par le ministère, il s'est fait écho d'un large satisfecit. “Beaucoup de choses sont réalisées. Le justiciable le ressent”, a asséné l'orateur. Il fera la distinction entre les mesures d'urgence prises au lendemain de la publication du rapport Issaâd et des réformes engagées dans la durée. La consolidation du droit à la présomption d'innocence, des droits de la défense, la limitation de la durée de la garde à vue et de la détention préventive, la réparation en cas d'erreur judiciaire, ainsi que la formation des magistrats sont les maîtres-mots des opérations immédiates diligentées par le ministère de la Justice. L'humanisation des conditions de détention dans les prisons en est une autre facette. D'après l'adjoint de Belaïz, “la situation est satisfaisante”. Les visites — huit en tout — effectuées par des représentants du Comité international de la Croix et du Croissant-Rouge (CICR) sont censées accréditer ses assertions. Le programme de construction de 42 prisons sur le territoire national, d'une capacité d'accueil de 36 000 détenus, est également de nature à consolider les efforts déployés par la tutelle. Il est appuyé par le renforcement de la couverture sanitaire des incarcérés, le renouvellement du matériel de couchage et l'augmentation de la valeur de la ration alimentaire, 56 DA par détenu. La formation du personnel d'encadrement et le renforcement de l'action rééducative sont, en outre, mises en exergue. Selon M. Sahraoui, 3 000 sur un ensemble de 42 000 détenus suivent un enseignement scolaire, universitaire ou des formations professionnelles. Cependant, bien que pourvus de diplômes, leur réinsertion sociale n'est pas garantie. À ce propos, le collaborateur de M. Belaïz regrette l'inexistence de contrats d'embauche avec les entreprises. Sur le plan législatif, la nouvelle loi promulguée le 6 février 2005 vise à favoriser le recours à la liberté conditionnelle. Dans l'absolu, la souplesse dont ce texte fait la promotion doit aussi conduire les juges à limiter l'usage de la détention préventive. Or, quand bien même le chef de cabinet de la chancellerie minimiserait le nombre de prévenus (13%) de la population carcérale, il reste que la mise sous mandat de dépôt est quasiment érigée en règle. “La chancellerie n'a pas le droit d'interférer dans la décision du juge. De telles décisions sont laissées à sa libre appréciation”, justifie l'animateur de la conférence de presse. Il fait observer, par ailleurs, que des alternatives comme la mise sous contrôle judiciaire sont utilisées. En tout cas, très peu. Le manque de qualification des juges et leur zèle sont l'essentiel des reproches exprimés par les justiciables et les ONG. Aussi la chancellerie a-t-elle inscrit leur formation au centre de ses préoccupations. S'activant pour une meilleure spécialisation des magistrats, elle s'applique en priorité à combler les déficits quantitatifs. Selon son directeur de cabinet, 300 magistrats seront formés annuellement. À l'horizon 2009, les nouvelles recrues seront de l'ordre de 1 500, soit un tiers des effectifs actuels. En vue d'un meilleur rendement, des stages de recyclage sont organisés en France, en Belgique et en Italie, mais également en partenariat avec l'Union européenne et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Le but étant d'aboutir à “des décisions de justice de qualité”, dixit M. Sahraoui. En attendant, la célérité dans le traitement des affaires est qualifiée d'avancée importante. “Il n'y a aucune affaire pendante datant de 2003 ou même du premier semestre 2004”, assure l'orateur. Mieux, il souligne que “80% des décisions de justice sont exécutés”. La consécration des droits des justiciables trouve son couronnement dans la modification des lois le concernant directement. Le représentant du ministre évoque l'adoption de dizaines de textes réglementaires et de 18 autres législatifs, dont le code pénal et le code de procédure pénale, les codes de la famille et de la nationalité, des lois sur la lutte contre le blanchiment d'argent, les stupéfiants, le crime organisé… Le code civil et de procédure civile est en cours d'élaboration. “Il contient 1 760 articles”, soutient M. Sahraoui. Celui-ci parachève son bilan de la réforme par l'énoncé des actions d'informatisation du secteur telles que les archives, les fichiers des casiers et les dossiers judiciaires, le mouvement des détenus, les carrières des magistrats… Des invités de haute tenue 1 400 participants prendront part à la conférence nationale sur la justice. Parmi les invités figurent des personnalités étrangères, notamment européennes. Le ministre délégué espagnol de la justice, les premiers présidents des cours de cassation françaises et belges, le vice-président de l'école de magistrature de l'Hexagone, une représentante du garde des sceaux italien seront au rendez-vous. Le président de l'Union internationale des huissiers de justice et des officiers judiciaires est également attendu. De même, une pléthore d'experts, dont un spécialiste de l'informatique de Dubaï, prendront part aux assises. S. L.