Saliha Djebala est poétesse zénète. Elle est l'une des rares à composer dans sa langue. Originaire de Timimoun, Saliha compose sur tous les sujets, notamment l'amour. Pour elle, parler en zénète est d'abord un devoir et une obligation pour faire vivre cette langue, menacée de disparition. Liberté : Vous êtes poétesse et vous êtes l'une des rares à écrire dans votre langue zénète et qui tend à disparaître. Vous écrivez dans d'autres langues ? Saliha Djebala : À Timimoun, il y a ceux qui évoquent l'Ahellil comme expression de la langue zénète, mais cela est resté confiné dans le folklore. Parmi les plus célèbres des poètes de l'Ahellil El Hadj Barka Foulani, il y a également des femmes poétesses. Je voudrais aussi parler de Barka Ghantioui, qui est aussi chercheur dans le patrimoine local. Ma poésie dans ma langue est une inspiration de ce que faisais mon père. Il était poète en zénète et c'est grâce à lui que je suis venue dans ce domaine. Il m'a beaucoup aidée pour me lancer dans ce créneau dans ma langue. Le zénète est une langue qui tend à disparaître, quel est selon vous le rôle du poète dans la sauvegarde de ce patrimoine ? Je dois d'abord souligner que le zénète n'est pas uniquement une langue quelconque. Elle est d'abord et avant tout, une langue, une culture, une histoire et une civilisation, un mode de vie et une identité. Et la responsabilité dans la sauvegarde de ce patrimoine échoit aux poètes qui sont obligés, aujourd'hui, de parler dans cette langue, transmettre ses valeurs, son histoire et son capital linguistique, esthétique et poétique. Un poète doit exprimer avec amour et confiance dans cette langue. On doit cesser de voir le zénète comme une langue méprisée, mineure et sans avenir. Nous devrions nous exprimer en toute liberté et sans complexe dans notre langue. Cela doit nous inspirer un sentiment de supériorité, car c'est un plus et un avantage sur ceux qui ne la parlent pas. Nous devrions également l'utiliser partout pour que les autres découvrent le trésor que cache cette langue. Je pense très sérieusement que lorsque deux amazighs s'expriment dans leur langue, c'est quelque chose de naturel, logique et respectable. Quels sont les sujets que vous évoquez dans vos poèmes ? La poésie est d'abord un message de la société. C'est un enseignement. Il traite tous les sujets. Comme l'Ahellil qui traite, en profondeur, des sujets aussi riches que variés, comme la spiritualité, le social, l'éducation, l'amour, la nature, les traditions… Me concernant, je m'exprime sur plusieurs sujets. Je compose notamment sur l'amour et c'est le fruit de l'inspiration. C'est l'inspiration qui impose le sujet. Pour ce sujet, cet amour ne concerne pas uniquement le sentiment qui unit l'homme et la femme, mais plutôt l'amour qui unit les frères, le village, l'amour de la langue, du pays, de la nature… Parfois j'écris pour traiter un phénomène social, une dérive de la société… Pensez-vous éditer vos poèmes dans des recueils afin de permettre à un large public d'en connaître davantage sur votre poésie ? Cela fait des années que je compose, mais l'absence d'espace et d'opportunité pour le rendre public est un véritable problème pour nous les poètes zénètes. Les responsables doivent s'intéresser à notre langue et notre poésie. Mon rêve est de voir un festival de la poésie zénète, comme tous les festivals d'expressions dans les autres langues algériennes. C'est à partir de ces initiatives que la langue résistera à la menace de la disparition et pourra vivre encore et transmettre ce trésor linguistique et culturel. Par exemple, à Talmin et Charouine, la langue vit encore et elle garde toujours son originalité et aucune autre influence linguistique n'a pu transgresser les règles grammaticales du zénète local. Je voudrais également souligner que c'est à cause du manque des maisons d'édition qui s'intéressent à notre patrimoine. M. M