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"Il faut affranchir le livre de toute censure"
Lynda Chouiten, romancière
Publié dans Liberté le 30 - 01 - 2020

Jeune auteure dévoilée au public la toute première fois en 2017 avec Le Roman des Pôv'cheveux, publié par les éditions El-Kalima, Lynda Chouiten se voit lauréate en 2019 du Grand Prix Assia-Djebar pour son second roman Une Valse, paru chez les éditions Casbah. Présente lors du Salon du livre de Tizi Ouzou où elle a été invitée pour signer son ouvrage et participer à une rencontre-débat autour de "L'écriture au féminin", l'auteure primée a bien voulu se dévoiler un peu plus aux lecteurs de Liberté.
Liberté : Vous avez reçu cette année le Prix Assia-Djebar pour le roman. Un mot sur cette distinction...
Lynda Chouiten : Comme vous pouvez l'imaginer, c'est une énorme fierté doublée d'une grande joie que de recevoir un tel prix. J'en suis encore tout émue. Vous pensez bien que recevoir un prix littéraire est important pour un jeune auteur, quand de plus ce prix porte le nom d'une sommité comme Assia Djebar, c'est un honneur plus qu'autre chose.
Jamais je n'aurais imaginé une telle consécration. Voir son nom associée à celui de la grande Assia Djebar est une fierté. Mais il faut savoir que son style d'écriture est tout autre que le mien. Je ne pense pas faire partie de son "école d'écriture" s'il y en avait une qui est plus "cérébrale", qui vient de la tête ; alors que mon écriture est, certes, un peu cérébrale aussi, mais elle est surtout émotionnelle et plus énergique.
Justement, que pensez-vous d'Assia Djebar, la femme et l'écrivaine ?
Assia Djebar n'était pas seulement une grande romancière, elle était aussi poète, dramaturge et historienne. C'est la pionnière de la cause féminine en Algérie. Dans Loin de Médine, elle déploie ses talents pour nous inviter à réfléchir sur le statut et le rôle de la femme dans les sociétés musulmanes et, bien qu'elle s'appuie sur des références solides — sur les écrits de Tabari en particulier — elle laisse aussi libre cours à son imagination, comme lorsqu'elle invente le personnage de la Rawiya Habiba.
Et elle met une belle langue soutenue au service de l'Histoire et de l'imagination. Pour moi, Assia Djebar, c'est cela : le mariage de l'intellect et de l'imagination et une langue parfaite, qui lui vaudra d'ailleurs un siège à l'Académie française. Djebar est l'ambassadrice de la littérature algérienne à l'étranger, elle qui a frôlé le prix Nobel et dont l'œuvre a été traduite en plusieurs langues.
Un mot sur votre premier ouvrage ? Et comment vous est venu le goût de l'écriture ?
Le premier livre que j'ai publié n'est pas le premier livre que j'ai écrit. J'écris depuis toute petite et je répétais à qui voulait bien m'entendre que je deviendrai écrivain. Malheureusement, publier mes écrits n'était pas une chose évidente, car je ne connaissais personne dans le milieu de l'édition et je ne savais pas comment m'y prendre. De plus, il fallait venir à bout des hésitations et des doutes qui assaillent parfois les écrivains quant à la qualité de ce qu'ils ont produit.
C'est justement ce qui a retardé la publication de mon premier roman, Le Roman des Pôv'Cheveux. J'ai commencé à l'écrire vers 2006, mais je ne savais pas trop si cette histoire étonnante de cheveux pouvait intéresser les lecteurs. Je l'ai donc laissée de côté et ne l'ai reprise que des années plus tard. Donc, pour répondre à la question, la publication de ce premier livre n'était pas une idée ou un besoin, mais un rêve d'enfance réalisé un peu tardivement.
Comment est perçue cette envie d'écrire par votre famille et votre entourage ?
J'entends souvent mes consœurs dire que leurs familles décourageaient leur envie d'écrire et leur répétaient que ce n'était pas une occupation pour filles (ou femmes). Moi, j'écris depuis toute petite et personne ne me l'a reproché. Je ne sais pas si ma famille prenait au sérieux mon ambition de devenir écrivain, mais tout le monde, à l'école comme à la maison, répétait que j'écrivais remarquablement bien — et sans fautes. Il ne m'en fallait pas plus pour m'accrocher à mon rêve.
Le livre a-t-il sa place dans notre société ?
On répète souvent qu'il y a de moins en moins de lecteurs, que le livre a été détrôné par des supports digitaux et les réseaux sociaux. Cela est malheureusement vrai et s'ajoute à une certaine méfiance vis-à-vis du livre, perçu comme subversif par certains et comme immoral par d'autres. Mais je pense que tout n'est pas perdu car il existe encore des personnes assoiffées de littérature, même si elles ne sont pas nombreuses. Lors de ce Salon du livre de Tizi Ouzou, j'ai eu le plaisir de dédicacer mon roman à des personnes venues de loin, d'Akbou et d'Alger notamment. L'amour de la lecture se cultive, se nourrit, se transmet. Il faut œuvrer pour cela.
Comment aider les autres, et les enfants surtout, à aimer lire ?
D'abord, en donnant l'exemple : les enfants ont tendance à imiter les adultes, leurs parents en particulier. Ensuite, en faisant en sorte que la lecture soit une activité ludique plutôt qu'une contrainte. Chez les enfants, la lecture doit chercher l'émerveillement plutôt qu'une simple "alphabétisation". L'adulte qui fait la lecture aux enfants en bas âge doit aussi être un comédien : adopter une voix différente pour chaque personnage et simuler la peur, la joie ou la surprise, en fonction du passage lu. Plus tard, l'enfant saura retrouver toutes ces sensations en lisant lui-même de petites histoires.
En un mot, la lecture doit procurer du plaisir, et c'est vrai pour les adultes aussi. Ce plaisir doit être à la fois intellectuel et esthétique ; c'est pour cela qu'il est important de proposer des livres bien écrits et riches tant en émotion qu'en réflexion. À côté de cela, il faut habituer nos concitoyens aux images incitant à la lecture. Pourquoi voyons-nous très rarement des personnes qui lisent dans les films, les séries télévisées et les spots publicitaires, par exemple ? Je pense que ce genre de messages subliminaux peut amener subrepticement enfants et adultes à s'intéresser à la lecture.
Que pensez-vous du Salon du livre de Djurdjura ? Comment est-il perçu à Tizi ?
L'initiative est, bien sûr, louable, et je tiens à remercier les organisateurs. Cela dit, il y a plusieurs lacunes auxquelles il faudra remédier à l'avenir. Par exemple, beaucoup de maisons d'édition, dont les plus connues, sont absentes. Est-ce parce qu'elles n'ont pas été invitées à prendre part à l'événement ou parce qu'elles l'ont boudé ?
Je n'en sais rien. De même, l'engouement du public n'est pas au rendez-vous, contrairement à d'autres salons, comme le Salon international d'Alger. C'était déjà le cas l'année dernière. Il y a lieu de s'interroger sur les raisons de ce désintérêt pour y parer lors des prochaines éditions.
Aujourd'hui, on aspire tous à une Algérie nouvelle. Que faire du côté culturel et livresque ?
Le livre doit fleurir, faire partie du quotidien des Algériens. Un livre, c'est utile et ça rend heureux : ça permet de voyager, de rêver, mais aussi de réfléchir — de repenser sa vie et son environnement. De se concentrer sur soi plutôt que sur son voisin ; d'être en paix avec ce dernier. De s'ouvrir sur l'Autre, de le comprendre, de l'accepter.
Pour toutes ces raisons, il faut encourager le livre, le promouvoir et l'affranchir de toute censure. Il faut inviter la littérature étrangère contemporaine chez nous — elle est presque introuvable ! — et faire en sorte que la nôtre traverse les frontières. Je parle du livre, mais tout cela est valable pour toutes les autres formes artistiques. Que la nouvelle Algérie soit une Algérie de culture, de création et d'ouverture !

Propos recueillis par : Samira Bendris-Oulebsir


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