L'ancien directeur du Théâtre régional de Béjaïa et cogérant de l'ancien espace Noün renoue, dans ce livre édité à compte d'auteur, "avec ses déambulations, ses pérégrinations pour dérouler le cordon qui le rattache à la Kabylie". Un besoin irrépressible de revenir au passé, à l'enfance et les souvenirs d'antan, semble-t-il, pour Tahar, qui avait déjà consacré, en 2014, un livre à l'ancienne Saldae. "Akal, une terre comme une senteur de très loin". "Akal, une terre comme une langue", disait Mahmoud Darwich. La terre, chantée et décrite tant de fois à travers les siècles par les poètes. De Saïd Oulefki, en passant par Si M'hand Ou M'hand, Slimane Azem ou encore Cherif Kheddam, qui ont fait l'éloge de cette terre ancestrale plusieurs fois millénaire, berceau de la vie et des origines. À son tour, Arezki Tahar, ancien directeur du Théâtre régional de Béjaïa et cogérant de l'espace Noün qui a, malheureusement, disparu entre-temps, "renoue avec ses déambulations, ses pérégrinations pour dérouler le cordon qui le rattache à la Kabylie". Un besoin irrépressible de revenir au passé, à l'enfance et les souvenirs d'antan, semble-t-il, pour l'auteur, qui avait déjà consacré, en 2014, un livre à cette même terre, l'ancienne Saldae, ville des marabouts, intitulé "Ma ville, ma pupille" (à compte d'auteur). Ici, le retour vers la terre nourricière s'apparente à un voyage mystique, à la (re)conquête de l'essence même de la vie en ces terres sinueuses, où la nature est aussi belle que dévastatrice. Il en découle, selon les propos de l'auteur, "des sensations ressenties face aux paysages et leur puissance, à leur délicatesse, à ce je ne sais quoi qui éblouit le regard, pénètre en soi pour faire corps avec les éléments, la matière et la lumière. Un état de plénitude, une agréable et légère perte de soi pour retrouver un corps-terre, un corps-poème", disait Jean Sénac. À côté de ce texte qui se lit comme une déclaration d'amour à son "Akal", et aussi, peut-être, comme une appréhension de voir celle-ci se dégrader, comme la disparition, des "afniq", brûlés par les Français. "Mais il est une chose qui a disparu à tout jamais mon fils", lui racontait sa grand-mère, descendante d'une des tribus berbères parties à la conquête de l'Andalousie, "nous avions deux "afniq", coffres berbères plein de thikthabines, livres rapportés d'Andalousie et dans lesquels se trouvaient notre sadjra, arbre généalogique tissé de fils dorés sur une peau de chèvre. Tout cela a été brûlé. Détruite notre sadjra. Réduite en cendres !" Puiser dans ses souvenirs, dans le legs poétique des Jean-Paul El-Mouhoub, Djamel Allem, Kateb Yacine ou encore Mohammed Dib dont les citations introduisent d'ailleurs cet ouvrage, Arezki Tahar use également de son appareil-photo qui sillonne la vallée de la Soummam, à travers des clichés pris sur le vif, mettant en scène les bêtes, la nature et l'homme. Des visages d'anonymes, d'enfants qui jouent, de vieillards à l'ombre d'olivier centenaire. En hiver, en été où lorsque la nature commence à bourgeonner avant de dévoiler ses plus belles couleurs. Puis, il y a l'arbre, l'olivier plus précisément, présent dans la quasi-totalité des clichés, et le seul élément de la nature auquel est consacré l'extrait d'une interview avec Mouloud Mammeri, qui en parle en ces termes à Jean Pélégri : "Naturellement, ce n'est pas original, mais on a les arbres que l'on peut et celui-ci a toutes les vertus. D'autres essences ont plus de prestige. La littérature les a chantées sur tous les tons. Elle a dit la beauté rectiligne des cèdres, ceux du Liban, dont elle a même entendu les chœurs, mais les nôtres ne sont pas altiers ni moins harmonieux (…) l'arbre de mon climat à moi, c'est l'olivier ; il est fraternel et à notre exacte image."
Yasmine Azzouz Akal, terres de Kabylie, d'Arezki Tahar, beau-livre édité à compte d'auteur. 179 pages. 2019